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[CRITIQUE] : The Nest


Réalisateur : Sean Durkin
Avec : Jude Law, Carrie Coon, Charlie Shotwell, Oona Roche,...
Distributeur : Canal Play (Canal +)
Budget : -
Genre : Drame, Thriller
Nationalité : Canadien, Britannique
Durée : 1h47min

Synopsis :
Dans les années 1980, Rory, un ancien courtier devenu un ambitieux entrepreneur, convainc Allison, son épouse américaine, et leurs deux enfants de quitter le confort d’une banlieue cossue des États-Unis pour s’installer en Angleterre, son pays de naissance. Persuadé d’y faire fortune, Rory loue un vieux manoir en pleine campagne où sa femme pourra continuer à monter à cheval. Mais l’espoir d’un lucratif nouveau départ s’évanouit rapidement et l’isolement fissure peu à peu l’équilibre familial.



Critique :


Triplement couronné (Grand prix, prix de la critique internationale et prix de la Révélation) lors du dernier Festival du cinéma américain de Deauville, The Nest marquait le retour derrière la caméra de Sean Durkin, 8 ans après Martha Marcy May Marlene. Si, forcément, sa sortie directement sur Canal+ a de quoi créer une frustration, il est aussi une occasion en or pour vous de découvrir cette œuvre à la splendeur obscure.

Copyright Ascot Elite Entertainment

L’un des premiers plans de The Nest, nous montre un homme, Rory (Jude Law somptueux), dont le visage est comme crispé par le coup de fil qu’il doit passer. Le spectateur semble alors surprendre un acteur, qui avant de monter sur scène est bouffé par une sorte de trac. La suite ne fait que confirmer cette sensation, les sonneries sont comme les trois coups avant le début de la pièce, et lorsque l’interlocuteur décroche, le rideau se lève et Rory devient son personnage. La caméra, elle, restera en dehors de cette conversation, car, ce n’est pas l’acteur qui intéresse Sean Durkin, mais bel et bien cet homme vivant sa vie comme une représentation permanente et les conséquences de ce choix.
Dès lors, le cinéaste drape son long métrage dans les atours d’un film de fantôme, de ce manoir trop grand au fin fond du Surrey à cette photographie brumeuse; The Nest se savourerait presque comme une sorte de prolongement de la série de Mike Flanagan, The Haunting. Comme cette dernière, l’œuvre vient filmer des spectres et un deuil, sauf qu’ici la chair est encore fraîche et il n’est pas question de mort; mais d’une vie rêvée qu’ils ont pu sentir au bout des doigts, mais qui galope sans eux. Cette sensation est renforcée par le trouble qui assaillit lors du visionnage, comme si le spectateur s’attendait a permanence a voir surgir quelque part un élément fantastique, quelque chose qui viendrait extraire le film de sa propre réalité. Sauf que tout est palpable, tout est vrai, tout est réel dans The Nest.

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À partir de là, Sean Durkin dresse deux figures en décalage. Rory donc, qui, même en pleine chute libre tente de se raccrocher a ses rêves de grandeurs en ne cessant de s’enfoncer dans les performances, dont chaque nouveau rappel, semble faire apparaître toute l’artificielle de son jeu. Mais surtout, celui d’Allison, l’épouse, interpréter par l’hypnotique Carrie Coon. Celle qui se déracine pour son mari va vite voir toute la laideur de leur vie et de sa propre vie. Elle va cesser de jouer le jeu, s’émanciper de l’ombre dans laquelle elle s’était enfoncée pour tenter de reprendre le contrôle non pas de sa famille, mais d’elle-même — superbe scène de danse.
Mais toute la beauté du film, et qui participe à ce sentiment de trouble, c’est de voir se noyer ces vies sans jamais avoir la sensation que Durkin tiens a les sauver.

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Car, The Nest ne fait pas tellement dans la rédemption ou le happy end, non l’œuvre se dresse comme un constat. Voilà des vies en lambeaux, une épouse dont le sentiment amoureux semble s’être perdu, un mari qui a quitté son costume, retirer son maquillage et qui apparaît dans tout son désespoir, et des gosses paumés. Que faire ? The Nest n’y apportera aucune sorte de réponse, Durkin filmera juste un petit déjeuner au milieu des déchets de cette vie qui apparaît enfin comme elle a toujours était, en bordel.


Thibaut Ciavarella



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En 2011, le réalisateur et scénariste Sean Durkin sortait son premier long métrage, Martha Marcy May Marlene et faisait sensation. Portrait sensible d’une jeune femme en proie à la paranoïa suite aux sévices subies dans une secte, le film avait ainsi révélé l’actrice Elizabeth Olsen, avant qu’elle rejoigne les Avengers. Le second long métrage du cinéaste, The Nest, a raflé les prix les plus prestigieux au dernier festival de Deauville en septembre. Un temps prévu pour une sortie en salles, le film se voit contraint, comme beaucoup d'autres, d’une sortie sur petit écran, uniquement pour les abonné.e.s Canal +.

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The Nest nous plonge dans l’Amérique des années 80’s. Ronald Reagan est au pouvoir. Comme nous le démontre le brillant essai de Susan Faludi, Backlash, l'ère Reagan symbolise le retour aux traditions familiales, aux rôles genrés définis, à l’American Dream brillant d’espoir pour la classe ouvrière : chaque homme (car les femmes doivent retourner à la maison) peut accomplir une élévation sociale, avec force et détermination. Sean Durkin nous entraîne alors dans une famille de la classe moyenne, à l’aise financièrement, mais encore loin de la richesse bourgeoise. Rory (Jude Law) est un courtier anglais, émigré aux États-Unis pour poursuivre ce fameux rêve américain. Allison (Carrie Coon), sa femme travaille dans un ranch pour chevaux, sa passion. Leurs deux enfants, Samantha et Benjamin, vivent leur petite vie tranquille, entre cours de gym pour l’une et après-midi foot pour l’autre. Le cinéaste s’emploie à montrer une famille ordinaire, habitant une belle maison et vivant une vie idéale. Leur quotidien est tranquille, toute la petite famille suit l’ordre établi. Pourtant, Sean Durkin commence son film par un événement en somme banal : un appel téléphonique, qui va pourtant changer drastiquement leur vie. 

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Rory, devant sa fenêtre, paraît anxieux avant de passer son coup de téléphone. Mais, une fois son interlocuteur au bout du film, le personnage se transforme en homme assuré, confiant. Mari aimant, père présent, cette vie de banlieue tranquille ne lui convient pas (ou plus). Rory veut plus de tout : d’ambition, d’argent, d’action. La famille O’Hara s’envole pour l’Angleterre, s’installer dans un immense manoir en périphérie de Londres. Écoles privées pour les enfants, un cheval et un manteau de fourrure pour Allison, Rory dépense sans compter, pensant avoir enfin dépasser la barrière de classe. Sauf qu’il n’en est rien. Derrière l’apparence bourgeoise de leur nouvelle vie se cache des dettes, des mensonges, qui vont creuser un gouffre dans lequel toute la famille O’Hara va s’embourber. Comme si cet immense manoir les engloutissait.
Sean Durkin déploie une mise en scène sobre, s’appuyant sur les apparences. Alors que nous avons l’impression d’être face à une simple descente aux enfers d’un homme en proie à une crise existentielle, The Nest se dévoile enfin dans sa seconde partie, comme une critique acerbe du déterminisme social.

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Le film enferme petit à petit ses personnages dans un cadre, alors qu’ils sont ironiquement entourés d’immensité. Ils errent dans le manoir, symbole de leur déclin. S’apparentant parfois à un film de fantôme, il montre la famille O’Hara qui disparaît derrière les murs de pierre, des silhouettes qui hantent le lieu. Une sorte d’inéluctabilité naît des différentes péripéties. Le rythme du montage donne l’impression étrange d'un récit linéaire qui ne peut s’arrêter, entraînant ses personnages au bord du précipice. Ils ne peuvent que subir les affres d’une société mortifère. La figure du Pater familias prend un sacré coup derrière le crâne. Jude Law incarne parfaitement cet homme torturé par un désir non assouvi. Quelques scènes nous font comprendre pourquoi il cherche si désespérément à avoir une vie soi-disant meilleure, Sean Durkin ne voulant pas basculer dans un propos trop réprobateur. De son côté, Allison, figure féminine de la cellule familiale se voit contrainte d’agir face aux réactions de son mari. Si au début du film, elle avait bien digéré son rôle d’épouse qui doit suivre son mari sans poser le moindre doute, Allison finit par comprendre la supercherie de Rory. Elle devient la seule figure d’autorité pouvant mettre fin au déclin. Son “stop” de fin, crié tel un coup de poignard, appose un nouvel équilibre dans le couple. Les rôles bien définis d’une famille idéale n’existe plus.

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Nous pouvons reprocher à The Nest son côté opaque. À trop vouloir pencher vers la sobriété, qui sied parfaitement à l’histoire, Sean Durkin ne donne pas assez d’outils aux spectateurs pour s’imprégner totalement du drame présenté. L’immense froideur du manoir déteint sur l'ensemble du film et donne une œuvre puissante dans son récit mais trop formelle.


Laura Enjolvy



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