[CRITIQUE] : La Mission
Réalisateur : Paul Greengrass
Avec : Tom Hanks, Helena Zengel, Elizabeth Marvel, Ray McKinnon,...
Distributeur : Netflix France
Budget : -
Genre : Drame, Action, Aventure.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h59min
Synopsis :
Cinq ans après la fin de la Guerre de Sécession, le capitaine Jefferson Kyle Kidd, vétéran de trois guerres, sillonne le pays de ville en ville en qualité de rapporteur publique et tient les gens informés, grâce à ses lectures, des péripéties des grands de ce monde, des querelles du gratin, ainsi que des plus terribles catastrophes ou aventures du bout du monde. En traversant les plaines du Texas, il croise le chemin de Johanna, une enfant de 10 ans capturée 6 ans plus tôt par la tribu des Kiowa et élevée comme l’une des leurs. Rescapée et renvoyée contre son gré chez sa tante et son oncle par les autorités, Johanna est hostile à ce monde qu’elle va devoir rejoindre et ne connait pas. Kidd accepte de la ramener à ce domicile auquel la loi l’a assignée. Pendant des centaines de kilomètres, alors qu’ils traversent une nature hostile, ils vont devoir affronter les nombreux écueils, aussi bien humains que sauvages, qui jalonnent la route vers ce que chacun d’entre eux pourra enfin appeler son foyer.
Critique :
Covid-19 oblige, il y a tout de même quelque chose d'assez frustrant à l'idée de se dire que les trois derniers passages devant une caméra de l'immense Tom Hanks, n'ont pas eu les honneurs d'une sortie dans les salles obscures hexagonales, preuve qu'au-delà de la pandémie mondiale, il y a véritablement une couille dans le pâté de la distribution actuelle.
Tout au long de sa carrière, l'éternel Forrest Gump a bâti son aura géniale en campant des hommes ordinaires - et donc furieusement empathiques - placé dans des situations contraignantes proprement extraordinaires : l'espace (Apollo 13), la Seconde guerre mondiale (Il faut sauver le soldat Ryan), une île déserte après un crash d'avion (Seul au Monde), un réfugié politique obligé de s'installer dans le terminal d'un aéroport (Le Terminal), ou même un commandant aux prises avec des pirates somaliens (Captain Phillips).
Et sa partition en tant que capitaine Jefferson Kirby Kidd dans une Amérique post-Guerre de Sécession, dans le fantastique La Mission de Paul Greengrass, ne déroge absolument pas à cette règle.
Pur western révisionniste comme on en fait presque plus (Hostiles de Scott Cooper il y a trois ans... ça date), prenant amoureusement les coutures d'une fresque occidentale grandiose, le film est l'exemple même de comment un cinéaste peut, à contrario de révolutionner un genre, voir son cinéma être bouleversé par celui-ci; tant Greengrass abandonne ici grandement son montage percutant et hyperkinétique - popularisé dès Bloody Sunday mais surtout la saga Bourne -, sauf à quelques exceptions (une fusillade, une course-poursuite), pour lui préférer une mise en scène moins énergique et plus ample, épousant amoureusement les grands espaces quitte à accepter de les laisser l'engloutir de leur beauté.
Un esprit Fordien l'envahit, d'autant plus que le long-métrage rappelle autant L'Homme qui tua Liberty Valance que La Prisonnière du Désert, avec son récit grisant sur un vétéran de la guerre civile - John Wayne - qui trouve la rédemption en sauvant sa nièce kidnappée par les Comanches.
D'autant plus qu'ici, tout comme le pourtant diamétralement opposé Minuit dans l'Univers de George Clooney, aussi débarqué sur Netflix il y a peu, Greengrass qui adapté scrupuleusement les lignes du roman de Paulette Jiles, retrouve ce trope purement occidental de l'homme mûr et fermé (Tom Hanks, merveilleux de gravité tranquille et de sagesse paternelle), qui se réveille émotionnellement face au monde en se chargeant de la protection d'un enfant; à la différence près qu'ici, la dite môme (formidable Helena Zengel, tout en intensité en enfant sauvage devenue orpheline deux fois), n'a rien de l'enfant docile qui adopte sans broncher tout endoctrinement, ce qui désarme assez justement tout sentimentalisme maladroit - voire gerbant.
Mais s'il suit intelligemment les codes du genre, porté par la photographie grandiose de Dariusz Wolski, qui capte à la perfection toute la beauté du grand ouest américain (que les émotions de cette histoire bigger than life de l'intrigue viennent remplir avec ce qu'il faut de justesse et de candeur), La Mission n'en garde pas moins en lui plusieurs révisions intéressantes, de sa méfiance de la cavalerie (rare pour un film américain), à sa volonté de garder hors champ la violence indienne (les Kiowas avec leurs allures mi-elfiques, mi-spectrales), en passant par la croyance viscérale qu'elle a en son coeur : le pouvoir de changer le monde grâce à la narration, dont la résonance actuelle peut paraître un brin utopiste à une heure ou la fake news est un concept aussi répandue qu'il est réclamé par la foule (vouloir entendre ce que l'on a envie d'entendre, d'être enfermé dans une sorte de bulle de la réalité et non une réalité elle-même).
En tant qu'ancien journaliste lui-même, Greengrass a toujours gardé en lui sa foi dans le pouvoir d'une plume libre pour façonner le monde, et elle transparaît ici avec une force incroyable... a tel point qu'il nous donnerait presque envie d'y croire, nous aussi, comme il y a trois ans avec le magistral Pentagon Papers de Steven Spielberg.
Jonathan Chevrier
Avec : Tom Hanks, Helena Zengel, Elizabeth Marvel, Ray McKinnon,...
Distributeur : Netflix France
Budget : -
Genre : Drame, Action, Aventure.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h59min
Synopsis :
Cinq ans après la fin de la Guerre de Sécession, le capitaine Jefferson Kyle Kidd, vétéran de trois guerres, sillonne le pays de ville en ville en qualité de rapporteur publique et tient les gens informés, grâce à ses lectures, des péripéties des grands de ce monde, des querelles du gratin, ainsi que des plus terribles catastrophes ou aventures du bout du monde. En traversant les plaines du Texas, il croise le chemin de Johanna, une enfant de 10 ans capturée 6 ans plus tôt par la tribu des Kiowa et élevée comme l’une des leurs. Rescapée et renvoyée contre son gré chez sa tante et son oncle par les autorités, Johanna est hostile à ce monde qu’elle va devoir rejoindre et ne connait pas. Kidd accepte de la ramener à ce domicile auquel la loi l’a assignée. Pendant des centaines de kilomètres, alors qu’ils traversent une nature hostile, ils vont devoir affronter les nombreux écueils, aussi bien humains que sauvages, qui jalonnent la route vers ce que chacun d’entre eux pourra enfin appeler son foyer.
Critique :
Envahit par un esprit "Fordien", Greengrass abandonne sa mise en scène percutante pour mieux embrasser la beauté du Far West avec #LaMission, western révisionniste et humaniste portant en son coeur une foi puissante envers le pouvoir d'une plume libre pouvant façonner le monde. pic.twitter.com/hLdoKRxEFv
— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) February 10, 2021
Covid-19 oblige, il y a tout de même quelque chose d'assez frustrant à l'idée de se dire que les trois derniers passages devant une caméra de l'immense Tom Hanks, n'ont pas eu les honneurs d'une sortie dans les salles obscures hexagonales, preuve qu'au-delà de la pandémie mondiale, il y a véritablement une couille dans le pâté de la distribution actuelle.
Tout au long de sa carrière, l'éternel Forrest Gump a bâti son aura géniale en campant des hommes ordinaires - et donc furieusement empathiques - placé dans des situations contraignantes proprement extraordinaires : l'espace (Apollo 13), la Seconde guerre mondiale (Il faut sauver le soldat Ryan), une île déserte après un crash d'avion (Seul au Monde), un réfugié politique obligé de s'installer dans le terminal d'un aéroport (Le Terminal), ou même un commandant aux prises avec des pirates somaliens (Captain Phillips).
Copyright Bruce W. Talamon/Universal Pictures/Netflix |
Et sa partition en tant que capitaine Jefferson Kirby Kidd dans une Amérique post-Guerre de Sécession, dans le fantastique La Mission de Paul Greengrass, ne déroge absolument pas à cette règle.
Pur western révisionniste comme on en fait presque plus (Hostiles de Scott Cooper il y a trois ans... ça date), prenant amoureusement les coutures d'une fresque occidentale grandiose, le film est l'exemple même de comment un cinéaste peut, à contrario de révolutionner un genre, voir son cinéma être bouleversé par celui-ci; tant Greengrass abandonne ici grandement son montage percutant et hyperkinétique - popularisé dès Bloody Sunday mais surtout la saga Bourne -, sauf à quelques exceptions (une fusillade, une course-poursuite), pour lui préférer une mise en scène moins énergique et plus ample, épousant amoureusement les grands espaces quitte à accepter de les laisser l'engloutir de leur beauté.
Un esprit Fordien l'envahit, d'autant plus que le long-métrage rappelle autant L'Homme qui tua Liberty Valance que La Prisonnière du Désert, avec son récit grisant sur un vétéran de la guerre civile - John Wayne - qui trouve la rédemption en sauvant sa nièce kidnappée par les Comanches.
D'autant plus qu'ici, tout comme le pourtant diamétralement opposé Minuit dans l'Univers de George Clooney, aussi débarqué sur Netflix il y a peu, Greengrass qui adapté scrupuleusement les lignes du roman de Paulette Jiles, retrouve ce trope purement occidental de l'homme mûr et fermé (Tom Hanks, merveilleux de gravité tranquille et de sagesse paternelle), qui se réveille émotionnellement face au monde en se chargeant de la protection d'un enfant; à la différence près qu'ici, la dite môme (formidable Helena Zengel, tout en intensité en enfant sauvage devenue orpheline deux fois), n'a rien de l'enfant docile qui adopte sans broncher tout endoctrinement, ce qui désarme assez justement tout sentimentalisme maladroit - voire gerbant.
Copyright Bruce W. Talamon/Universal Pictures/Netflix |
Mais s'il suit intelligemment les codes du genre, porté par la photographie grandiose de Dariusz Wolski, qui capte à la perfection toute la beauté du grand ouest américain (que les émotions de cette histoire bigger than life de l'intrigue viennent remplir avec ce qu'il faut de justesse et de candeur), La Mission n'en garde pas moins en lui plusieurs révisions intéressantes, de sa méfiance de la cavalerie (rare pour un film américain), à sa volonté de garder hors champ la violence indienne (les Kiowas avec leurs allures mi-elfiques, mi-spectrales), en passant par la croyance viscérale qu'elle a en son coeur : le pouvoir de changer le monde grâce à la narration, dont la résonance actuelle peut paraître un brin utopiste à une heure ou la fake news est un concept aussi répandue qu'il est réclamé par la foule (vouloir entendre ce que l'on a envie d'entendre, d'être enfermé dans une sorte de bulle de la réalité et non une réalité elle-même).
En tant qu'ancien journaliste lui-même, Greengrass a toujours gardé en lui sa foi dans le pouvoir d'une plume libre pour façonner le monde, et elle transparaît ici avec une force incroyable... a tel point qu'il nous donnerait presque envie d'y croire, nous aussi, comme il y a trois ans avec le magistral Pentagon Papers de Steven Spielberg.
Jonathan Chevrier