[SƎANCES FANTASTIQUES] : #69. The Brood
Parce que les (géniales) sections #TouchePasAMes80s et #TouchePasNonPlusAMes90s, sont un peu trop restreintes pour laisser exploser notre amour du cinéma de genre, la Fucking Team se lance dans une nouvelle aventure : #SectionsFantastiques, ou l'on pourra autant traiter des chefs-d'œuvres de la Hammer que des pépites du cinéma bis transalpin, en passant par les slashers des 70's/80's (et même les plus récents); mais surtout montrer un brin la richesse des cinémas fantastique et horrifique aussi abondant qu'ils sont passionnant à décortiquer. Bref, veillez à ce que les lumières soient éteintes, qu'un monstre soit bien caché sous vos fauteuils/lits et laissez-vous embarquer par la lecture nos billets !
#69. Chromosome III de David Cronenberg (1979)
Et si le film le plus naturaliste et douloureux sur le divorce, n'était pas le sacro saint Kramer contre Kramer de Robert Benton mais... Chromosome III de David Cronenberg ?
La question est on ne peut plus sérieuse, d'autant que le sixième effort du génie canadien, ne pouvait être on ne peut plus en adéquation avec le quotidien troublé de son auteur, flanqué en plein milieu d'une procédure de divorce à rallonge et d'une vilaine bataille pour la garde de sa fille.
Mais plus qu'un exutoire intime prenant les contours d'une attaque frontale et amère contre son ex-femme (ce qu'il est aussi, il ne faut pas se mentir), le film arpente le chemin plus gratifiant de la méditation pessimiste sur le cycle de la violence - surtout familiale -, et plus directement celui d'une réflexion sur la relation intense et fragile entre l'esprit et le corps et leur l'intersection.
Ou quand à la fois l'esprit et le corps, se voient déformés et que l'horreur de l'un blesse l'autre (allant de facto à l'encontre des théories Freudiennes), ici provoqué l'invention de la thérapie révolutionnaire dite « psychoplasmatique », qui permet aux gens de faire littéralement remonter à la surface leurs problèmes psychologiques profonds, se manifestant sous la forme de zébrures et de lésions.
Un outil thérapeutique et scientifique fictif, qui permet à Cronenberg de croquer un énième féroce commentaire sur comment la société moderne façonne et est façonnée par le corps.
Si pour Frissons, c'était la proximité de la vie urbaine poussée à l'extrême qu'il couplait au relâchement des mœurs sexuelles après les 60s, il fait ici référence aux 70s et les nouvelles modes en psychologie et amélioration du bien être, en les combinant au narcissisme né de l'abandon du stoïcisme des 50s.
Pour le cineaste, nos démons psychologiques ne peuvent pas être exorcisés, et tenter de vouloir les déterrer nos traumatismes intangibles ne fait que nous transformer - mentalement et physiquement - en des monstres destructeurs et auto-destructeurs.
Un aspect analytique hautement métaphysique tant le cinéaste semble lui-même l'appliquer dans le fait de graver une oeuvre sur la pellicule, Chromosome III incarnant, en quelque sorte une manifestation physique de sa douleur, de sa frustration et de sa colère en tant que mari et père conscient de l'effondrement de son mariage et de son foyer.
Une thérapie psychoplasmatique extrême (puisqu'il va même jusqu'à, symboliquement, étrangler son ex-femme via son alter-ego Frank, en l'accusant de transmettre ses propres problèmes psychologiques à leur fille), qui sème le doute quand à savoir si elle fut plus destructrice que cathartique pour Cronenberg, même si l'on pencherait plus pour la seconde possibilité, tant sa négativité fut un tant soit peu canalisée dans un effort créatif.
Mais au-delà même de son penchant psychanalytique - qui en larguera sûrement plus d'un -, sur la perpétuation inéluctable des traumas familiaux (ce qui le rapproche du récent et sublime Relic de de Natalie Erika James), le film qui prend résolument son temps pour distiller son poison horrifique, peut aussi et surtout s'admirer comme un chantre du body horror à la dernière bobine profondément brutale et repoussante (dont une scène qui, pour les néophytes, est spoilée directement par l'affiche concoctée pour sa ressortie), qui rattrapent grandement ses menus défauts - notamment une interprétation générale du casting en dents de scie, sauvé par le tandem Samantha Eggar/Oliver Reed.
Techniquement incroyable (du score d'Howard Shore et aux effets gores délectables du légendaire Rick Baker), déstabilisant autant qu'il est captivant et furieusement inventif (notamment dans l'idée de la représentation de notre subconscient fracturé en tant que monstre réel à la violence implacable, matérialisant nos angoisses profondes autant qu'ils cherchent naturellement à nous venger de nos traumatismes), véritable cauchemar cathartique qui soutient autant qu'il contredit sa misogynie (la violence générationnelle d'une mère face à l'apathie et l'ignorance volontaire - tout aussi dangereuse - du père, qui se retire presque de lui-même pendant longtemps de la scène familiale, par pure négligence); Chromosome III et ses quarante-deux ans au compteur n'est toujours pas prêt d'arrêter d'incarner un vrai objet de fascination pour les amateurs de cinéma de genre... comme tout le cinéma merveilleux de David Cronenberg.
Jonathan Chevrier
#69. Chromosome III de David Cronenberg (1979)
Et si le film le plus naturaliste et douloureux sur le divorce, n'était pas le sacro saint Kramer contre Kramer de Robert Benton mais... Chromosome III de David Cronenberg ?
La question est on ne peut plus sérieuse, d'autant que le sixième effort du génie canadien, ne pouvait être on ne peut plus en adéquation avec le quotidien troublé de son auteur, flanqué en plein milieu d'une procédure de divorce à rallonge et d'une vilaine bataille pour la garde de sa fille.
Mais plus qu'un exutoire intime prenant les contours d'une attaque frontale et amère contre son ex-femme (ce qu'il est aussi, il ne faut pas se mentir), le film arpente le chemin plus gratifiant de la méditation pessimiste sur le cycle de la violence - surtout familiale -, et plus directement celui d'une réflexion sur la relation intense et fragile entre l'esprit et le corps et leur l'intersection.
Ou quand à la fois l'esprit et le corps, se voient déformés et que l'horreur de l'un blesse l'autre (allant de facto à l'encontre des théories Freudiennes), ici provoqué l'invention de la thérapie révolutionnaire dite « psychoplasmatique », qui permet aux gens de faire littéralement remonter à la surface leurs problèmes psychologiques profonds, se manifestant sous la forme de zébrures et de lésions.
Copyright Capricci |
Un outil thérapeutique et scientifique fictif, qui permet à Cronenberg de croquer un énième féroce commentaire sur comment la société moderne façonne et est façonnée par le corps.
Si pour Frissons, c'était la proximité de la vie urbaine poussée à l'extrême qu'il couplait au relâchement des mœurs sexuelles après les 60s, il fait ici référence aux 70s et les nouvelles modes en psychologie et amélioration du bien être, en les combinant au narcissisme né de l'abandon du stoïcisme des 50s.
Pour le cineaste, nos démons psychologiques ne peuvent pas être exorcisés, et tenter de vouloir les déterrer nos traumatismes intangibles ne fait que nous transformer - mentalement et physiquement - en des monstres destructeurs et auto-destructeurs.
Un aspect analytique hautement métaphysique tant le cinéaste semble lui-même l'appliquer dans le fait de graver une oeuvre sur la pellicule, Chromosome III incarnant, en quelque sorte une manifestation physique de sa douleur, de sa frustration et de sa colère en tant que mari et père conscient de l'effondrement de son mariage et de son foyer.
Une thérapie psychoplasmatique extrême (puisqu'il va même jusqu'à, symboliquement, étrangler son ex-femme via son alter-ego Frank, en l'accusant de transmettre ses propres problèmes psychologiques à leur fille), qui sème le doute quand à savoir si elle fut plus destructrice que cathartique pour Cronenberg, même si l'on pencherait plus pour la seconde possibilité, tant sa négativité fut un tant soit peu canalisée dans un effort créatif.
Mais au-delà même de son penchant psychanalytique - qui en larguera sûrement plus d'un -, sur la perpétuation inéluctable des traumas familiaux (ce qui le rapproche du récent et sublime Relic de de Natalie Erika James), le film qui prend résolument son temps pour distiller son poison horrifique, peut aussi et surtout s'admirer comme un chantre du body horror à la dernière bobine profondément brutale et repoussante (dont une scène qui, pour les néophytes, est spoilée directement par l'affiche concoctée pour sa ressortie), qui rattrapent grandement ses menus défauts - notamment une interprétation générale du casting en dents de scie, sauvé par le tandem Samantha Eggar/Oliver Reed.
Copyright Capricci |
Techniquement incroyable (du score d'Howard Shore et aux effets gores délectables du légendaire Rick Baker), déstabilisant autant qu'il est captivant et furieusement inventif (notamment dans l'idée de la représentation de notre subconscient fracturé en tant que monstre réel à la violence implacable, matérialisant nos angoisses profondes autant qu'ils cherchent naturellement à nous venger de nos traumatismes), véritable cauchemar cathartique qui soutient autant qu'il contredit sa misogynie (la violence générationnelle d'une mère face à l'apathie et l'ignorance volontaire - tout aussi dangereuse - du père, qui se retire presque de lui-même pendant longtemps de la scène familiale, par pure négligence); Chromosome III et ses quarante-deux ans au compteur n'est toujours pas prêt d'arrêter d'incarner un vrai objet de fascination pour les amateurs de cinéma de genre... comme tout le cinéma merveilleux de David Cronenberg.
Jonathan Chevrier