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[CRITIQUE] : Le Visiteur du Futur


Réalisateur : François Descraques
Acteurs : Florent Dorin, Arnaud Ducret, Enya Baroux, Raphaël Descraques,....
Distributeur : KMBO
Budget : -
Genre : Science-fiction, Comédie.
Nationalité : Français.
Durée : 1h42min.

Synopsis :
2555. Dans un futur dévasté, l’apocalypse menace la Terre. Le dernier espoir repose sur un homme capable de voyager dans le temps. Sa mission : retourner dans le passé et changer le cours des événements. Mais la Brigade Temporelle, une police du temps, le traque à chaque époque. Débute alors une course contre la montre pour le Visiteur du Futur…



Critique :


Qu'on se le dise, la suite sur grand écran, véritable arlésienne au fil du temps (comme Kaamelott, qui s'est in fine concrétisée l'an dernier), de la géniale web-série Le Visiteur du Futur cristallisait tellement d'attentes auprès des fans - nous les premiers -, qu'il était presque impossible pour le couteau suisse taltentueux François Descraques d'y répondre et ce, même avec la meilleure volonté du monde d'un faiseur de rêves voulant rendre le plus parfait et accessible possible, l'ultime virage de la création d'une vie.
Évitant l'écueil de la jurisprudence " Caméra Café/Espace Détente " tout en réussissant la prouesse non négligeable de ne pas uniquement parler aux aficionados du show (bon point pour les néophytes, que cette suite est aussi censée draguer), Le Visiteur du Futur sauce grand écran jongle avec les mêmes contraintes que par le passé (budget " riquiqui " en tête, 4 millions promo comprise) tout en s'en créant de nouvelles (passé du format court au format long, multiplication des effets visuels,...), tout en cherchant à défricher un giron de la SF hexagonal lâchement abandonné par les producteurs.

Copyright Pyramide Productions

Vrai effort de funambule, à la fois gargarisé et un brin bridé par ses nouvelles possibilités, le film se fait une grisante aventure comico-apocalyptique qui développe savamment sa mythologie tout en jouant intelligemment la carte de la réintroduction à un univers foisonnant et captivant, par le biais d'une pluie de nouveaux personnages plus où moins bien sculptés qui prennent le pas sur ceux qui nous sont familiers (on ne reviendra pas sur certaines présences dispensables - oui, McFly et Carlito, mais pas que).
Se suffisamment pleinement à elle-même tout en incarnant dans le même temps un final satisfaisant pour les fans, l'intrigue dégainée par les frangins Descraques épouse les codes du divertissement spectaculaire et efficace qui ne dénote pas de la recette originale (modifier le passé pour sauver l'avenir de l'humanité, même si ici un poil moins décalée et philosophique), articulant son noeud dramatique autour d'une conflictuelle relation père/fille (version détournée de Terminator, où l'enfant voué à sauver l'humanité fait ici place à une figure paternelle directement responsable de l'apocalypse), et à laquelle le duo greffe des sous-textes politiques et écologiques certes loin d'être toujours subtils, mais furieusement essentiels et fidèles aux valeurs même de la web-série : éveiller les consciences sans pour autant dénigrer son statut de proposition populaire et spectaculaire (avec des séquences d'action et des affrontements lisibles et solidement exécutés), porté par une SF ambitieuse et réfléchie et un humour - souvent - désopilant.

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Loin de l'effort frustrant qui se perd dans une contextualisation abusive où une volonté - au demeurant louable - de dégainer de nombreux clins d'oeil aux fans (écueils dans lesquels tombait tête la première Kaamelott - Premier Volet), même s'il n'est évidemment pas exempt de quelques petites/grosses ficelles scénaristiques jamais plombantes; Le Visiteur du Futur transpire de tous ses pores l'envie sincère d'être un vrai objet de cinéma rythmé et emballant, de ces costumes soignés à sa mise en scène enlevée, en passant par sa direction d'acteurs affûtée (un joli tandem Arnaud Ducret/Enya Baroux répond aux habitués - et géniaux - Florent Dorin et Raphaël Descraques).
Sans jamais se renier ni titiller plus que de raison la nostalgie des fans, François Descraques réussit sans trembler un pari loin d'être gagné sur le papier, en espérant que cette page cinématographique des aventures du Visiteur en appelle d'autres.
Aux spectateurs maintenant de rendre cela possible, en faisant taire l'idée persistante que le cinéma de genre n'a aucun avenir durable dans nos contrées...


Jonathan Chevrier



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Une adaptation cinématographique de la web-série culte Le Visiteur du Futur était à la fois attendue et appréhendée. Symbole de la création française indépendante de genre, la série n’avait jamais perdu son identité, même au sein de ses différents partenariats au fil des saisons (Ankama, France Télévisions). Il était possible d’imaginer ce pari fou comme la preuve d’une certaine mainmise de l’industrie sur les contenus indépendants. Cette crainte est rapidement étouffée dès la scène d’introduction du long-métrage, témoignant d’une véritable envie de mise en scène d’un François Descraques aussi libre que jamais, à la fois dans ses tentatives d’humour que dans ses scènes de pure science-fiction.
Le Visiteur du Futur est juste dans son équilibre entre humour, action et émotion, et pas simplement un épisode allongé de la web-série. Il est assez rassurant de voir que les arcs des personnages se suffisent à eux-mêmes sur la durée du film, permettant aux néophytes de s’installer sans problème dans cet univers, tout comme ils sont le prolongement logique de l’état dans lequel François Descraques les avait laissés à la fin de la série. Tout le monde peut s’y retrouver.

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Il s’agit en plus de cela d’un véritable pas de franchi par rapport à l’œuvre originale, et ce dans tous les domaines. Premièrement, un remarquable soin est apporté à la direction artistique, largement supérieure à la série (quand même très convaincante vu le manque de moyens à l’époque des deux premières saisons), tout comme la mise en scène, ni trop classique, ni foutraque, contenant plusieurs passages assez astucieux. Dans un second temps l’univers du Visiteur est étendu, et pas juste adapté dans un soft-reboot censé tout réexpliquer aux spectateurs novices, ce qui traduit une envie d’aller vers de nouveaux horizons… par le biais d’une suite, peut-on l’espérer ? Toutefois, il ne s’agit pas non plus d’une démo technique, le film conservant également une part du charme « amateur » des débuts de l’aventure du Voyageur du Temps, notamment dans cette écriture fine et grotesque à la fois.
Le long-métrage est à l’image de la série, à la fois une bouffonnerie (mais jamais lourde) ainsi qu’une vraie œuvre de science-fiction avec quelques nouveautés intéressantes à propos du temps, sans jamais oublier ce qui traverse émotionnellement ses personnages. Les enjeux sont clairs et toujours incarnés, jamais trop parasités par ses incursions humoristiques, ce qui peut poser problème dans ce genre d’adaptation. Certes les propos sur les tensions familiales et les tragédies écologiques ne sont ni révolutionnaires ni surprenants, mais ils articulent un des points positifs du film : la dimension organique du récit, centré sur le regret et le pardon. Interprété par un solide casting, les personnages gagnent en épaisseur (Florent Dorin, davantage dans la retenue et par conséquent plus touchant) tout en révélant des subtilités inattendues (le duo père-fille Arnaud Ducret/Enya Baroux gagne notre empathie rapidement). Le film est d’ailleurs le plus intéressant quand il laisse ses personnages se confronter verbalement plutôt que par l’usage risqué (en France) de l’action. Le film a du cœur avant d’avoir de la poigne, car traversé par des protagonistes se remettant constamment en question.

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Le long-métrage est alors une réussite, toujours bien rythmé et construit solidement de son point de départ jusqu’au climax, clôturant logiquement les arcs de tous les personnages en leur apportant une couche d’émotion supplémentaire. En espérant qu’il marque une date dans l’histoire de la team Frenchnerd comme de l’évolution du cinéma de genre dans l’Hexagone. Avec un budget aussi dérisoire la générosité et l’humilité du métrage ne sont qu’à saluer, en espérant en voir d’autres aussi ambitieux et touchants par la suite. Qui sait ce que l’avenir nous réserve ?


Florian