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[SƎANCES FANTASTIQUES] : #57. Signs

© Touchstone Pictures. All rights reserved.

Parce que les (géniales) sections #TouchePasAMes80s et #TouchePasNonPlusAMes90s, sont un peu trop restreintes pour laisser exploser notre amour du cinéma de genre, la Fucking Team se lance dans une nouvelle aventure : #SectionsFantastiques, ou l'on pourra autant traiter des chefs-d'œuvres de la Hammer que des pépites du cinéma bis transalpin, en passant par les slashers des 70's/80's ; mais surtout montrer un brin la richesse des cinémas fantastique et horrifique aussi abondant qu'ils sont passionnant à décortiquer. Bref, veillez à ce que les lumières soient éteintes, qu'un monstre soit bien caché sous vos fauteuils/lits et laissez-vous embarquer par la lecture nos billets !


#57. Signes de M. Night Shyamalan (2002)

Tous ceux qui au début des années 2000, après les sorties monumentales de Sixième Sens et Incassable, voyaient en M. Night Shyamalan un futur Steven Spielberg en puissance (là ou ses - premières - oeuvres fortement stylisées se sentaient pourtant plus Hitchcockiennes, vu la mécanique précise de leur narration), roi de l'entertainment racé et intelligent, ont vite dû se bouffer les yeux à la petite cuillère passé le ventre mou de ces mêmes années; même si la fin de la dernière décennie a permis au bonhomme de s'offrir un second souffle salvateur.
Non seulement il n'avait pas vraiment su confirmer son potentiel statut (beaucoup trop vite offert par les critiques, on est d'accord) avec ses péloches suivantes, mais surtout en à peine dix ans, il avait accomplit la prouesse de devenir le paria number two du tout Hollywood juste derrière Uwe Boll.
La machine à rêve Hollywoodienne est une putain ingrate, mais Shyamalan n'était pas totalement à plaindre, vu qu'il s'était amusé à donner autant qu'il l'a pu, le bâton pour se faire battre plus que de raison; l'exemple parfait du money maker chouchou du système, dorloté à coups de projets bandants avant d'être copieusement lynché, avalé puis salement recraché par l'industrie.

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Un parcours prenant les contours d'une descente aux enfers incontrôlable, dominée par la mauvaise idée du lascar de vouloir construire sa propre légende plutôt que de la servir intelligement.
Avec une sale image de mégalomane suffisant et caractériel collée avec de la super glue-3 sur le front, la cassure a sans doute démarré non pas avec Le Village et son twist plus alambiqué et incoherent qu'il n'en a l'air, mais peut-être dès Signes, dont les contours de divertissement populaire avait sensiblement irrité ses aficionados les plus fidèles au moment de sa sortie en 2002.
Dépendant presque autant de la suspension volontaire de l'incrédulité du spectateur que de la puissance avec laquelle le cinéaste soutient son concept, le film est sans doute l'effort le plus Spielbergien de Shyamalan tant il épouse l'un de ses artifices les plus implacables : un retour constant et une foi inébranlable dans la liaison entre le métaphysique et le banal, quitte à parfois se perdre dans quelques aphorismes New Age (l'amour est plus fort que tout, véritable glue de l'univers liant la vie, la mort et même la foi,...).
Avec son récit qui implique des agroglyphes, une invasion extraterrestre, des destins/rêves brisés et un Mad Mel Gibson au sommet en tant que père de famille et ancien prêtre qui a perdu la foi après avoir perdu sa femme; il croque une histoire avec des convictions religieuses profondes (bien qu'elles soient plus universels que réellement spécifiques) tout en en faisant une rotisserie Hollywoodienne pure et simple - 72M$ de budget tout de même.

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Shyamalan est un brillant cinéaste, pour autant que l'on concède qu'il a repris la plupart de ses tours de magie à Spielberg et Hitchcock (et peut-être même un surréalisme étrange digne de Lynch).
Il ne dirige pas tant le public qu'il le manipule avec un style de fausse direction subtile, mais aussi et surtout une examination soigneuse de ses sujets et de ses personnages - tous liés par une solitude insondable face à leur condition.
Dans son cinéma (tout du moins, à son meilleur), chaque personnage - et même leurs discours/déclarations - est enveloppé dans une plus grande signification, un sentiment d'effet " poupée russe " et de machination subtile qui ne fait que renforcer les bases de la fabrication de son suspens - habilement maîtrisé et rationné, pour ne pas tout gâcher avant le final.
Se déroulant presque entièrement dans une ferme au coeur des champs luxuriants et vallonnés de la Pennsylvanie, le film passe du mystère à la paranoïa avec une catastrophe mondiale en toile de fond, sans pour autant ne jamais perdre de vue la famille fracturée qu'il prend pour protagonistes principaux.
Car si Signes parle - spoilers qui n'en est pas un - d'une invasion extraterrestre, il voit plus loin, au travers de cette famille lambda assommée devant leur téléviseur alors que le monde extérieur : il parle de l'Amérique post-9/11, entre crise de foi et un vrai sentiment d'insécurité, via une horreur globalisée captée par le prisme d'une miniature locale, comme si Independance Day quittait les grosses mégalopoles pour se tourner à la bordure d'un village de la Creuse.

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Démarrant son essai autour de l'impensable - qu'il oppose constamment à notre scepticisme - avec une tension familière mêlée à ses justifications patientes de croyances folles (voir des morts, être un superhéros ou encore une invasion extraterrestre mondiale), avant de dénouer son mystère en ayant parfaitement conscience de son effet pschitt (parce que prévisible); Shyamalan nous rattrape pourtant admirablement dans la dernière bobine, dans ces moments de vulnérabilité et de doute autant que dans ses envolées horrifiques (un sous-sol sans lumière, quelques bruits de portes qui battent et l'imagination peut très bien faire le reste), appuyée par la palette d'ombres fantastiques de la photo de Tak Fujimoto, et le score dantesque de James Newton Howard.
Pourquoi les extraterrestres nous en veulent-ils autant ?
Hier comme aujourd'hui, Shyamalan ne cherche pas à donner de réponse concrète (à quoi bon ?) avec Signes, mais il convoque un cauchemar populaire et universel douloureusement basé sur la foi - mysticisme contre chaos - à une heure ou son propre pays en manquait (et jusqu'à la fin du mandat de Bush fils), mais également à une époque où lui en débordait pour son propre talent.


Jonathan Chevrier


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