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[TOUCHE PAS À MES 80ϟs] : #154. Police

© Gaumont

Nous sommes tous un peu nostalgique de ce que l'on considère, parfois à raison, comme l'une des plus plaisantes époques de l'industrie cinématographique : le cinéma béni des 80's, avec ses petits bijoux, ses séries B burnées et ses savoureux (si...) nanars.
Une époque de tous les possibles où les héros étaient des humains qui ne se balladaient pas tous en collants, qui ne réalisaient pas leurs prouesses à coups d'effets spéciaux et de fonds verts, une époque où les petits studios (Cannon ❤) venaient jouer dans la même cour que les grosses majors légendaires, où les enfants et l'imaginaire avaient leurs mots à dire,...
Bref, les 80's c'était bien, voilà pourquoi on se fait le petit plaisir de créer une section où l'on ne parle QUE de ça et ce, sans la moindre modération.
Alors attachez bien vos ceintures, mettez votre overboard dans le coffre, votre fouet d'Indiana Jones et la carte au trésor de Willy Le Borgne sur le siège arrière : on se replonge illico dans les années 80 !



#154. Police de Maurice Pialat (1985)

Ce n'est pas peu dire qu'au jour du 11 janvier 2003, le cinéma français n'avait pas perdu avec Maurice Pialat, qu'une figure importante de son rayonnement - aussi bien dans l'hexagone qu'au-delà de nos frontières - , mais avant tout et surtout l'une des plus fulgurantes filmographies qui soit, faîtes d'histoires aussi passionnées et déchirantes, que de vrais morceaux d'existence prisent sur le vif, comme rarement (jamais ?) d'autres cinéastes ont su le faire auparavant - et même depuis.
Produit dans un climat férocement tendu, fruit d'un tournage chaotique (Pialat s'est brouillé avec sa scénariste Catherine Breillat, avec une Sandrine Bonnaire reléguée au troisième plan, et son tandem avec Gérard Depardieu a humilié Richard Anconina et gentiment foutu la misère à une Sophie Marceau qui, heureusement, avait la peau dure,...) qui lui sera finalement profitable, Police prend le contre-pied des codes atypiques du polar noir et musclé en sondant ces petits " à-côtés ", en scrutant les traits ordinaires d'une banale enquête sur un trafic de drogues en pleine capitale, enlacée autour d'une romance entre un flic et une jeune délinquante, tuée dans l'oeuf avant même quelle n'est réellement débutée.

© Gaumont

Dans une Belleville aussi cinématographique qu'elle est désenchantée, Pialat, résolument moins démonstratif qu'à l'accoutumée, croque une oeuvre qui se fait le cinéma de la spontanéité et de l'instant présent, une errance dans le vertige et la perte de repère d'une poignée de personnages qui transpirent le vécu.
Des âmes " grises " attachantes, lassées de leurs quotidiens moroses et qui rêvent d'un renouveau qu'ils n'osent jamais vraiment prononcer - ni même approcher du bout des doigts -; des hommes et des femmes imparfaits (il n'y a pas de vrais gentils ou de vrais méchants, mais énormément de personnes paumées et blessées par la vie), que Pialat ne juge jamais, mais dont il ne cache pourtant jamais la médiocrité ni même la solitude insondable.
Modèle de rigueur, fruit d'une mise en scène enlevée et d'un scénario millimétré (porté par un solide travail de recherche de Braillat, et une symphonie de dialogues crus savoureux), à la fois proche du réalisme du docu-vérité (notamment dans sa première moitié, qui retranscrit avec justesse autant la lourdeur administrative que la violence sourde et radicale des interrogatoires) tout en flirtant avec le mélodrame; Police, magnifié par ses interprètes (Depardieu, jamais aussi bon lorsqu'il laisse transparaître sa vulnérabilité, et Marceau, délicate en - presque - femme fatale), est un diamant noir, une petite fenêtre évasive ou une poignée d'êtres s'abandonnent avant d'accepter l'inéluctable.
Une merveille, rien de moins.


Jonathan Chevrier


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