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[COEURS D♡ARTICHAUTS] : #13. Anna Karenina

Copyright Universal Pictures International France

Parce que l'overdose des téléfilms de Noël avant même que décembre ne commence, couplé à une envie soudaine de plonger tête la première dans tout ce qui est feel good et régressif, nous a motivé plus que de raison à papoter de cinéma sirupeux et tout plein de guimauve; la Fucking Team vient de créer une nouvelle section : #CoeursdArtichauts, une section ou on parlera évidemment de films/téléfilms romantiques, et de l'amour avec un grand A, dans ce qu'il a de plus beau, facile, kitsch et même parfois un peu tragique.
Parce qu'on a tous besoin d'amour pendant les fêtes (non surtout de chocolat, de bouffe et d'alcool), et même toute l'année, préparez votre mug de chocolat chaud, votre petite (bon grande) assiette de cookies et venez rechauffer vos petits coeurs de cinéphiles fragiles avec nous !


#13. Anna Karenine de Joe Wright (2013)

Mettre en images l'amour sous toutes ses formes, voilà ce qui à certainement motiver Joe Wright dans l'idée de croquer une énième vision du chef d’œuvre de Tolstoï, Anna Karenine, lui qui durant la quasi-totalité de sa filmo n'aura eu de cesse d'être motivé, intrigué, passionné par ce sentiment; à tel point que l'on peut intimement voir son adaptation comme le point final parfait à sa trilogie du " sentiment amoureux " qu'il aura articulé autour de sa muse Keira Knightley (mais aussi du plus discret Matthew Macfadyen).
Totalement à l'ouest de prime abord, Wright aura finalement su rester fidèle au matériau d'origine, offrant un prisme étonnant au portrait d'héroïne bafouée qu'est Anna (d'abord vulnérable, totalement engoncée dans la tristesse et la détresse que sa condition lui impose, Wright la montre résolument plus antipathique par la suite, comme pour lui montrer l'aspect banal de la tragédie sentimentale qui la frappe, avant de la mener vers une mort expéditive un brin pathétique), tout en cherchant uniquement à mettre un petit peu plus en lumière la douce relation entre Constantin et Kitty, toute aussi intéressante - voire même plus - à l'écran, que le trio Anna/Vronski/Alexis.
Tout aussi original, dans cette version c'est le personnage d'Oblonski qui est le catalyseur involontaire de tous les maux qui déchire les coeurs des personnages : en voulant sauver son mariage (avec Dolly), il brisera celui de sa soeur (Anna) tout en lui faisant connaitre le véritable amour (Vronski), il brisera un temps le cœur de sa belle-sœur (Kitty) tout en lui permettant à elle et à son meilleur ami (Constantin), de vivre le grand amour de leur vie.

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Deux relations qui s'entremêlent avant de suivre leurs propres voies, tragique pour l'une, merveilleuse pour l'autre, totalement transcendées par une mise en scène tout en audace et en maîtrise.
Car plus que l'adaptation en elle-même, le vrai pari osé de cette version aura été de prendre pour décor un véritable théâtre à l'italienne, délabré mais remplit de charme; une approche théâtrale on ne peut plus jusqu'au boutiste mais pertinente (l'aristocratie de l'époque se donne en théâtre et chacun joue un rôle, quoi de plus logique donc de leur offrir une vraie scène pour le faire à l'écran), à l'ingéniosité et à la magie visuelle juste époustouflante.
Complétement expérimentale, jouant sur les petits aléas de sa production (un choix artistique qui ne fut qu'une solution de replis, Wright n'ayant pas pu avoir le budget désiré pour utiliser des décors naturels) sans forcément s'y enfermer, la quasi-totalité du métrage (Seul l'amour naissant, pur et véritable entre Constantin et Kitty, aura réellement les mérites de décors extérieurs et naturels éblouissants) se passera donc dans ce dit théâtre dont chaque recoin accueille des scènes devant se dérouler à mille lieux de là : ainsi, quand les acteurs se rendront sur la scène, à la guise de l'intrigue, celle-ci se transformera soit en salle de bal, soit en chambre d'enfant, en parterre de patinoire, en hall de gare,...
Une mise en scène artificielle et parsemée de trompes l'oeil totalement assumée, infiniment fluide et dynamique, poussant perpétuellement le spectateur à éprouver son imagination de manière ludique et jamais forcée, devant des décors riches et soignés que l'on croirait tout droit sorti du folklore d'un Moulin Rouge.

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Mais si le cinéaste aime l'amour, il aime aussi et surtout ses interprètes, qui lui rendent cette passion avec une dévotion indéboulonnable.
Tour à tour espiègle, amoureuse transi, maladivement jalouse ou au bord de la folie, Keira Knightley embelli le métrage de sa beauté à la fois glaciale et touchante, tout en donnant toute la profondeur de son jeu à l'un des rôles les plus exigeants de sa (jadis) jeune carrière.
Autre tour de force, celui d'offrir à Jude Law la vraie composition dramatique dont il avait tant besoin pour briller.
En Alexis, tiraillé par la douleur insoutenable d'être trompé par celle qu'il aime et sa volonté de rester digne malgré les circonstances, il est époustouflant de justesse et de gravité.
À leurs côtés, si Adam Taylor-Johnson fait joliment le boulot en Vronski (même si son jeu manque un peu d'épaisseur), ce sont surtout Domnhall Gleeson et Alicia Vikander (à l'époque en passe des deux des next big things du circuit indépendant) marquent les rétines et emportent les coeurs,
En Levine (rôle promis au départ à James McAvoy), Gleeson est le romantique parfait, charmant, touchant et dévoué, éternellement épris de celle qu'il aime - et ce même si elle lui a brisé le cœur -, Kitty, incarnée avec douceur par une Alicia Vikander alliant naïveté juvénile et maturité avec une puissance émotionnelle rare.

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Exprimant l'amour bien plus dans les gestes que dans les simples mots, transpirant l'âme russe de tous les bords de sa pellicule (le cadre, une importance marquée au théâtre et à la musique), Anna Karenine est un ballet des sens impressionnant et culottée, une mise en abyme menée tambour battant avec une maestria frisant l'indécence, Wright épousant autant la plus grande tristesse que le plus grand des bonheurs avec une infinie justesse, tutoyant presque de bout en bout la perfection du cinéma béni de Jane Campion (sans doute la seule cinéaste contemporaine à comprendre pleinement et retranscrire la grâce lumineuse et la douloureuse tragédie tapie derrière le sentiment amoureux).
Une merveille aussi sensorielle et intemporelle qu'exubérante et moderne, pourtant basée sur une histoire connue de tous : plus qu'une simple prouesse, on appelle ça un vrai tour de force.


Jonathan Chevrier


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