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[CRITIQUE] : Loving Highsmith


Réalisatrice : Eva Vitija
Avec la voix de : Gwendoline Christie
Distributeur : Dean Medias
Budget : -
Genre : Documentaire
Nationalité : Suisse, Allemand
Durée : 1h23min

Synopsis :
Un regard unique sur la vie de la célèbre autrice américaine Patricia Highsmith, d'après ses journaux intimes et ses carnets de notes, ainsi que les réflexions intimes de ses amantes, amis et famille. Se concentrant sur la quête d'amour de Highsmith et son identité troublée, le film jette un nouvel éclairage sur sa vie et son écriture.



Critique :


L’inconnu du Nord-Express, Carol, Le talentueux Mr Riley ou encore, plus récemment, Eaux Profondes… L'œuvre littéraire de Patricia Highsmith se conjugue au cinéma, parmi les grands noms du septième art : Alfred Hitchcock, René Clément, Wim Wenders, Claude Chabrol. Il fallait bien un film pour rendre hommage à son travail d’écriture et à sa vie, loin des normes de son époque. Loving Highsmith, réalisé par Eva Vitija nous livre un passionnant documentaire sur l’autrice, partagé entre son œuvre, ses amours féminins et ses chats.

Copyright Salzgeber & Co. Medien

Le lien ténu entre le travail de Patricia Highsmith et le cinéma se place dès le début du film. Une image, celle de l’autrice en train d’écrire à sa machine. Un son, celui de la voix-off de Gwendoline Christie, qui lit un passage d’un roman. Un film, celui de Hitchcock, qui se superpose à la voix-off et montre l’action décrite. Highsmith a si bien façonné le cinéma de son époque qu’elle a présidé le jury du Festival de Berlin de 1978. On lui prête souvent un goût prononcé pour le roman à suspense. Il est vrai qu’il est souvent question de meurtres et de morale dans son œuvre, sans y chercher de la provocation pourtant. Les films adaptés de ses romans, des thrillers noirs, finissent d'asseoir sa popularité face à un public avide de ses histoires amorales. Elle avoue même avoir une certaine admiration pour Ripley et son manque de culpabilité vis-à-vis de ses actions. Sa façon de vivre, seule dans une maison du sud de la France avec ses chats, sa machine à écrire et ses idées, lui donne une aura et une personnalité publique hors normes. Elle n’aime pas les gens (et le dit haut et fort), ne s’est jamais mariée, n’a pas eu d’enfant, répond aux interviews d’une façon directe et sans fioriture. Elle est une femme lesbienne qui s’est construite dans le secret d’un New-York des années 50 où il fallait taire le nom des bars gays, sortir une station avant ou après pour ne pas attirer l’attention sur le lieu, être discrète et ne pas faire de vague.

La grande force de ce documentaire, c’est justement de ne pas taire le lesbianisme de Patricia Highsmith et de le mettre au même niveau que ses écrits. À la manière de Barbara Hammer et de son travail documentaire sur l'invisibilisation des lesbiennes dans l’art (notamment son moyen métrage The Female Closet), Eva Vitija émet une corrélation entre sa sexualité et son œuvre, une vie en marge dans une société hétéronormée. Alors qu’elle vit encore dans un New-York placardé, Patricia Highsmith écrit Carol sous pseudonyme (Claire Morgan), seul roman lesbien de l’époque avec une fin heureuse. Highsmith devient alors une sorte d’icône underground, donnant la possibilité aux lesbiennes de vivre une histoire d’amour passionnée sous le corset des diktats patriarcaux des années 50. Il faudra attendre les années 90 pour qu’elle appose sa vraie identité à cette histoire, adaptée élégamment par Todd Haynes en 2016. À l’instar de sa Thérèse, l’autrice aussi vivra une histoire d’amour avec une anglaise mariée, dont le nom (demeuré anonyme à sa demande) commence par un C. Patricia Highsmith déménage même en Angleterre pour vivre cette histoire d’amour, au côté d’un mariage que C ne veut pas interrompre.

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Rythmé par des interviews de ses anciennes amantes et des membres de sa famille, Loving Highsmith donne également de l’importance aux images d’archives, où l’on voit l’autrice arroser son jardin ou donner à manger aux chats. Une manière de rendre hommage à la fois à sa liberté sexuelle, à sa vie queer et underground mais aussi à sa vie solitaire dans laquelle elle se complaîsait. Une vie simple et secrète, loin des “bonnes mœurs" auxquelles sa mère la destinait. Eva Vitija lui offre une véritable lettre d’amour et une fenêtre sur sa vie si particulière, que l’on partage avec plaisir le temps d’un film.


Laura Enjolvy