[CRITIQUE] : Incroyable mais vrai
Réalisateur : Quentin Dupieux
Acteurs : Alain Chabat, Léa Drucker, Benoît Magimel, Anaïs Demoustier,...
Distributeur : Diaphana Distribution
Budget : -
Genre : Comédie.
Nationalité : Français.
Durée : 1h14min
Synopsis :
Alain et Marie emménagent dans un pavillon. Une trappe située dans la cave va bouleverser leur existence.
Critique :
Une année ciné sans un cannevas de la douce bizzarerie du cinéma de Quentin Dupieux n'est pas totalement une année ciné française, et si 2021 a été sevrée de ses délires en salles, 2022 devrait gentiment corriger le tir avec pas moins de deux péloches, Incroyable mais vrai tout d'abord et Fumer fait tousser par la suite, fraîchement adoubé par la Croisette en mai dernier - en séance de minuit.
Vingt-et-un ans déjà que le bonhomme hante le septième art par son génie absurde, une oeuvre démarré tout en nuance avec Nonfilm - tout est dans le titre -, sorte de mise en abyme où le film, tout comme Dupieux, réfléchissait à son propre processus de création.
Et c'est sensiblement vers ce concept même de mise en abyme, rappelant tout autant Réalité et Rubber (avec une pointe de body horror qui cite aussi bien celui-ci que Le Daim), qui nourrit le coeur de son nouvel effort, Incroyable mais vrai, plus où moins articulé autour de l'obsession du temps qui passe et de la distorsion temporelle (avec une maison où les lois qui régissent le continuum espace-temps agissent comme les exceptions - ridicules - qui les confirment).
Plus où moins tant une fois que Dupieux a dévoilé ses enjeux aux spectateurs, le récit commence progressivement à se recroqueviller sur lui-même dans une répétitivité, il est vrai partie intégrante de son sens (voire même de son cinéma, ce qui commence sensiblement à se ressentir), qui n'est pas tant là pour jouer avec le décalage de sa distorsion temporelle qu'il éprouve plus que de raison (une première tant il s'avérait bien plus nébuleux sur la structure de ses high concept par le passé), que pour compenser une immobilité évidente, que ses nombreuses digressions comiques et volubiles ne viennent jamais vraiment stimuler.
Une pratique qui n'est pas sans rappeler ce qu'il a expérimenté par le passé, le principe de l'hypertrophie du grotesque que le cinéaste oppose une nouvelle fois ici à une mise en scène toujours aussi sèche et dépourvue de fioritures.
Mais il y a quelque chose qui ne tourne jamais totalement rond dans ce délire inutilement alambiqué, comme si plus que jamais, Dupieux croit si peu en ce qu'il dit qu'il a surchargé son récit et inventé des situations de plus en plus délirantes, jusqu'à perdre en grande partie le contrôle de son entreprise.
Ce qui est dommage tant les enjeux soulevés par son nouvel effort sont peut-être les plus intéressants qu'il ait eu à effleurer ses dernières années, une ébauche de réflexion satirique et foisonnante sur les dérives de la société capitaliste occidentale : confusion volontaire entre humanité et objet/marchandise, vouloir continuellement remplacer ce qui peut être réparé, obsession du temps qui passe, le dictat fou et narcissique du corps (et la quasi-hystérie humaine de vouloir en lisser la moindre ondulation sur les visages), la superposition des genres,...
Un sentiment étrange pointe alors tout du long le bout de son nez dans cette superficialité ludique et dénuée de toute structure réelle mais étant tout autant excessivement tirée en longueur, comme si le cinéaste aux multiples casquettes avouait presque n'avoir pas grand chose à nous dire tout en ayant, paradoxalement, une vraie volonté de s'inscrire pleinement dans des questionnements contemporains et de caricaturer notre époque déjà bien déglinguée.
Reste que l'on ne s'ennuie jamais vraiment chez Dupieux, même si son mécanisme (comme celui de la verge électronique de Benoît Magimel dans le film) tombe parfois en panne et que la magie se délite dans le dernier tiers, malgré un casting totalement voué à sa cause (Alain Chabat, Léa Drucker et Benoît Magimel sont absolument géniaux).
Et si, au fond, la volonté première du cinéaste était de nous faire ressentir, plus que de nous le dire en un peu moins d'une heure et quart, que nous perdons tous du temps pour rien.
Le symbole incroyable (ultime?) du caractère absurde d'un cinéaste chronophage qui ne cache à aucun moment ses intentions ni son honnêteté.
Jonathan Chevrier
Acteurs : Alain Chabat, Léa Drucker, Benoît Magimel, Anaïs Demoustier,...
Distributeur : Diaphana Distribution
Budget : -
Genre : Comédie.
Nationalité : Français.
Durée : 1h14min
Synopsis :
Alain et Marie emménagent dans un pavillon. Une trappe située dans la cave va bouleverser leur existence.
Critique :
Sympathique balade barrée même si un poil redondante, que #IncroyableMaisVrai où Dupieux use de l'obsession du temps qui passe et de la distorsion temporelle pour mieux croquer une ébauche de réflexion satirique sur les dérives de la société contemporaine. Joli duo Chabat/Drucker pic.twitter.com/mFT6qLtOx3
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) June 14, 2022
Une année ciné sans un cannevas de la douce bizzarerie du cinéma de Quentin Dupieux n'est pas totalement une année ciné française, et si 2021 a été sevrée de ses délires en salles, 2022 devrait gentiment corriger le tir avec pas moins de deux péloches, Incroyable mais vrai tout d'abord et Fumer fait tousser par la suite, fraîchement adoubé par la Croisette en mai dernier - en séance de minuit.
Vingt-et-un ans déjà que le bonhomme hante le septième art par son génie absurde, une oeuvre démarré tout en nuance avec Nonfilm - tout est dans le titre -, sorte de mise en abyme où le film, tout comme Dupieux, réfléchissait à son propre processus de création.
Et c'est sensiblement vers ce concept même de mise en abyme, rappelant tout autant Réalité et Rubber (avec une pointe de body horror qui cite aussi bien celui-ci que Le Daim), qui nourrit le coeur de son nouvel effort, Incroyable mais vrai, plus où moins articulé autour de l'obsession du temps qui passe et de la distorsion temporelle (avec une maison où les lois qui régissent le continuum espace-temps agissent comme les exceptions - ridicules - qui les confirment).
Copyright Atelier de production Arte France Cinema Versus Production 2022 |
Plus où moins tant une fois que Dupieux a dévoilé ses enjeux aux spectateurs, le récit commence progressivement à se recroqueviller sur lui-même dans une répétitivité, il est vrai partie intégrante de son sens (voire même de son cinéma, ce qui commence sensiblement à se ressentir), qui n'est pas tant là pour jouer avec le décalage de sa distorsion temporelle qu'il éprouve plus que de raison (une première tant il s'avérait bien plus nébuleux sur la structure de ses high concept par le passé), que pour compenser une immobilité évidente, que ses nombreuses digressions comiques et volubiles ne viennent jamais vraiment stimuler.
Une pratique qui n'est pas sans rappeler ce qu'il a expérimenté par le passé, le principe de l'hypertrophie du grotesque que le cinéaste oppose une nouvelle fois ici à une mise en scène toujours aussi sèche et dépourvue de fioritures.
Mais il y a quelque chose qui ne tourne jamais totalement rond dans ce délire inutilement alambiqué, comme si plus que jamais, Dupieux croit si peu en ce qu'il dit qu'il a surchargé son récit et inventé des situations de plus en plus délirantes, jusqu'à perdre en grande partie le contrôle de son entreprise.
Ce qui est dommage tant les enjeux soulevés par son nouvel effort sont peut-être les plus intéressants qu'il ait eu à effleurer ses dernières années, une ébauche de réflexion satirique et foisonnante sur les dérives de la société capitaliste occidentale : confusion volontaire entre humanité et objet/marchandise, vouloir continuellement remplacer ce qui peut être réparé, obsession du temps qui passe, le dictat fou et narcissique du corps (et la quasi-hystérie humaine de vouloir en lisser la moindre ondulation sur les visages), la superposition des genres,...
Copyright Atelier de production Arte France Cinema Versus Production 2022 |
Un sentiment étrange pointe alors tout du long le bout de son nez dans cette superficialité ludique et dénuée de toute structure réelle mais étant tout autant excessivement tirée en longueur, comme si le cinéaste aux multiples casquettes avouait presque n'avoir pas grand chose à nous dire tout en ayant, paradoxalement, une vraie volonté de s'inscrire pleinement dans des questionnements contemporains et de caricaturer notre époque déjà bien déglinguée.
Reste que l'on ne s'ennuie jamais vraiment chez Dupieux, même si son mécanisme (comme celui de la verge électronique de Benoît Magimel dans le film) tombe parfois en panne et que la magie se délite dans le dernier tiers, malgré un casting totalement voué à sa cause (Alain Chabat, Léa Drucker et Benoît Magimel sont absolument géniaux).
Et si, au fond, la volonté première du cinéaste était de nous faire ressentir, plus que de nous le dire en un peu moins d'une heure et quart, que nous perdons tous du temps pour rien.
Le symbole incroyable (ultime?) du caractère absurde d'un cinéaste chronophage qui ne cache à aucun moment ses intentions ni son honnêteté.
Jonathan Chevrier