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[IN TEDDY'S HEIGHTS] : #12 : Une Histoire féminine du cinéma britannique (Partie 2)

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#12 : Une Histoire féminine du cinéma britannique (Partie 2)


(Partie 1 ici)



5. Cinéma social avant la crise (1960-1980)


Free Cinema & début de crise


Au milieu des années 1950, un groupe de jeunes cinéastes britanniques issus du documentaire et de la critique (la revue nommée Sequence) impulse une nouvelle énergie au cinéma national : ce mouvement prendra le nom de Free Cinema. Initié par Lindsay Anderson, Karel Reisz, Tony Richardson et Lorenza Mazzetti (seule réalisatrice du groupe), il se caractérise d’abord par une volonté d’observer la société de manière directe, sans condescendance, ni spectaculaire. Films courts, tournés avec peu de moyens, caméra à l’épaule et voix off personnelle, ils réinventent les formes du documentaire en marge des grandes institutions. C'est alors que le 5 Février 1956, le complexe nommé National Film Theatre situé à Londres diffuse un programme de courts-métrages, intitulé "Free Cinema". Kareil Reisz en était le programmateur, ce qui a évidemment aidé. Cette séance est accompagnée d'un tract, où était inscrit : « Ces films sont libres en ce sens que leurs affirmations sont entièrement personnelles. Aucun film n'est trop personnel. La plupart de ces films ont été produits en dehors du cadre de l'industrie cinématographique. Ce qui veut dire que les réalisateurs ont pu exprimer leur propre point de vue, parfois inhabituel, sans l'obligation de souscrire aux conventions techniques ou sociales généralement imposées aux oeuvres commerciales. ».


L’objectif est de capter des fragments de réel – les gestes d’un quotidien souvent ouvrier, des marges urbaines, des visages anonymes. Ces œuvres, à la fois sensibles et politiques, témoignent d’un besoin urgent de raconter l’Angleterre d’en bas. Tout en pouvant être rapproché, esthétiquement, de mouvements comme la Nouvelle Vague Française ou le Néo-Réalisme Italien. Le Free Cinema n’est pas un mouvement organisé à la manière d’une école, mais plutôt un élan / un désir partagés : rendre à l’image son potentiel critique et social. En ce sens, il précède et annonce le "kitchen sink drama" et les "angry young men" du tournant des années 1960 (qui est toujours maladroitement nommé "réalisme social britannique"), tout en posant les fondations d’un cinéma moderne britannique. Le lien avec les documentaires des années 1930 reste évident, mais ce sont désormais les rues de Londres, Manchester ou Glasgow qui remplacent les campagnes idéalisées. Cette revalorisation du réel introduit une autre idée du cinéma : moins narratif, plus proche du témoignage. Ce sont des films faits avec une éthique de l’urgence, qui remettent au centre les gens ordinaires, dans des formes courtes, libres, accessibles. Une part de colère retenue s’y fait sentir, comme un besoin d’en finir avec l’Angleterre des paternels. Il y aurait tant de choses à dire sur cette période, mais il n'est pas nécessaire de s'y étaler pour ne pas digresser.


Mais cette dynamique ne suffit pas à enrayer le repli progressif de l’industrie. À la fin des années 1960, les studios ferment les uns après les autres, les productions se raréfient, les circuits de diffusion se contractent. Une crise structurelle s’installe : la télévision devient concurrente, le financement public reste timide, les spectateurs désertent les salles. Cette période de transition fragilise particulièrement les voix nouvelles, et marginalise les expérimentations. Le Free Cinema aura été une brèche, une promesse, mais ses suites seront dispersées. L’entrée dans les années 1970 marque alors un tournant délicat pour la création indépendante au Royaume-Uni. Malgré la concurrence de la télévision, certains cinéastes y sont professionnellement nés : John Schlesinger, Peter Watkins, Richard Lester, John Mackenzie, Ken Loach, Ken Russell, Mike Leigh, Alan Clarke, Michael Apted, etc. Alors que certains cinéastes parviennent à s’imposer dans le long-métrage, de nombreuses figures, notamment féminines, restent invisibilisées ou reléguées aux marges.


Lorenza Mazzetti


Revenons un peu sur Lorenza Mazzetti, née en Italie mais partie s'installer à Londres quelques années après la fin de la seconde guerre mondiale. Sans argent mais déterminée, c'est grâce au peintre réaliste William Coldstream qu'elle intègre la Slade School of Fine Art, qui en était alors le directeur. Son premier projet de film s'inspire du roman La Métamorphose de Franz Kafka. Ensuite, grâce au BFI Film Fund, elle se lance dans la réalisation de Together (1956), qui sera le seul film de fiction (et également le plus long) dans le premier programme du Free Cinema au 5 Février 1956.


Le film est une représentation moderne de la vie ouvrière britannique. On y voit des lieux bombardés pendant la guerre, des rues étroites où la misère a domicile, des entrepôts surchargés et labyrinthiques, des terrains de ruines devenus terrains de jeux pour les enfants, les marchés, les pubs comme unique divertissement où la population se retrouve, etc. Mais tous ces paysages s'inscrivent dans une approche expérimentale : absence de dialogues, paroles de figurants inaudibles intégrés aux bruits d'ambiance, son plusieurs fois coupé, et musique omniprésente. Il y a dans le film une réflexion intemporelle et universelle, sur l'accueil et l'intégration d'une personne étrangère qui ne parlerait pas « la bonne langue », et serait exclus de la communauté locale. Le film fut récompensé au Festival de Cannes 1956, avec la Mention au Film de Recherche, ex-aequo.


Ne trouvant pas les fonds nécessaires pour mener d'autres projets en Grande-Bretagne, et souhaitant revoir sa soeur jumelle restée en Italie, elle retourne dans son pays d'origine. Sauf qu'elle y restera plus longtemps que prévu, et finalement y restera définitivement. Elle sombre dans une grave dépression suite à un traumatisme. Après cette période compliquée, elle décide de se remettre à l'art avec la littérature. Elle écrit quelques livres, et essaie brièvement de revenir dans le cinéma (elle accueille même ses compères du Free Cinema en Italie), mais elle se désintéresse totalement du cinéma et se consacre à ses romans. Dans les années 1980, elle se lance dans la peinture. Mazzetti était une artiste complète, touche-à-tout, qui avait à coeur d'explorer des formes d'expressions diverses. Et ce n'était pas la seule.


Joan Littlewood


Venue du théâtre, Joan Littlewood ne fut pas une réalisatrice de cinéma au sens classique, mais son influence est telle sur le rapport entre arts vivants, culture populaire et représentation des classes sociales qu’elle ne peut être ignorée dans un panorama des créatrices britanniques. Fondatrice du Theatre Workshop dans l’Est londonien, elle a consacré sa vie à faire émerger une forme de spectacle populaire, accessible, politique et ludique. Son engagement dans les arts de la scène croise celui du documentaire, de la télévision, et de la radio. Son seul long-métrage, Sparrows Can’t Sing (1963), est l’extension directe de son travail théâtral, une tentative de traduire sur pellicule les élans collectifs, les impulsions orales et physiques, le théâtre du quotidien vécu dans les rues de l’East End.


Ce long-métrage, qu’elle tourne après plusieurs années de succès sur les planches, est une œuvre hybride, à mi-chemin entre comédie musicale, drame social et portrait de quartier. Elle y dirige plusieurs de ses comédiens fétiches, dans une mise en scène qui cherche moins à raconter une histoire qu’à restituer une atmosphère. Le film ne suit pas une narration linéaire classique, mais avance par surgissements, par à-coups, avec des dialogues morcelés et improvisés, joués dans des décors naturels. C’est un film choral, où le langage cockney devient une matière sonore à part entière. Joan Littlewood y revendique un cinéma du fragment, du désordre.



L'intransigeance, le franc-parler, la colère de la réalisatrice se retrouve dans la construction de Sparrows Can’t Sing, un film singulier, souvent comparé à ce que faisait le Free Cinema ou bien plus tard Ken Loach à ses débuts. Mais là où ces courants chercheront à épurer la forme pour tendre vers une forme de réalisme, Joan Littlewood reste ancrée dans une tradition plus burlesque, presque brechtienne, héritée de la scène. Malheureusement, son film fut décrit comme une expérience douloureuse par l'équipe (qui aurait eu du mal à comprendre les volontés de la réalisatrice, tant elle se fichait de la continuité et de la narration), et le film reçu un accueil public mitigé – notamment avec ce besoin de sous-titrer les dialogues en cockney pour le marché américain.


Elle ne souhaita plus mettre en scène de long-métrage par la suite, convaincue de ne pas être comprise dans sa vision artistique. Elle continua bien sûr le théâtre, mais son aventure dans l'audiovisuel se poursuivit à la télévision. Paradoxal, car bien des années avant elle se querellait vivement avec ses collaborateurs qui acceptaient des rôles à la télévision, en évoquant une trahison artistique. A la télévision, elle réalisa quelques publicités, des épisodes de séries. Son dernier grand projet, qu'elle n'a jamais pu concrétiser, était de créer un "Fun Palace" : où les gens de toute classe sociale auraient pu « manger, boire, faire l'amour, être seuls, être ensemble, et partager le théâtre qu'est la vie ».


Jane Arden


Pour continuer dans un cinéma quelque peu expérimental, si Joan Littlewood plaçait le collectif et la parole populaire au cœur de sa mise en scène, Jane Arden, elle, fait exploser la langue et l’image dans une furie individuelle, intime, déstructurée. Née au Pays de Galles, Jane Arden s’est formée au théâtre à la Royal Academy of Dramatic Art. Elle était une pionnière du théâtre féministe. Sa pièce Vagina Rex and the Gas Oven fut la première issue du Mouvement de Libération des Femmes au Royaume-Uni. Elle accède au succès et à la réputation avec la pièce The Party en 1958, avec Charles Laughton dans son dernier rôle dans le West End, et avec Albert Finney pour ses débuts sur les planches.


Jane Arden s'est aussi fait connaître comme comédienne à la télévision (notamment pour la BBC). Puis elle s’oriente ensuite vers l’écriture télévisuelle, tout en développant un engagement féministe de plus en plus radical. Au milieu des années 1960, alors que le cinéma britannique explore de nouvelles voies réalistes ou pop, Jane Arden fait irruption dans la politique féministe. En collaboration avec son premier mari Philip Saville, réalisateur, le tournant de sa carrière est Logic Game (1965) qu'elle écrit et dans lequel elle joue. C'est à cette période qu'elle rencontre Jack Bond, qu'elle épousera ensuite. Ils jouent tous deux dans le drame érotique très controversé (à l'époque) Exit 19 (1966).


Elle entame une collaboration artistique et amoureuse avec lui, avec qui elle coécrit et réalise trois longs-métrages, tel un triptyque cinématographique passionnant, entre pamphlet féministe, théâtre de l’absurde, journal intime et art psychédélique. Il s'agit de Separation (1968), The other side of the underneath (1972) et Anti-Clock (1979), et ils forment un ensemble cohérent, autonome, affranchi de toute convention narrative. Ces trois films sont un corpus rare et singulier, traversé par la question de la folie, du genre, de la parole libérée et du sabotage de la forme filmique. Jane Arden, longtemps isolée dans un paysage cinématographique très normé, développe un art qui n’a jamais cherché à se faire une place, mais à faire éclater toutes les structures qui étouffent la voix des femmes. Elle n’emprunte aucun modèle, elle les détruit. Elle ne filme pas l’émancipation : elle la fait advenir par l’image, par la voix, par la douleur, par l’outrage. Chez Jane Arden, le cinéma n’illustre pas un propos : il le hurle, le profane, l’exorcise.



En 1970, elle monte une pièce intitulée A New Communion for Freaks, Prophets and Witches (en français : Une nouvelle communion pour les monstres, les prophètes et les sorcières), avec une troupe entièrement féminine qu'elle a fondé, prenant le nom controversé de Holocaust. Cette pièce deviendra ensuite son film le plus connu, The other side of the underneath, est à ce jour le seul long-métrage britannique des années 1970 écrit, réalisé et interprété par une femme. Inspirée par ses recherches sur l’antipsychiatrie et par sa propre expérience du théâtre expérimental, la réalisatrice y met en scène une communauté de femmes en crise, recluses dans un hôpital psychiatrique. La narration y est éclatée, les voix hurlées ou murmurées, les images surexposées, les corps filmés frontalement dans des gestes bruts, rituels, parfois violents.


Le film emprunte au théâtre de l’absurde, au surréalisme, au happening et à la performance, pour faire ressentir la dislocation du langage et du moi. C’est une œuvre qui attaque frontalement le patriarcat jusque dans ses structures mentales, refusant toute lisibilité confortable. La forme est hallucinée, intuitive, souvent insoutenable, mais d’une puissance politique inégalée dans le cinéma britannique de l’époque. Justement, car le cœur de son œuvre, c’est la voix féminine en crise, en lutte, en fragmentation.


Dans Anti-Clock, son dernier film, Jane Arden poursuit cette démarche de déconstruction. Elle y introduit des boucles temporelles, des voix-off contradictoires, des effets vidéo et des mises en abyme troublantes, dans une tentative de représenter les mécanismes de la conscience oppressée. Ce qui traverse toute son œuvre, c’est l’idée que le langage, le récit, l’image même, sont dictés par les structures du pouvoir – et qu’il faut les déconstruire de l’intérieur (déraciner la pensée elle-même, révéler l’oppression jusque dans ses mécanismes mentaux). À une époque où les femmes accédaient à peine à la mise en scène, elle propose une œuvre radicale, exigeante, qui fait de la rupture une méthode et du chaos une vérité. Un cinéma exigeant, presque insoutenable parfois, est une tentative pour politiser le langage, pour déshabiller l’image de ses conforts. Trop en avance sur son temps, Jane Arden reste encore aujourd’hui une figure essentielle, mais trop peu reconnue, de l’avant-garde féministe. Elle s'est suicidée en 1982, à 55 ans.


Tina Keane


D’autres artistes britanniques utilisent les moyens nouveaux de cette époque, dans le but de reprendre le flambeau d’un cinéma féministe qui interroge la forme, le corps et le regard. Tina Keane en est aussi l’une des pionnières. Elle a commencé à travailler dans les années 1970 en tant qu’artiste visuelle et vidéaste. Formée à la Hammersmith College of Art et au Royal College of Art, elle s’intéresse très tôt à la question du genre, de l’identité et du corps dans les arts visuels. Ses obsessions tournaient autour de la lumière, des néons et de la place du moniteur vidéo dans l'espace physique où se trouve le spectateur. Elle cofonde le collectif Circles – Women in Distribution et s’engage dans les circuits indépendants. Elle travaille à la croisée de la vidéo, de la performance, de la danse et de l’installation. Son enseignement à la Central Saint Martins School of Art influencera durablement toute une génération de plasticiennes.


C’est l’une des premières à associer radicalement féminisme, vidéo et expérimentation dans le paysage artistique britannique. Selon diverses sources, ses œuvres telles que She (1979), Transposition (1992) ou Faded Wallpaper (1988), sont construites comme des fragments visuels et sonores, traversés par des corps en mouvement, des textures floues, des voix disloquées. Tina Keane utilise la vidéo comme une matière vivante, instable, sensorielle. Plusieurs textes sur ses travaux relatent d'une fragmentation des récits, de superposition des images, d'un mélange entre fiction et autofiction dans un montage non linéaire. Le corps féminin y est souvent à la fois surface de projection et lieu de résistance. Les sources parlent d'une volonté de troubler la perception, de remettre en question la stabilité du regard, loin de chercher à représenter une identité fixe. Chez elle, le politique passe par la sensation, par l’agencement des formes, par une tension permanente entre l’intime et le symbolique.


Lis Rhodes


On peut dire que c'est une autre scène plus radicale qui se développait, en parallèle de tout le reste de la production plus connu. Formée à la North East London Polytechnic puis à la Royal College of Art, Lis Rhodes s’inscrit dès le début des années 1970 dans le champ du cinéma expérimental britannique. Elle participe activement à la London Filmmakers’ Co-op et devient l’une des voix théoriques les plus marquantes de ce milieu, notamment avec son essai fondateur Whose history ? (1979). En 1975, elle cofonde Circles – Women in Distribution (avec Tina Keane). Son engagement politique, féministe et anticapitaliste traverse tous ses projets. Elle conçoit ses films comme des formes d’intervention critique, en jouant apparemment d'une désynchronisation entre texte, son / silence, et image.


Son film le plus célèbre, Light reading (1978), est une œuvre considérée comme importante dans le cinéma expérimental féministe. Il s'agit d'un écran presque vide, une voix off fragmentée, une bande sonore instable. Comme son amie Tina Keane, Lis Rhodes travaille la lumière. Les sources parlent de refus des récits linéaires, de déconstruction de liens de cause à effet, et du rôle de l’image comme un terrain politique à part entière. Plus tard, avec Hang on (1979) ou In the kettle (2010), elle aborde les violences d’État, les frontières, les migrations. Le film In the kettle propose des transitions entre le bombardement de la bande de Gaza en 2009 et les manifestations à Londres en conséquence. Plusieurs textes et articles parlent d'une recherche de l'inconfort esthétique, avec par exemple un travail sur le montage rapide mêlant images peintes et photographies déchirées. Depuis ses débuts, les oeuvres de Lis Rhodes sont remarquées pour être fabriquées en réaction à des actualités géopolitiques. Outre les thèmes déjà abordés, elle parlait également des droits des femmes, de violence conjugale, de nucléaire, etc.


Alison de Vere


Là où Tina Keane et Lis Rhodes affirmaient une forme de combat plastique, rugueux et féministe, une autre réalisatrice choisit une autre forme de résistance : faire de l’animation un espace symbolique, poétique, où se jouent la solitude, la mémoire et les récits oubliés. Formée à la Slade School of Fine Art, Alison de Vere commence sa carrière dans l’univers commercial de l’animation, travaillant notamment pour Halas & Batchelor dans les années 1950–60. Longtemps cantonnée à des rôles d’assistante ou de directrice artistique, elle mettra du temps à imposer son propre style. Ce n’est qu’à partir des années 1970 qu’elle entame une œuvre plus personnelle, où elle s’autorise une écriture plastique singulière, très éloignée des codes du dessin animé traditionnel. À rebours du documentaire militant ou du discours frontal, Alison de Vere choisit le conte, l’allégorie, la rêverie pour évoquer la condition humaine, les rapports de pouvoir, et les états de conscience.


Ses films, comme The black dog (1987) ou The illusionist (1991), mêlent une certaine idée du raffinement à une narration elliptique, souvent traversée de figures féminines en quête d’émancipation. Ces films ont pu voir le jour grâce la réputation acquise de Alison de Vere dans la décennie précédente. En effet, plusieurs de ses courts-métrages des années 1970 ont obtenu des prix dans de nombreux festivals à l'international. Cela lui a ouvert évidemment plusieurs portes, surtout en Grande-Bretagne. Mais elle s'orienta plutôt vers la télévision, comme beaucoup de cinéastes subissant la crise économique de l'industrie. Elle réalisa plusieurs oeuvres pour Channel 4, et également des séries télévisées pour enfants. Son travail, longtemps négligé, demeure aujourd’hui l’un des plus réputé dans l’animation audiovisuelle féminine.


Sue Crockford


Sue Crockford fait partie de ces réalisatrices britanniques apparues dans le sillage immédiat des mouvements sociaux de la fin des années 1960. Militante féministe, elle s’investit d’abord dans les luttes pour l’égalité des droits et dans l’organisation de collectifs audiovisuels autonomes. Dont le collectif londonien Angry Arts, qui utilisait les événements culturels et l'agit-prop pour des campagnes politiques, notamment contre la guerre du Vietnam. En 1968, Crockford contribue à la fondation d'une antenne du Groupe de Libération des Femmes dans un quartier nord de Londres. Elle fait ainsi partie des figures clés du cinéma militant féministe britannique, aux côtés de groupes comme le London Women’s Film Group. Sa pratique s’inscrit moins dans une trajectoire de cinéaste classique que dans une dynamique collective, ancrée dans l’autogestion et le témoignage.


En 1971, elle réalise A woman’s place, un documentaire consacré à la première Conférence des femmes britanniques, tenue à Oxford. C’est l’un des tout premiers films à documenter la deuxième vague féministe au Royaume-Uni. Le film se veut un objet de mémoire vivante, captant les échanges, les tensions, les désirs d’émancipation portés par les participantes. Sue Crockford adopte une approche directe, dont le rôle est celui d’une médiatrice engagée : rendre visible, donner corps à une parole politique souvent ignorée. Elle n’intervient pas dans les débats, mais leur donne une matérialité, les insère dans l’Histoire en mouvement. Par la suite, Sue Crockford poursuivra son engagement à travers des collaborations avec d’autres collectifs féministes ou des structures de production indépendantes. Elle participe à la mise en place de réseaux de formation pour les femmes dans l’audiovisuel, prônant l’accès aux outils comme première condition de l’émancipation.


Son travail incarne une forme de cinéma de la sororité et des marginalisés, où la réalisatrice est au cœur des solidarités politiques, et où le film devient vecteur de transmission. Crockford s'est intéressée au réaménagement social, aux personnes sourdes, à l'anti militarisme, etc. Comme le documentaire qu'elle réalise en 1989 sur les protestations publiques, intitulé The rights of Man and the wrongs of Woman. Peu connue du grand public, elle appartient pourtant à cette génération décisive de femmes ayant ouvert la voie à la création collective et à la politisation du documentaire au féminin, avec plus de 50 films réalisés tout en dirigeant un centre de jeunesse. Cette fonction lui a permis d'accompagner des personnes exclues du système éducatif. Elle en a profité pour créer le premier groupe d'adolescent•e•s gays et lesbiennes, pour les sensibiliser à l'art.


Collectifs féministes de films et vidéos


Dans la continuité des initiatives militantes portées par des cinéastes comme Sue Crockford, les années 1970 voient naître en Grande-Bretagne une floraison de collectifs féminins de cinéma et de vidéo. À Londres, Leeds, Sheffield, Newcastle, des groupes s’organisent pour produire, projeter et diffuser leurs propres œuvres. Le London Women's Film Group, fondé au début de la décennie, en est un exemple central. Né de la deuxième vague féministe, il vise à reprendre en main les moyens de production et à réinventer les formes de représentation du féminin. Ces collectifs rejettent le concept du film d’auteur et les modèles des studios : pas de hiérarchie, pas de signature individuelle, mais une parole construite à plusieurs, avec des moyens limités, et souvent un accès autodidacte à la technique.


Les films issus de ces collectifs s’attaquent à la vie quotidienne comme lieu politique. Le travail domestique, les violences sexistes, les conditions de logement, les luttes de quartier ou la maternité deviennent des sujets de cinéma à part entière. Les formes sont diverses : documentaires de terrain, animations militantes, récits semi-fictifs, lettres filmées. Tout ce qui échappait à l’attention des institutions devient visible. Le Leeds Animation Workshop développe des films pédagogiques à destination des enfants ou des travailleuses, tandis que la Sheffield Film Cooperative se concentre sur les luttes ouvrières et les droits sociaux. Ces gestes filmiques, souvent réalisés en Super 8 ou en vidéo légère, ne cherchent pas à séduire, mais à faire circuler la parole, à créer des réseaux, à politiser le regard. Un cinéma de transmission, où chaque image est une prise de position.


Marjorie Martin


Parmi les artistes ayant pris part à ces collectifs féministes de cinéma et de vidéo, il y a également Marjorie Martin. Alors qu'elle travaillait comme secrétaire et était mère de deux enfants, elle rejoint la High Wycombe Film Society au début des années 1960. Un intérêt qui ne vient pas de nulle part, car une bonne partie de sa famille était investie dans le cinéma amateur depuis des années. Pourtant, elle se lance sans trop bien maîtriser, et ne cherchant pas à le faire au préalable. Elle commence avec le documentaire Service with a smile (1962), consacré à un service local de repas à domicile pour des personnes âgées. Puis elle continua avec Folk like us (1964), projet parrainé par une association hospitalière bénévole. Après ce film, elle a exprimé le désir de raconter des histoires via la fiction.


C'est alors que Marjorie Martin réalise The Stray (1965), une fiction conservée à l’East Anglian Film Archive, où elle apparaît créditée sous “M. Martin”. Il s'agit d'un mélodrame entre un fermier et son épouse, séparés. Toutefois, elle souhaite la réconciliation, lui la repousse. Ce film confirme son engagement précoce dans une démarche de création autonome, bien avant ses projets collectifs locaux . Ce film, retrouvé grâce au projet Women in Focus de l’Université de Norwich, rétablit la trace d’une cinéaste qui ne se contentait pas de filmer le réel : elle cherchait aussi à inventer des fictions sensibles, en marge des circuits institutionnels. Mais Marjorie Martin est surtout connue pour avoir développé, dans les années 1970 une pratique artisanale du film communautaire, souvent en lien avec des groupes marginalisés, ruraux ou socialement isolés. Elle n’est pas issue d’une école ni du militantisme politique, mais son approche s’en rapproche : travailler au plus près des gens, avec peu de moyens, en favorisant la prise de parole directe.


Elle accompagne ainsi plusieurs projets où le film devient un outil de mémoire locale, de partage d’expérience ou de pédagogie intergénérationnelle. Sa démarche relève du cinéma social de proximité, où chaque voix compte, et où la réalisatrice devient une facilitatrice, plus qu’une auteure au sens strict. Elle a toujours privilégié les formats légers (super 8, 16mm) et les tournages longs, laissant le temps aux relations humaines de se nouer. Il reste peu d’archives de ses films, mais les témoignages décrivent un cinéma ayant participé à l’élargissement du champ documentaire, en refusant des postures d’autorité. Une forme modeste, mais d’une grande humanité, qui prépare discrètement la voie à d’autres formes sensibles de représentation, comme celle qu’Alison de Vere développera à travers l’animation.



6. Où est le cinéma britannique ? (1980-2000)



Où est le ciné british ?


A partir des années 1980, le cinéma britannique traverse une crise profonde. Les studios ont fermé ou se sont tournés vers la publicité. La fréquentation des salles est au plus bas. Les grands distributeurs misent sur les productions américaines. Les soutiens publics sont réduits à peau de chagrin. En quelques années, une part significative de la production disparaît, tout comme la visibilité des œuvres britanniques à l’étranger. L’industrie ne semble plus croire en son propre avenir. Les infrastructures s’effondrent, les écoles de cinéma restent précaires, les financements se raréfient. On commence alors à parler du "cinéma britannique" comme d’un fantôme : présent par intermittence, hanté par son passé, fragile de toute part.


L’arrivée de Margaret Thatcher en 1979 accélère ce mouvement. Dans sa vision néolibérale, l’art n’a pas à être soutenu par l’État. L’idée même d’un cinéma national est suspecte, assimilée à un assistanat culturel. Le British Film Institute et le British Film Fund voient leurs subventions revues très largement à la baisse. Le discours dominant valorise l’entreprise privée, la rentabilité immédiate. Cela affecte tout particulièrement les cinéastes émergent•e•s, les œuvres minoritaires, les récits peu commerciaux. Le cinéma devient un produit : s’il ne se vend pas, il ne mérite pas d’exister. Beaucoup de projets ne voient jamais le jour. D'autres, autoproduits ou soutenus par des télévisions locales, circulent difficilement. Le repli est généralisé.


Cette fragilité économique se double d’une crise esthétique : que veut dire "faire du cinéma britannique" en pleine ère conservatrice ? Le cinéma social des décennies précédentes semble dépassé et très lointain tel un trésor inaccessible, et les expérimentations visuelles ou narratives peinent à trouver un public. Entre cinéma commercial coproduit avec Hollywood, films télévisés ou projets personnels marginaux ne trouvant que trop rarement une place dans l'exploitation, l'industrie paraît se dissoudre à petits feux. C’est aussi une période où les femmes sont très peu visibles dans la création. Faute d’accès aux structures ou d’accompagnement, beaucoup restent à la marge, ou se tournent vers d’autres formats : vidéo, installation, collectif, télévision régionale. Ce silence apparent n’est pas un vide : c’est un déplacement des ambitions.


Annabel Jankel


Dans le sillage de cette crise industrielle, une génération de créateur•rice•s a émergé en explorant des formats plus ouverts : télévision, vidéo, clip, publicité. C’est dans ces espaces d'expressions que s’affirment des figures comme Annabel Jankel, dont les œuvres hybrides s’ancrent dans les transformations technologiques et culturelles des années Thatcher. Jankel, formée aux arts graphiques, cofonde le studio Cucumber avec Rocky Morton. Ensemble, elle/il deviennent pionnier•ière de l’esthétique numérique et du montage frénétique, au croisement de l’animation, du graphisme et du cinéma. Il/elle ont notamment réalisé des clips pour les Talking Heads, Elvis Costello, Miles Davis, George Harrison, etc. Leur style mêle typographies mouvantes, montages saturés, effets de distorsion, incrustations vidéo, dans une volonté de détourner les codes médiatiques. Annabel Jankel devient ainsi l’une des pionnières de ce que l’on nomme aujourd’hui la postproduction créative.



Son œuvre la plus connue est la création du personnage de Max Headroom, en 1985, présentateur numérique sarcastique, qui devient une icône de la contre-culture cyberpunk. Ce personnage, né dans un téléfilm dystopique (Max Headroom: 20 Minutes into the Future), se transforme en phénomène télévisuel et critique ironique de l’ère médiatique. Annabel Jankel poursuit avec D.O.A. (1988), thriller à la frontière du film noir et du clip MTV, puis Super Mario Bros (1993), tentative mal reçue de blockbuster cyber-fantastique. Ces œuvres, bien que décriées à leur sortie, témoignent d’un usage libre du numérique comme outil d'expression libre, ludique et critique. Et bien que souvent marginalisée par l’histoire du cinéma britannique, son travail constitue une contribution importante à la transformation des codes visuels et narratifs de la fin du XXe siècle. Un croisement entre culture pop, ironie technologique et expérimentation formelle.


Kayla Parker & Sarah Pucill


Dans le sillage des pratiques expérimentales féminines apparues dans les années 1970, Kayla Parker et Sarah Pucill s’imposent comme deux figures singulières du cinéma britannique des années 1990. Toutes deux revendiquent une approche intime et corporelle du médium, entre journal filmé, auto-représentation et geste poétique. Leurs œuvres sont souvent réalisées en pellicule (Super 8 ou 16mm), et s’ancrent dans un dialogue entre l'expression d'une intériorité et l’environnement physique. Chez Parker, les paysages côtiers ou urbains sont très importants et sont relatés comme des projections de l'esprit. Chez Pucill, c’est la matière même de l’image (le grain, la lumière, le noir & blanc) qui est évoquée comme expression de l’identité, du genre et du souvenir.


Kayla Parker s'inscrit dans l’observation du quotidien. Ses courts-métrages Cage of Flame, Cold Jazz, Sunset Strip explorent le mouvement, la répétition, l’éveil sensoriel, mais interrogent aussi les environnements traversés (Plymouth, des plages, des lieux industriels). De son côté, Sarah Pucill développe un travail plus frontalement performatif et théorique. Ses films You Be Mother, Swollen Stigma, Phantom Rhapsody questionnent la représentation du féminin, la relation au miroir, le double, le deuil. Elle y mêle sa propre présence, des installations domestiques, des objets symboliques, dans une continuité avec les avant-gardes féministes, tout en creusant un territoire personnel décrit comme spectral.


Pucill et Parker partagent une même fidélité à la brèche ouverte par les artistes femmes des décennies précédentes : Jane Arden, Tina Keane, et d'autres. Elles réinventent une forme de narration fragmentée, entre rêve et souvenir, dans laquelle la voix-off, l’écrit ou la texture visuelle remplacent la logique linéaire du récit. En cela, elles font partie de cette génération d’artistes pour qui la caméra devient un prolongement du soi, un geste à la fois vulnérable et résistant, à contre-courant d’un système alors peu attentif aux voix féminines non narratives.


Sally Potter


En parallèle de ces expérimentations comme refuge d'écritures intimes et fragmentées, d’autres cinéastes investissent le long-métrage pour faire dialoguer les récits personnels avec les grandes questions politiques et esthétiques de leur temps. C'est le cas de Sally Potter. Avant le cinéma, elle étudie d'abord le dessin, puis ensuite la danse et la chorégraphie. Elle commence dans les années 1960 au sein de collectifs féministes et expérimentaux (comme The London Film-Makers’ Co-op), avec une pratique qui mêle danse, performance, film et politique. Très influencée par la contre-culture, elle cherche d’emblée à faire dialoguer les formes.


Son premier long-métrage, The gold diggers (1983), film féministe radical tourné en noir et blanc avec Julie Christie et une bande-son de Lindsay Cooper, remet en cause les structures de pouvoir à travers l’économie, le genre, et le récit cinématographique lui-même. Fortement inspiré par le surréalisme, le film interroge l'emprise des images de cinéma sur les corps et sur les paysages. Mais interroge aussi la nature d'iconisation des femmes actrices de cinéma, comme des « marques sexy » que brandissent les producteurs. Un film qu'aurait surement appréciés Jane Arden et Ingmar Bergman. D'autant que son éclatement permet de mettre des formes sur un inconscient égaré. C'est à la fois une comédie musicale étrange, un mélodrame muet surréaliste, une chronique désabusée entre philosophie et spiritualité.



C’est cependant Orlando (1992), adaptation libre du roman de Virginia Woolf, qui la propulse sur la scène internationale. Porté par une Tilda Swinton caméléon, le film traverse les siècles et les genres, bouleversant les frontières entre identité, histoire et désir. Un projet qui a mis 8 ans à se concrétiser. Ce qui distingue Sally Potter de ses contemporaines est sa manière de faire coexister l’abstraction formelle avec des récits incarnés. Elle met en scène des corps en mouvement, souvent chorégraphiés, dans des dispositifs visuels soignés. D'autant qu'elle n'a jamais abandonné la scène : elle a continué à fouler les planches, à partir en tournées comme danseuse et/ou chorégraphe. Notamment avec les compagnies Alston's Strider et Limited Dance Company. Chaque film devient une partition de rythmes, d’images et de sons. Que ce soit dans La leçon de tango (1997), autobiographie dansée tournée en Argentine, ou dans Yes (2004), film d’amour écrit intégralement en vers libres, elle ne cesse de réinventer les règles de représentation.


La réalisatrice refuse le naturalisme, défend une expressivité stylisée, et accorde une place centrale à la subjectivité féminine. Elle est aussi l’une des rares cinéastes britanniques à avoir affirmé une vision explicitement politique, anticapitaliste, décoloniale, tout en explorant la sensualité et la métamorphose. Sally Potter incarne une trajectoire rare dans le paysage britannique : fidèle à ses engagements formels et idéologiques, elle a su évoluer sans jamais céder à la standardisation. Cinéaste, mais aussi compositrice, poétesse, écrivaine, elle travaille ses films comme des œuvres complètes, souvent portées par des femmes puissantes, ambiguës, insoumises aux codes. Elle a également ouvert la voie à une nouvelle génération de réalisatrices pour qui l’expérimentation n’est pas une niche, mais un espace d’émancipation. Même lorsque ses films déconcertent, ils témoignent d’une intégrité artistique rare, où le langage cinématographique devient un outil d’invention poétique autant qu’un levier critique. À travers elle, le cinéma britannique retrouve une voix libre, transversale, qui dialogue avec le monde sans renier sa singularité. Elle est indéniablement la première réalisatrice britannique dont la voix porte concrètement, et à se faire une place significative dans l'industrie.


Gurinder Chadha & Pratibha Parmar & Ngozi Onwurah


Malgré la percée (enfin) d'une réalisatrice dans le cinéma britannique, l'industrie peine tout de même (et encore) à représenter la diversité sociale et culturelle du pays. Ainsi, certaines cinéastes issues de la diaspora prennent la parole pour raconter d’autres histoires. Dans les années 1980–1990, Pratibha Parmar, Ngozi Onwurah et Gurinder Chadha émergent avec des films ancrés dans des récits de migration, de mémoire, de genre et d’héritage postcolonial. Leurs œuvres ne cherchent pas à se faire une place dans le récit national dominant : elles en déplacent les cadres. Elles inventent un autre regard, féministe, métissé, multiculturaliste, souvent hybride dans la forme, pour interroger ce que signifie vivre, aimer, lutter et créer dans un pays qui vous marginalise.


Chez Parmar et Onwurah, le documentaire devient un espace de contre-discours. Khush (1991) mêle voix queer et culture indienne dans un geste de réappropriation radicale. The body beautiful (1991) évoque le corps noir, la maternité, la maladie, le racisme et la mémoire familiale avec une acuité rare. Tandis que Gurinder Chadha se tourne vers la fiction populaire pour explorer le quotidien des communautés britanniques d’origine indienne, avec des films comme Bhaji on the beach (1993) ou Joue-là comme Beckham (2002), alliant comédie et conscience politique.



Ces cinéastes refusent l’assignation à une forme ou à une esthétique unique. Leurs films circulent entre fiction, archive, autofiction ou satire. Elles intègrent la musique, l’humour, la performance, le clip, pour rendre visibles des subjectivités trop souvent absentes des écrans britanniques. Ngozi Onwurah travaille depuis les marges, avec une économie minimale, mais une intensité formelle puissante. Pratibha Parmar, à travers des portraits de femmes (Alice Walker, Audre Lorde, et d’autres), articule un cinéma militant et poétique. Gurinder Chadha, plus tournée vers le grand public, a ouvert une voie importante à des récits diasporiques populaires, entre critique sociale et feel-good movie. Chacune à leur manière, elles redéfinissent ce que pourrait être un cinéma britannique pluriel, populaire, mais irréductible à ses cases.


Lynne Ramsay


En parlant de minorités qui cherchent à se faire entendre / représenter, à la même époque une voix singulière se fait entendre depuis l’Écosse, mêlant silence, rage contenue et perception sensorielle de l’enfance. Lynne Ramsay se forme d’abord à la photographie avant d’intégrer la National Film and Television School, où elle développe un goût pour la direction de la photographie et le montage. Elle se fait remarquer par une série de courts-métrages, tous salués dans les festivals, qui installent déjà un univers visuel précis, où l’enfance côtoie la douleur silencieuse. Son premier long-métrage, Ratcatcher (1999), produit par la BBC et présenté à Cannes dans la section Un Certain Regard, impose d’emblée une voix singulière au sein du cinéma britannique, entre observation sociale et exploration sensorielle. Le film s’impose comme une variation radicale et désespérée de la culpabilité, la solitude et l’impuissance, dans un Glasgow sale, oublié, hanté par l’histoire tourmentée du monde ouvrier. Avec ce film, Ramsay réinvente le réalisme social. Elle n’en reprend ni le didactisme, ni les ressorts narratifs, mais en garde la charge politique — celle d’un monde qui broie les plus fragiles. Elle introduit dans ce cadre une subjectivité flottante, parfois hallucinée, à la croisée du documentaire et du rêve.


Dès ces débuts, elle pose les fondements d’un style précis, austère, profondément lyrique. Elle est aussi l’une des premières réalisatrices à démontrer que la violence et le silence peuvent être pensés au féminin, dans une approche qui n’éclaire pas toujours ses zones d’ombre. C'est notamment ce qu'elle entreprend quand elle réalise Morvern Callar (2002), libre adaptation du roman d’Alan Warner. Elle y suit une jeune femme confrontée à un deuil soudain, filmée dans un état de dérive et de pulsion, à travers un travail de montage et de bande-son particulièrement affûté. Ce film confirme son refus du naturalisme explicatif, au profit d’une immersion dans la perception troublée des personnages. Par la suite, elle est sollicitée par plusieurs studios américains mais se heurte à des désaccords artistiques, ce qui la pousse à s’éloigner des plateaux pendant plusieurs années, tout en développant des projets exigeants qu’elle refuse de compromettre. S'en suivit une longue pause, pour diverses raisons. Parmi elles, un manuscrit inachevé de The lovely bones, qui après de multiples désaccords artistiques, finira dans les mains de Steven Spielberg comme producteur et Peter Jackson réalisateur.



Elle revient en 2011 avec We need to talk about Kevin, adaptation du roman de Lionel Shriver, après plusieurs années de difficultés pour trouver l'argent nécessaire à la production. Le film, centré sur la relation conflictuelle entre une mère et son fils, lui vaut une reconnaissance internationale. Ramsay y poursuit son exploration de la violence intériorisée, à travers une écriture visuelle fragmentée, qui donne une place centrale au son, à la couleur, à l’ellipse. En 2017, elle présente à Cannes You were never really here, thriller psychologique réduit à l’os, où l’intériorité du personnage principal supplante l’action. Ramsay construit depuis ses débuts une filmographie rare, mais d’une cohérence subtile malgré les différentes directions "de genre". Chaque film est l’occasion d’un récit volontairement flottant et incarné par des ellipses renforçant une ambiguïté, un regard qui ne cherche ni la pitié ni la démonstration, une volonté de creuser l’opacité du réel à hauteur des personnages qui n'ont pas les mots pour décrire ce qu'ils vivent, et l'intuition sensorielle pour créer le mouvement.


Antonia Bird


Une autre voie s’est dessinée dans les années 1990, marquée par une attention constante aux rapports de pouvoir et une exploration audacieuse de différents genres, du drame social au film d’horreur. Antonia Bird débute dans la mise en scène avec le théâtre au Royal Court Theatre à Londres, avant de passer à la télévision à la fin des années 1980. Elle se fait rapidement remarquer pour sa sensibilité envers des thématiques sociales, et notamment son attrait pour évoquer les inégalités. Elle travaille pour la BBC, où elle réalise plusieurs épisodes de séries télévisées, comme le soap opera EastEnders, ou la série Casualty. Puis elle signe des téléfilms marquants, dont Thin air (1988) sur les enquêtes d'une journaliste radio, Safe (1993) qui est un portrait de jeunes sans-abris, et Faith (1994) ancré dans les luttes syndicales galloises. Dès ses premiers travaux, elle impose une approche politique du récit, attentive aux fractures de la société britannique, notamment celles que la politique thatchérienne a laissées en héritage. Elle se revendique même, à cette époque, influencée par le cinéma de Ken Loach.


Sa reconnaissance internationale vient avec Priest (1994), drame centré sur un prêtre homosexuel en conflit avec son institution, car pris dans un dilemme moral après avoir recueilli des aveux d'abus sexuels sur mineurs. En effet, le côté secret et sacré du confessionnal lui interdit de révéler quoi que ce soit. Le film provoque des polémiques au Royaume-Uni mais séduit à l'étranger. Si bien qu'elle a une ouverture à Hollywood. Elle y réalise Mad Love (1995) avec Drew Barrymore. Le film prolonge le travail sur les figures instables qu'elle avait initié avec Safe. Sauf que l'approche est plus romantique et glamour, ce qui ne lui apporte pas le succès et la gloire que pouvait promettre Hollywood. Pourtant, elle y déploie un goût du rythme, des ruptures de ton et une esthétique sensorielle qui montrent son aisance à sortir du pur réalisme social pour faire émerger des sensibilités diverses et variées.



Ensuite elle se diversifie avec Face (1997), polar londonien avec Robert Carlyle (Trainspotting, 28 semaines plus tard, Full Monty, ...) qui revisite les codes du film de braquage en leur insufflant une charge politique marquée : questionnement sur la loyauté, la désillusion post-militante et la misère urbaine. Mais c’est Ravenous (1999) qui témoigne le plus radicalement de sa liberté de création et de sa diversité grandissante. Il s'agit d'un western cannibale teinté de satire anticoloniale, au ton baroque, où l’horreur physique devient une métaphore des mécanismes de domination. Elle finira par gagner un BAFTA pour Care (2000), récit romancé mais énormément documenté sur des abus sexuels dans des foyers pour mineurs. À travers ces films, Antonia Bird affirme une vision du cinéma profondément politique, qui ne sacrifie jamais la complexité des personnages à un message univoque. Elle a même co-créé une société de production, nommée 4Way Pictures. Elle meurt en 2013, après avoir continué à travailler pour la télévision britannique.



7. Au XXIe siècle (2000-aujourd'hui)



Nouveau modèle de financements


En 2000, le cinéaste Alan Parker devient le président du UK Film Council. Il s’agissait d’un organisme public ne relevant pas des compétences du gouvernement (mais créé par le gouvernement travailliste de Tony Blair) pour développer et promouvoir l’industrie cinématographique nationale. Placer un cinéaste en activité à la présidence du conseil est un geste fortement symbolique. En fin d’année 2000, le UK Film Council devient l’organisme officiel de financement public pour le cinéma britannique. Alan Parker permet un réel coup de boost dans la production de films britanniques. Pourtant, malgré le UK Film Council, une réalité n’a pas changé : la distribution des films sur le territoire britannique est encore majoritairement contrôlée par des sociétés américaines.


Un texte marquera à jamais la situation du cinéma britannique, publié en Janvier 2007 par Nick James – rédacteur en chef du magazine Sight & Sound, à propos du Top 10 des lecteurs sur l’année 2006 : « Que trois films anglais figurent dans le top ten de Sight & Sound, cela était impensable il y a encore cinq ans. Peut-être que le cinéma britannique a perdu la mauvaise réputation qui lui avait donnée l’argent de la Loterie, lorsque tant de mauvais films de gangsters ont été tournés. La réaction hostile à ces films était fondée sur une antipathie à l’égard de la production : l’idée bien enracinée que le cinéma britannique est toujours mauvais quand il singe la production hollywoodienne. » Comme si le public se mettait à rejetter la production britannique via des investisseurs étrangers, films calquant la production de films hollywoodiens, prouvant que l’âme britannique des films d’avant 1990 se serait perdue. Ou alors qu’elle serait bien cachée.


2008 : crise financière et récession économique de partout. Tout le monde est au courant. Pourtant, le cinéma survit à travers le monde, et les salles continuent à être aussi pleines. En 2010, la productrice Tanya Seghatchian est nommée à la tête du UK Film Council : son nom peut vous être inconnu, mais elle est attachée à la production de la saga de films Harry Potter. Durant cette année, les membres du UK Film Council et sa présidente ont bien conscience que la crise financière et la récession économique vont tout de même avoir un impact sur la production du cinéma britannique. Pas de surprise : le UK Film Council est supprimé / fermé dès l’année 2011. À sa succession, on retrouve le British Film Institute (un équivalent de la Cinémathèque Française) qui met en place progressivement le British Film Fund, une branche du BFI comme fond d’investissements pour le cinéma britannique.


Une grosse partie de l'argent provenant de la National Lottery sert par exemple à financer des films. Il existe également un crédit d'impôt nommé UK Film Tax Relief. Les agences culturelles régionales participent grandement au financement du cinéma national : Creative Scotland, Northern Ireland Screen, Ffilm Cymru Wales, Film London, Screen Yorkshire, etc. Des chaines de télévision participent largement, aussi : BBC Films, Channel 4 via leur société Film 4, Sky Cinema, etc. Depuis, l’industrie cinématographique britannique en est à ce stade très diversifié de son évolution, tout en cherchant et signant des partenariats ici et là dans le monde (avec des pays scandinaves, le Canada, la France, etc).


Vague de nombreuses nouvelles voix


Depuis le début du XXIe siècle, une nouvelle génération de réalisatrices britanniques a su s’imposer petit à petit, dans un contexte de plus en plus favorable en matières de financement et de diffusion. Ces réalisatrices bénéficient, dans une certaine mesure, de la multiplication des soutiens publics et privés puis de l’émergence de plateformes et de nouveaux réseaux de coproduction, évoqués précédemment. L’environnement reste inégalitaire, et plusieurs réalisatrices ont du mal à enchaîner après un premier ou un deuxième long-métrage (prenant parfois de nombreuses années avant de pouvoir concrétiser un projet), mais les entraves à la production de premiers films sont moins systématiques qu’elles ne l’étaient dans les décennies précédentes. Cela se traduit par une plus grande variété de profils, de récits et de genres, visibles dès les années 2000 et 2010.


Certaines ont rapidement obtenu une place de premier plan dans le paysage international. Et souvent justement associée à une idée du "cinéma social" / "réalisme social", même si parfois injustement associée à un certain héritage. Andrea Arnold, avec Red Road (2006), Fish Tank (2009) ou American Honey (2016), a fait de l’adolescence marginale son sujet fétiche, avec caméra à l’épaule et lumière naturelle en guise de "style". Joanna Hogg, en travaillant sur l’autobiographie fictionnalisée et l’économie du cadre fixe, s'est petit à petit fait connaître pour proposer des films dits cérébraux, marquée par l’introspection sociale. Au-delà de ses récents succès sur Eternal daughter et le diptyque The Souvenir, on ne peut que conseiller ses premiers films tels que Unrelated (2007) et Archipelago (2010). Sarah Gavron, de son côté, s’est affirmée à travers des films plus ouverts vers le public, qu’il s’agisse de l’engagement féministe dans Les suffragettes (2015) ou de la chronique sociale dans Rocks (2019) et Rendez-vous à Brick Lane (2007). Il y a une vraie émancipation d'un cinéma social brut dont le porte étendard serait Ken Loach. Celle qui pourrait s'en approcher le plus est Clio Barnard. Elle qui a construit un univers en mêlant documentaire et fiction, depuis The Arbor (2010) jusqu’à Ali & Ava (2021) en passant par Le géant égoïste (2013), avec un regard porté sur le nord de l’Angleterre. Mais elle arrive à se distinguer de Loach grâce à son approche teintée, par moments, d'imaginaire et de romantisme. Ces quatre noms incarnent à eux seuls la diversité possible dans l’industrie : entre cinéma exigeant, production patrimoniale, fiction sociale contemporaine, et certaine forme de lyrisme pour revitaliser l'intimité.



D’autres réalisatrices ont su construire une trajectoire singulière, en brouillant les frontières entre genres, et surtout avec des thèmes très engagés. Telle que Sally El Hosaini avec My brother the devil (2012) sur le quotidien de deux frères musulmans à Londres dont l'un est chef d'une bande, Unicorns (2023) sur un jeune mécanicien et père célibataire qui tombe amoureux d'une drag queen, et Les nageuses (2022) sur l'histoire vraie de deux soeurs syriennes ayant fui leur pays pour poursuivre leur carrière de nageuses. Elle mêle intimisme torturé et récit de survie, avec parfois une forme de lyrisme et parfois une forme de frontalité accablante. Phyllida Lloyd, après son immense succès mondial Mamma Mia (2008), a su revenir à des récits plus modestes mais engagés. Notamment avec Herself (2020), récit d'une mère célibataire qui a du mal à s'en sortir et ne trouve pas de logement fixe, s'occupant seule de ses deux enfants après avoir quitté son époux violent. Pour aller encore plus loin dans l'engagement, Amma Asante s’est spécialisée dans les récits historiques sous un angle postcolonial : Belle (2013), A United Kingdom (2016), en trouvant des financements internationaux. Toutes témoignent d’une capacité à investir des genres traditionnels (biopic, comédie, drame) tout en y injectant une vision spécifique, souvent portée par des personnages féminins en lutte contre les structures de pouvoir.


Certaines se distinguent par des approches plus expressionnistes, plus atmosphériques, plus portées sur le style visuel. Carol Morley, naviguant entre documentaire, fiction et formes hybrides, signe des œuvres comme Dreams of a Life (2011) ou The Falling (2014), où l'on retrouve souvent des figures féminines marginalisées ou abandonnées. Ses films interrogent les zones grises de la mémoire, du deuil et du non-dit, avec un fort attrait pour le flou (quelque chose de brumeux et aérien dans les images), pour des teintes pastel et sépia, etc. Alice Lowe, avant tout actrice, a d'abord réalisé Prevenge (2016) dans l’urgence d’une grossesse, détournant les codes de l’horreur et de la comédie noire. Elle a réitéré dans le détournement des codes avec Timestalker (2024), toujours dans un ton comique mais cette fois avec le film historique / film d'époque. Elle poursuit un cinéma très personnel, libre, porté par des héroïnes ambivalentes. De son côté, Hope Dickson Leach, avec The Levelling (2016), proposait une mise en scène sensorielle très retenue, faite de silences et de paysages boueux, dans un film sur le deuil rural. Avec The strange case of Dr Jekyll and Mr Hyde (2022), elle mélange à la fois le théâtre et le cinéma, puisque le film est une captation d'une pièce pensée et réadaptée pour l'audiovisuel. Rose Glass, révélée avec Saint Maud (2019), explore la folie mystique dans une esthétique presque gothique, traversée de lumière artificielle et d'ellipses dérangeantes. Elle est allée encore plus loin dans son envie de faire un cinéma féminin plein de rage, de fantaisie, de mythologies, de force de caractère, de subversion, de transgressions, avec Love Lies Bleeding (2024).



Enfin, le paysage cinématographique britannique s'est mis à attirer des réalisatrices venues d’ailleurs, ou en transit constant entre pays. La néerlandaise Sacha Polak a installé une partie de son travail au Royaume-Uni après Dirty God (2019). L'autrichienne Jessica Hausner a tourné Little Joe (2019) avec une production britannique. Née en Zambie et élevée au Pays de Galles, Rungano Nyoni s’est imposée avec I am not a Witch (2017), satire politique absurde et dérangeante, tournée entre Zambie et Angleterre (et on attend tous & toutes une sortie française pour On becoming a guinea fowl). Leur présence confirme que le cinéma britannique n’est pas un territoire fermé, mais un espace traversé de mouvements, de dialogues esthétiques et de collaborations internationales.


Epilogue


Il y a encore plein de noms qui n'ont pas été évoqués dans ce texte, mais dont les films sont tous plus ou moins intéressants à découvrir. Car ils transmettent tous la diversité et pluralité des voix féminines du cinéma britannique, peu importe la (non) qualité qu'on leur trouve. Il faut penser à Debbie Tucker Green, Margaret Hodkin, Sharon Maguire, Hettie Macdonald, Rachel Tunnard, Emerald Fennell, Prano Bailey-Bond, Nathalie Biancheri, Eva Riley, Rebekah Fortune, Deborah Haywood, Claire Oakley, Marley Morrison, Corinna Faith, Charlotte Wells, Georgia Oakley, Dionne Edwards, Charlotte Regan, Molly Manning Walker, Thea Sharrock, Mahalia Belo, Julia Jackman, Janis Pugh, Romola Garai, Sophie Hyde, Luna Carmoon. Certaines d'entre elles ont même réussi à trouver un beau succès international sur certains films. Elles sont toutes des figures de plus en plus centrales, non pas d’un courant, mais d’une dynamique structurelle, où le « style » devient une stratégie de différenciation face à un marché saturé. Ce qui en fait aujourd’hui, malgré la fragilité économique du secteur, une industrie fertile et en perpétuelle reconfiguration. En attendant de consacrer, à l'avenir, un bouquin sur le sujet, espérons que ce long texte puisse mettre un peu de lumière sur toutes ces réalisatrices britanniques et irlandaises. Qu'elles soient oubliées, invisibilisées, connues principalement par une niche de passionné•e•s, ou devenues célèbres. Car elles le méritent toutes.


Teddy Devisme


SOURCES :



  • BFI ScreenOnline
  • onlike.net
  • The Guardian (articles thématiques, hommages, nécrologies, etc)
  • National Library of Scotland, catégorie "Moving image archive"
  • www.cinemaderien.fr
  • www.greatwomenanimators.com
  • www.englandgallery.com
  • www.luxonline.org.uk
  • site internet de l'université de East Anglia, www.uea.ac.uk
  • site internet de UK Research and Innovation, www.gtr.ukri.org
  • site internet de The British Entertainment History Project, interviews de Wendy Toye
  • site internet du collectif archiviste de films d'archives Invisible Women
  • base de donnée du site du Centre Audiovisuel Simone de Beauvoir www.centre-simone-de-beauvoir.com
  • Archives du London Feminist Film Festival www.londonfeministfilmfestival.wordpress.com
  • DYSON Francis, Challeging assumptions about amateur amateur film of the inter-war years : ace movies and the first generation of London based cine-clubs (intitulé de Doctorat de l'université de East Anglia), 2012
  • HARPER Sue, Women in British Cinema, 2000
  • KUHN Annette, Women's Pictures : Feminism and cinema, 1994
  • PILARD Philippe, Histoire du cinéma britannique, Nouveau Monde, 2010
  • NELMES Jill, SELBO Julie, Women screenwriters : an international guide, Palgrave Macmillan, 2015
  • HALAS Vivien, Halas & Batchelor cartoons : an animated history, 2007
  • TURVEY Gerry, Film history : an international journal, "Contrained emancipation : the career of Ethyle Batley, britain's prioneering woman film director", Indiana Press University, 2009
  • interview de la curatrice et chercheuse Sarah Hill, pour le site Independent Cinema Office, 2016
  • MCCABE Janet, Feminist Film Studies : writing the woman into cinema, 2005
  • WILLIAMS Melanie, "The hidden history of women's filmmaking in Britain", The Conversation, 2020
  • WOOD Jason & SMITH Ian Haydn, New British Cinema, Faber & Faber, 2015