[CRITIQUE] : Bad Education
Réalisateur : Cory Finley
Acteurs : Hugh Jackman, Allison Janney, Ray Romano, Geraldine Viswanathan, Alex Wolff,...
Distributeur : Warner Bros. France
Budget : -
Genre : Comédie, Judiciaire, Drame.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h49min
Synopsis :
Frank Tassone et Pamela Gluckin règnent sur un district scolaire prisé de Long Island. Leurs établissements génèrent des records d'admission. Bientôt, un scandale de détournement de fonds d'écoles publiques menace tout ce qu'ils ont construit. Frank est obligé de maintenir l’ordre et le secret par tous les moyens...
Critique :
Sans jamais jouer la carte du sensationnel,#BadEducation incarne une odyssée captivante et cynique, véritable pièce de théâtre imposante sur l'immoralité de notre société du paraître et de (sur)consommation, articulée autour de la chute lancinante d'un ersatz de héros américain. pic.twitter.com/PxdZu74KrE— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) September 16, 2020
Le (formidable) chant du cygne Logan aura non seulement clôt un chapitre important de la carrière de Hugh Jackman, mais aussi marqué le point de départ d'un tout nouveau souffle dévoilant plus en profondeur toutes les facettes de son talent, et si ses prestations dans The Greatest Showman et The Front Runner incarnaient des mises en bouche accueillantes, Bad Education en est clairement le plat principal, et sans doute ce que le comédien a offert de plus impressionnant à ce jour.
Second long du prometteur Cory Finley (Thoroughbreds), la péloche s'attache à l'histoire vraie complètement folle et so américaine, de Frank Tassone, ancien directeur des écoles de Roslyn à Long Island; un héros à parents d'élèves, responsable d'avoir fait de Roslyn High l'une des écoles publiques les plus performantes de l'État, autant que d'avoir gentiment trahi la confiance que la communauté lui a accordée, avec une jolie escroquerie de... 11,2 millions de dollars.
Un rappel bien costaud que quelques-unes des figures que l'on prend pour modèles, sont faillibles et que l'on ne peut jamais totalement juger quelqu'un sur sa personnalité publique.
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Sans jamais jouer la carte du sensationnel - même s'il dramatise volontairement certaines scènes majeures -, le tandem Finley/Makowsky au scénario (et accessoirement étudiant au même bahut lorsque le scandale a explosé) épouse l'humour terriblement enthousiasmant de la situation (comme si le film incarnait une rencontre totalement improbable entre Le Loup de Wall Street et Prête à Tout), pour mieux accoucher d'une odyssée captivante, cynique et sournoise, véritable pièce de théâtre imposante sur la moralité du monde réel et de notre société du paraître et de (sur)consommation, articulée autour de la chute lancinante d'un ersatz de héros américain.
Entre la satire légère et le thriller d'investigation à combustion lente parsemé de touches comiques, la péloche fouille profondément dans les âmes de ses personnages pour mieux en déceler la morale ambivalente, derrière le vernis propret de pédagogues/bons citoyens, voulant (et oeuvrant pour) donner le meilleur aux générations futures - et se demandant bien comment tout pourrait mal tourner.
Un petit jeu de duplicité plein d'ironie et bigger than life, qui prend lentement mais sûrement le temps de dévoiler ses arcanes à l'écran dans sa première heure (les saillies humoristiques diluant un océan d'informations essentielles), avant de littéralement exploser dans une seconde moitié punitive et tragi-comique, ou le masque boursouflé de botox de Tassone tombe, et explose tout autour de lui.
Et c'est là où tout le propos moraliste du film prend toute sa saveur : qui est le plus à blâmer, l'homme qui croque le fruit défendu, parce que son salaire ne peut même pas lui permettre de vivre convenablement là où il vit ?
Cet homme qui n'a eu de cesse de pousser les jeunes à donner le meilleur d'eux-mêmes pour réussir ?
Ou les parents immensément riches, qui n'ont eu de cesse de lui demander des faveurs diverses, sans lui exprimer ma moindre gratitude ?
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Si Tassone et son assistante Pamela Gluckin ont volé des millions de dollars, ils ont également fait de Roslyn une école extrêmement réussie, et Bad Education, jamais didactique ni réducteur, s'échine tout du long à démontrer combien il est facile de juger les fautifs de prime abord, mais qu'il est moins évident de le faire, une fois que tous les tenants, et la froideur crasse et cynique de leur cadre installée, sont exposés à l'écran.
Les apparences sont trompeuses, et toute cette ambiguïté, cette duplicité des visages, est incarnée à la perfection par un Hugh Jackman transcendé et totalement conscient du rôle qu'il a entre les mains.
Il est le moteur vibrant et le pion essentiel de la réussite qu'incarne Bad Education, téléfilm HBO mais vrai morceau de cinéma puissant, grinçant et passionnant, qui n'aurait pas démérité de pointer le bout de son nez dans une salle obscure...
Jonathan Chevrier