[FUCKING SERIES] : Ratched saison 1 : American Horror Story - The Cuckoo’s Nest
Alors que Ryan Murphy commence gentiment à prendre ses aises sur Netflix, mais que toutes ses productions nous laisse un sacré goût d'inachevé (excepté The Politician, qui a tout de même un brin foiré son virage de la seconde saison), Ratched arriverait presque à temps pour mettre tout le monde d'accord, même si le projet qu'il incarne, a clairement tout pour diviser : un prequel pseudo-original au vénéré One Flew Over the Cuckoo's Nest de Milós Forman, avec la muse number one du créateur : Queen Sarah Paulson.
Répondant à quelques questions que presque tout spectateur du chef-d'oeuvre s'est posé à la vue du personnage, magistralement incarné par Louise Fletcher (Qu'est-ce qui a fait que Mildred Ratched, comme l'Orangina Rouge, est devenue aussi méchante ? Mais surtout pourquoi est-elle devenue infirmière ?), tout en étant une sorte de spin-off totalement improbable à American Horror Story (dont la pertinence du rapprochement va bien au-delà de la simple présence de Paulson au casting), Ratched surclasse gentiment son statut de projet opportuniste voire gratuit, pour incarner un vrai petit moment de télévision funambule, entre le thriller lugubre et le drame chirurgical.
Copyright Saeed Adyani/Netflix |
Un effort Murphyen en diable jusque dans sa facture visuelle (cadres opulents, longs plans séquences de suivi, split-screens, couleurs vibrantes,...), évidemment pas exempt de scories ou même d'un petit sentiment de confusion un poil déroutant mais dont la réussite équivaut presque a un petit miracle OVNI-esque pour une plateforme aussi policée que Netflix.
Expurgé de toute connotation politique ou même de la critique sociale chère au film de Forman, même s'il en conserve l'horreur psychologique viscérale (la suppression cruelle par l'État et la justice, de l'esprit individuel), hésitant continuellement à rendre son personnage aussi sympathique que frappée d'une misanthropie glaciale (dévoilant à la fois son traumatisme déchirant, sa sexualité conflictuelle), Ratched troque l'idée d'une exploration réfléchie de la façon dont notre société traite la maladie mentale, en présentant l'hôpital psychiatrique de manière ambiguë, autant comme un sanctuaire d'inhumanité dans ses traitements, que comme une alternative presque louable face à la cruauté encore plus pregnante, du système pénale.
Totalement conscient de ses lacunes et de son cruel manque de nuances (ou de simplicité, tant c'est parfois lorsqu'il s'offre des respirations volubiles entre personnages, qu'il fait mouche), qu'il contrebalance avec une générosité sanglante allant de pair avec le traumatisme au coeur de l'histoire, le show fait preuve tout du long d'un rythme serré, ne traîne jamais ni ne s'étire, et laisse subtilement le temps à sa riche galerie de personnages troublants et terrifiants (avec une mise en avant des personnages féminins plus qu'admirable), de se développer - et dont les performances sont de premier ordre.
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Que ce soit une Paulson lumineuse (et montrant sans trembler, qu'elle est capable de bien plus que les limites du script lui offre, donnant suffisamment de texture et de profondeur à une écriture qui en manque), un Vincent D'Onofrio qui sait toujours aussi bien bouffer l'écran (dans la peau sur mesure, d'un odieux gouverneur), une Sharon Stone délirante (en mère vindicative d'un jeune tueur devenu amputé) ou encore Judy Davis parfaite en version alternative de Ratched (sans oublier la trop rare Cynthia Nixon, à la présence charmante); tous sont au diapason pour rendre encore plus énergique cette première salve d'épisodes sombre et macabre, mais aussi et surtout réellement jouissive.
Plus American Horror Story - Asylum que Vol au- dessus d' un nid de coucou, Ratched construit le parcours tortueux d'une âme dont le désir d'aider réellement les gens a été corrompu et perverti, pour mieux la transformer en une femme qui est tout aussi susceptible de faire du mal que de sauver son prochain - et on sait tous vers quelle réalité elle penchera au final.
Un cauchemar dramatico-horrifique élégant, parfois choquant mais incroyablement passionnant, qui mérite amplement son petit binge-watching dominical.
Jonathan Chevrier