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[CRITIQUE/RESSORTIE] : Mulholland Drive

Réalisateur : David Lynch
Avec : Naomi Watts, Laura Harring, Robert Forster, Justin Theroux, Dan Hedaya, Patrick Fischler, Jeanne Bates, Dan Birnbaum,...
Distributeur : Tamasa Distribution
Budget : -
Genre : Fantastique, Thriller, Drame
Nationalité : Américain, Français.
Durée : 2h26min

Date de sortie : 21 novembre 2001
Date de reprise : 8 décembre 2021

Synopsis :
Un violent accident de voiture sur la route de Mulholland Drive sauve une femme de ses poursuivants. Hagarde, la belle s’enfonce dans la nature et se réfugie dans une demeure inoccupée. Le lendemain, Betty Elms débarque à l’aéroport de Los Angeles. Actrice, elle compte bien devenir une star, et sa tante, partie sur un tournage, lui prête son appartement. Dans la salle de bains, Betty découvre avec surprise l’accidentée, terrée et terrifiée. Prise de compassion pour l’infortunée, qui se révèle amnésique, elle décide de l’héberger tout en l’aidant à retrouver peu à peu des bribes de son passé. Leurs seuls indices résident dans un sac rempli d’argent et une mystérieuse clé bleue...



Critique :


On ne le répétera sans doute jamais assez (et encore moins ceux qui sont sincèrement amoureux du bonhomme), mais David Lynch est, et de loin, l'un des plus grands cinéastes surréalistes du XXe siècle, capable de déconstruire le genre, voire même le concept de cinéma lui-même, pour servir la vision hypnotique de son concept d'Americana.
Si sa filmographie bénie a souvent divisée - surtout parce qu'incomprise -, aucune autre de ses oeuvres n'a autant cristallisé ce sentiment que Mulholland Drive, vertigineuse expérience de cinéma conçu miraculeusement (un pilote de série bashé chez NBC, qui trace aux capitaux de StudioCanal, deviendra un long-métrage), qui bouscule nos idées préconçues sur le septième art, ou il s'attaque - à sa manière - à Hollywood la putain et sa jungle aussi impitoyable que dévastatrice.
Une allégorie sur les recoins sombres de l'industrie, sa manière de sournoisement s'immiscer puis de lentement broyer la psyché et l'âme d'artistes et de cinéastes en herbes dont elle se nourrit de leurs espoirs; le chef-d'oeuvre d'un déconstructionniste incroyable montrant comment les strass et les paillettes d'Hollywood se construit sur les os et la chair des rêves brisés.

Copyright Tamasa Distribution

Hstoire obsédante et dérangeante d'amour condamné, de jalousie et de rêves fanés dans une Cité des Anges catapulté au fin fond des limbes, le scénario indéchiffrable (sauf après de multiples visions) et nébuleux s'attache aux aléas d'une jeune starlette courageuse mais naïve, Betty, qui cherche à réaliser son rêve de devenir actrice alors qu'elle croise la route de Rita, une femme amnésique et troublée, qui essaie de découvrir sa véritable identité après qu'un accident de voiture l'a privée de sa mémoire.
Plus les deux cherchent et se cherchent, moins elles trouvent de réponses jusqu'à ce que Lynch déverrouille sa boîte bleue et nous plonge dans le terrier du lapin, tirant le tapis sous nous et bouleversant tout ce que nous avons déjà vu...
Profondément impénétrable pour quiconque ne lui prête pas toute son attention, bourrée jusqu'à la gueule de personnages lunaires et/ou inquiétants aux apparitions imprévisibles, Mulholland Drive donne constamment l'impression de bousculer à chaque instant, Lynch jouant constamment sur l'opacité et le mystère de son jeu constant autour du mythe du double, pour mieux accoucher d'une exploration psycho-sexuelle de la mémoire et de l'identité, ou L.A. devient le cadre d'un véritable cauchemar Hollywoodien, une destruction du sacro-saint rêve américain d'une douce et jeune actrice essayant de devenir une star, que le cinéaste transforme en un cirque surréaliste, une pure terreur existentielle aux vignettes volontairement éthérées.
Un portrait sombre mais réaliste sur l'industrie en termes d'impact sur l'identité personnelle et individuelle de ses artisans, à laquelle il offre également un regard désespérément déprimant et absurde l'excès insensé et l'attente bourgeoise des coulisses de l'industrie du cinéma.

Copyright Tamasa Distribution

Comme la notion d'identité, le silence - et le fameux mot " Silencio " - transpire de ce récit, appuyé par la faculté incroyable du bonhomme a arrêter le temps et étirer plus que de raison le tempo de ses dialogues.
Cette notion de ne pas pouvoir mettre de mots - ou maux - sur son existence, de taire et d'enfouir son passé (ici en l'occurrence, le fait que Diane a été maltraitée et abusée durant toute son enfance), ou tout simplement de ne pas accepter la réalité de vivre dans l'illusion... d'un rêve.
Et il est là le thème matriciel de Mulholland Drive, le rêve, car tout n'est qu'illusion finalement, avec un as de la déconstruction, un magicien tel que Lynch : tout le film ou presque, ne se fait que le fruit du subconscient du personnage de Diane, l'illusion d'un monde rêvé et meilleur ou tout est parfait, ou tout est sous contrôle, à la différence de la vie, la vraie.
Betty n'est qu'une création de Diane, tout Rita qui n'est que la projection de son sa partenaire à l’écran et ex-petite amie, Camilla Rhodes, qui l'éclipse dans le business et ne veut plus d’elle; son rêve lui permet alors de garder son ascendant sur elle - qui est amnésique - autant que de ridiculiser son nouvel amant (un réalisateur qui n'a strictement rien à voir avec l'image qu'elle en donne dans son songe), mais aussi sur sa carrière, ou elle n'est plus une actrice ratée à qui rien ne sourit.
Rongée par la dépression et la jalousie, elle engagera un tueur à gages pour assassiner Camilla et se sont ses remords qui la pousseront à tromper la réalité (son rêve, qui se clôt au Silencio), puis à se suicider dans un ultime délire psychotique.

Copyright Tamasa Distribution

Chez Lynch, les frontières entre la réalité et le songe n’existent pas, et il ne se contente pas ici de regarder dans les ténèbres d'Hollywood à travers sa déconstruction et son imagerie surréaliste, il plonge - comme pour Twin Peaks et Lost Highway, auxquelles Mulholland Dr. répond brillamment -  dans le monde onirique du subconscient de femmes traumatisées, brisées et massacrées par la vie, mais aussi et surtout par les hommes.


Jonathan Chevrier



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