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[CRITIQUE] : Ogre


Réalisateur : Arnaud Malherbe
Acteurs : Ana Girardot, Giovanni Pucci, Samuel Jouy,...
Distributeur : The Jokers / Les Bookmakers
Budget : -
Genre : Drame, Fantastique.
Nationalité : Belge, Français.
Durée : 1h43min.

Synopsis :
Fuyant un passé douloureux, Chloé démarre une nouvelle vie d'institutrice dans le Morvan avec son fils Jules, 8 ans. Accueillie chaleureusement par les habitants du village, elle tombe sous le charme de Mathieu, un médecin charismatique et mystérieux. Mais de terribles événements perturbent la tranquillité des villageois : un enfant a disparu et une bête sauvage s’attaque au bétail. Jules est en alerte, il le sent, quelque chose rôde la nuit autour de la maison...



(Un joli petit prequel animé au film)



Critique :


Il n'y a finalement rien d'étonnant dans le fait de voir Arnaud Malherbe s'inscrire dans la droite lignée du cinéma de Guillermo Del Toro, avec son premier long-métrage Ogre, qui se rêve comme l'expression d'un fantastique sensoriel et sincère - la maestria du maître mexicain en moins, évidemment.
C'est même d'une simplicité élémentaire, dans le sens où le papa du Labyrinthe de Pan est parvenu par deux fois, avec Pan justement mais aussi L'Echine du Diable quatre ans plus tôt, à revenir aux sources du conte pour mieux en embrasser une part d'ombre mais surtout une complexité totalement abandonnée par des décennies de formatage infantile - coucou Mickey.
D'autant qu'ils choisissent tous les deux de faire de leurs figures enfantines les moteurs de leurs récits respectifs, continuellement à hauteur d'enfants (tout comme Bayona d'ailleurs, héritier direct de Del Toro, pour Quelques minutes après minuit) en les catapultant dans une initiation à la dure de la violence qui gangrène le monde - instinctivement masculine.

Copyright The Jokers / Les Bookmakers

Mais si chez le mexicain, elle est incarnée par le mal de toute une époque (le facisme d'une Espagne franquiste), pour Ogre c'est une douleur plus intime mais tout aussi dévastatrice (un père abusif).
Et c'est dans ce traumatisme viscéral, les ravages causés par cette figure paternelle dissonante et toxique que s'immisce tout le ressort fantastique mais aussi dramatique du long-métrage, contant la quête (impossible ?) d'une reconstruction familiale dans un cadre à la symbolique ambivalente (une campagne reculée, aussi paisible qu'elle peut paraître inquiétante voire même inhospitalière), en proie aux rumeurs les plus folles - une créature s'attaquerait directement aux enfants -, titillant plus que de raison la paranoïa autant que l'imaginaire foisonnant du plus jeune des protagonistes (dont l'handicap, qui le pousse à porter une prothèse auditive, ne fait que renforcer son isolement même auprès des enfants de son âge qui le rejete) et par effet boomerang, l'inquiétude de sa mère.
Mister Babadook n'est jamais vraiment loin (dans sa manière d'user d'artifices métaphoriques pour mieux scruter un abandon psychologique au coeur d'une cellule familiale brisée), mais si Malherbe peaufine avec élégance l'esthétique de son cauchemar, embaumé dans un travail visuel et sonore vraiment soigné (une atmosphère réellement envoûtante, digne d'un conte des frères Grimm), il laisse cependant sensiblement de côté une narration finalement presque secondaire, dont la dangerosité lattente autant que l'ambiguïté ne sont jamais réellement cultivées jusqu'à un final un brin maladroit, tentant de raccrocher tous les wagons avant l'ultime fond noir.

Copyright The Jokers / Les Bookmakers

Ajouté à ça une écriture des personnages un poil grossière (pour ne pas dire très caricaturale), une insécurité comme dit plus haut essentielle mais jamais totalement palpable, mais également la construction d'une frontière bien trop fragile entre métaphore et folie/paranoïa, et la besace s'avère sans doute un peu trop lourde pour prétendre à incarner un solide drame intime et immersif flirtant langoureusement avec le conte fantastique, où une figure enfantine tourmentée affronte les vicissitudes et la violence de l'existence.
Reste que l'effort, même dans les imperfections de sa mise en images ambitieuse des névroses de l'enfance (il ne faut pas publier que c'est aussi et surtout un premier film, dans tout ce que cela implique), vaut son pesant de pop-corn et mérite vraiment d'être célébré dans un territoire du fantastique hexagonal particulièrement fertile ses derniers mois/années, mais pas encore assez soutenu en salles pour avoir un avenir un tant soit peu serein.


Jonathan Chevrier


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