[SƎANCES FANTASTIQUES] : #41. Coraline
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Parce que les (géniales) sections #TouchePasAMes80s et #TouchePasNonPlusAMes90s, sont un peu trop restreintes pour laisser exploser notre amour du cinéma de genre, la Fucking Team se lance dans une nouvelle aventure : #SectionsFantastiques, ou l'on pourra autant traiter des chefs-d'œuvres de la Hammer que des pépites du cinéma bis transalpin, en passant par les slashers des 70's/80's ; mais surtout montrer un brin la richesse des cinémas fantastique et horrifique aussi abondant qu'ils sont passionnant à décortiquer. Bref, veillez à ce que les lumières soient éteintes, qu'un monstre soit bien caché sous vos fauteuils/lits et laissez-vous embarquer par la lecture nos billets !
#41. Coraline d'Henry Selick (2009)
Totalement spolié de son travail fantastique sur L'Étrange Noël de Monsieur Jack, la faute à l'ombre pesante d'un Tim Burton alors au sommet de son art, il aura fallu attendre le magnifique James et la Pêche Géante pour qu'Henry Selick, figure majeure de l'animation US de ces cinquante dernières années, soit enfin considéré à sa juste valeur, quitte à se permettre un écart pas totalement défendable peu après (le sympathique mais férocement foutraque Monkeybone).
Assuré de ne plus voir la parenté d'une de ses oeuvres totalement lui échapper, c'est in fine en s'associant avec la plume du visionnaire Neil Gaiman, que le bonhomme saura graver sur la pellicule, toute l'étendue magique de son imaginaire foisonnant avec Coraline, ou il se réapproprie le roman éponyme du même Gaiman, pour en faire rien de moins que l'un des plus beaux films en stop-motion de l'histoire.
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Détournement moderne, bricolé et crépusculaire - même si totalement destiné aux enfants -, d'Alice aux pays des merveilles, pile poil un an avant que Burton himself ne vienne saccager le dit mythe du côté de la firme aux grandes oreilles - pas de hasard -, Coraline suit l'histoire des époux Jones et de leur fille unique - Coraline donc -, fraîchement installés à la campagne histoire de boucler un catalogue de jardinage.
Trop content de ne plus pointer le bout de leur nez au-delà de leur écran d'ordinateur, ils délaissent totalement leur progéniture, tout sauf enchanté d'avoir quitté son milieu urbain.
Mais un soir, son quotidien sombre et ennuyé va être bousculé lorsqu'elle découvre dans le mur du salon, une porte vers un univers parallèle.
Un monde où ses parents et voisins se montrent aussi généreux et drôles que les originaux pouvaient être ternes et désincarnés.
Mais un tel endroit fantastique, ne pourrait-il pas cacher quelque chose ?
Usant subtilement de la stop-motion pour complètement accentuer la fantaisie de son sujet - ou tous ses personnages sont férocement ancré dans un réalisme confondant -, Selick jongle entre ses univers par la seule force de sa minutieuse mise en scène.
Entre une grammaire traditionnelle dans le monde réel (plan larges, mouvements de caméras lents et montage parfois saccadé), et bouillante dans le monde fantastique (plans-séquences, pluie de vues subjectives,...), Selick, plus à l'aise dans l'obscurité, rend l'autre monde savoureusement palpable, insistant continuellement sur les nuances de son cadre (distances, personnages, volumes, profondeur de champs,...), tout en agrémentant ses images d'un effet de relief discret - mais ravageur -, et de quelques tableaux de maître (des décors aussi poétiques et grotesques que profondément terrifiants).
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Mais si la forme impressionne, c'est aussi et surtout par son fond que Coraline s'impose comme une oeuvre cinematographique qui sort du lot, tant elle convoque pléthore de frayeurs enfantines (monstre caché sous le lit ou dans le placard, la peur du noir et du vide, des parents carnivores qui dévorent leur progéniture, insectes/araignées gigantesques, impossibilité de communiquer avec les autres,...) et même la sempiternelle thématique du miroir (fascinante à décortiquer quand elle est habilement usée), sans pour autant infantiliser son propos - le film est pour tous les publics -; permettant ainsi à Selick tutoyer l'universel avec une humanité rare, provoquant instinctivement l'empathie la plus sincère qui soit.
Fable effrayante, nostalgique et grisante aux idées proprement glaçantes (l'autre-monde et ses pantins sans yeux - le miroir de l'âme - en tête, qui ne font que prolonger la thème du miroir/doublure par le biais de la couture, elle-même caractérisé par ses mouvements de répétitions parfois légèrement différents), fixée sur l'apprentissage de la dure vie d'adulte d'une jeune âme naïve devant survivre aux dérives rose bonbon d'un songe tordu, Coraline est une merveille de bijou gothique, une virée au pays des fausses merveilles qui marque, pour le moment, le baroud d'honneur de son faiseur de rêves.
Mais Selick nous reviendra (son Wendell and Wild galère à se monter), tout du moins, on l'espère ardemment.
Jonathan Chevrier