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[CRITIQUE] : Don’t Look Up : Déni Cosmique

Réalisateur : Adam McKay
Avec : Leonardo DiCaprio, Jennifer Lawrence, Meryl Streep, Jonah Hill, Timothée Chalamet, Cate Blanchett, Tyler Perry, Mark Rylance,...
Distributeur : Netflix France
Budget : -
Genre : Comédie.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h22min

Synopsis :
Deux piètres astronomes s'embarquent dans une gigantesque tournée médiatique pour prévenir l'humanité qu'une comète se dirige vers la Terre et s'apprête à la détruire.



Critique :


Nous sommes de ceux à beaucoup aimer Adam McKay par chez nous, grand bonhomme de la comédie barrée US des années 2000 dont l'amitié - jadis - sincère avec Will Ferrell, aura accouché de quelques-unes des péloches les plus drôles de ces vingt-dernières années - Anchorman et sa suite, Tallageda Nights mais surtout Step Brothers.
Surtout qu'au-delà de nous plier en quatre à chacune de ses sorties derrière la caméra, il avait su habilement opérer un virage un poil plus sérieux dans sa carrière, via le mésestimé The Big Short - Le Casse du Siècle mais surtout l'immense Vice, comédie satirique et décapante revenant sur la carrière pleine de " vices " justement, de Dick Cheney, incarnation machiavélique de la désastreuse présidence de George W. Bush.
C'est d'ailleurs sur ce dernier que les pensées sont véritablement tournées à la vision de son nouvel effort, Don't Look Up : Déni Cosmique, à tel point que l'on pourrait presque le voir comme une suite évidente.

Copyright NIKO TAVERNISE/NETFLIX

En scrutant hier du bout de la pellicule les affres de l'administration du fils Bush, qui ont décemment mené l'Amérique où elle en est aujourd'hui, Adam McKay n'a fait que paver le terrain pour sa charge irrévérencieuse envers la société contemporaine - et pas seulement américaine -, engoncée dans une pulsion capitaliste et une politique mondiale affreusement cynique ou chaque présidents, démocrates ou républicains (Meryl Streep incarnant brillamment un hybride de tout ce petit monde), sont tous coupables à un moment donné, de totalement s'incliner devant leur propre intérêt personnel et non celui de leurs concitoyens.
Entre l'essai vraiment sérieux et désespéré, et le sketch bigger than life et vraiment inspiré à la SNL, le film n'a nullement besoin d'être subtil pour dégainer avec malice sa charge envers le capitalisme donc, les politiques (entre individualisme, incompétence et ignorance volontaire et assumée), les médias (la marchandisation/monétisation autant que la manipulation des réseaux sociaux) et les plus riches (des milliardaires jouissant des affres du capitalisme pour s'enrichir encore plus), autant que dans sa métaphore claire sur la crise environnementale et climatique (d'où la présence evidente de DiCaprio, un activiste bien connu dans le domaine), qui peut pleinement s'appliquer à la crise pandémique actuelle.

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Suffisamment détaché de la réalité pour pouvoir fonctionner comme une pure satire, tout autant que sa cruelle vraisemblance ne fait qu'alimenter davantage son absurdité, Don't Look Up n'a, après tout, pas besoin de brosser plus fort le trait pour nous faire rire autant que nous mettre mal à l'aise dans la manière authentique dont il représente l'idiotie et la cupidité humaine : nous la vivons au quotidien.
Nous vivons au jour le jour la détérioration (mort ?) de notre monde, mais l'actualité sur le réchauffement climatique, les nombreux avertissements sociaux et scientifiques doublé aux extinctions exponentielles de nombreuses espèces font (très) rarement la une des journaux.
Et tandis que les données concrètes existent pour prouver et alerter sur la réalité de ce danger, des millions de personnes refusent tout simplement d'y croire tandis qu'une petite partie d'entre-eux n'hésitent même pas a activement de discréditer la science. 
Comme le démontre McKay, nous n'avons finalement pas d'autre choix que d'en rire, même si le cinéaste arrive brillamment dans le même temps, à transmettre et à exacerber l'angoisse de la fin du monde que beaucoup d'entre nous ressentent, entre le désespoir réel de ne pas en faire assez pour sauver le monde et l'impression de se sentir impuissant face à un défi climatique aussi accablant.

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Le film, écrit pourtant avant la pandémie, se fait alors le miroir édifiant de notre réalité surréaliste où les entreprises tentent de contrôler nos vies via des algorithmes, ou les sociétés louent dangereusement (autant que les gouvernements les protègent) des milliardaires qui ne cherchent qu'à s'enrichir au prix de la destruction de l'environnement, ou les populations se moquent presque de la science alors que les médias font preuve d'une apathie révoltante envers les crises humanitaires, ou la renommée éphémère et le nouvel eldorado d'une jeunesse dopée à une influence illusoire, ou la culture réactionnaire et extrême annihile tout débat idéologique censé,...
Satire évidente des administrations gouvernementales actuelles (les personnages de Streep et Hill ne sont pas que uniquement la représentation de l'administration Trump), le film laisse pointer une vérité douloureusement cruelle : si une comète menaçait de détruire notre planète en 2022, le monde serait aussi bien à la merci d'un négationnisme mignon et d'une hystérie extrême collective, qu'ironiquement suspendu à la miséricorde de millionnaires cherchant le moyen de devenir riche jusqu'à l'ultime seconde, avant de s'occuper un tant soit peu du bien-être de l'humanité.

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Course contre la montre pour vaincre l'inéluctable aussi drôle qu'elle peut s'avérer sérieuse et émouvante - notamment dans son derniers tiers -, dont le message de désespéré se transforme lentement mais sûrement en un vrai appel à la prise de conscience (nous avons le pouvoir de changer notre destin et celui de la planète, de changer nos habitudes, de faire notre part, de lutter contre les institutions ou même d'exiger de vraies mesures de la part des politiciens); Don't Look Up brille par la cohérence de son écriture, cohérente (jusque dans la description de ses personnages) et ciselée (même si l'on a connu McKay plus drôle, certaines punchlines/situations sont hilarantes et son comique de situation est affûté).
Pas exempt de fioritures (quelques arcs narratifs peu développés et étirant plus que de raison sa longueur, une avalanche de guests dispensables, une mise en scène caméra portée maladroite couplée à un montage frénétique cherchant à accentuer le sentiment d'urgence,...), la péloche joue tranquillement sur du velour en s'apparentant à un pur délire tragi-comique dans lequel McKay démontre son solide talent de directeur d'acteurs, en orchestrant un casting en tout point parfait, qui semble prendre un plaisir non feint pour donner vie à des personnages over the top et - majoritairement - immoraux, aux envolées cyniques et sarcastiques aussi corrosives que savoureuses.

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Et à ce petit jeu, les exceptionnelles performances de Leonardo DiCaprio et Jennifer Lawrence sont essentielles à cette réussite. 
Si DiCaprio est parfait en scientifique fragile et effrayé, tremblant continuellement comme un chihuahua, Lawrence elle est magnifique en jeune femme incrédule devant la réponse pathétique à la crise, qui ne cesse de refouler la colère intense qui bouillonne en elle.
Impossible de ne pas mentionner également la partition sobre et délicate d'un Rob Morgan absolument parfait, dont la tranquillité à toute épreuve est près que un antidote à elle seule, face à la désespérance et l'impuissance.
Pas forcément la comédie de l'année (même au sein d'une comédie US un brin à l'agonie depuis quelques années), Don't Look Up n'en est pas moins une belle fable satirique qui laisse libre court au jugement de son auditoire : est-ce réellement une caricature grossière de notre société contemporaine, où sommes-nous tous frappé par un " Déni Cosmique ", au point de ne pas vouloir voir notre réalité telle qu'elle est ?
La réponse est dans la question...


Jonathan Chevrier