[TOUCHE PAS NON PLUS À MES 90ϟs] : #95. Ôdishon
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Nous sommes tous un peu nostalgique de ce que l'on considère, parfois à raison, comme l'une des plus plaisantes époques de l'industrie cinématographique : le cinéma béni des 90's, avec ses petits bijoux, ses séries B burnées et ses savoureux (si...) nanars.
Une époque de tous les possibles où les héros étaient des humains qui ne se balladaient pas tous en collants, qui ne réalisaient pas leurs prouesses à coups d'effets spéciaux et de fonds verts, une époque où les petits studios venaient jouer dans la même cour que les grosses majors légendaires, où les enfants et l'imaginaire avaient leurs mots à dire,...
Bref, les 90's c'était bien, tout comme les 90's, voilà pourquoi on se fait le petit plaisir de créer une section où l'on ne parle QUE de ça et ce, sans la moindre modération.
Alors attachez bien vos ceintures, prenez votre ticket magique, votre spray anti-Dinos et la pillule rouge de Morpheus : on se replonge illico dans les années 90 !
#95. Audition de Takashi Miike (1999)
N'ayons pas peur des mots, le vénéré Takashi Miike est sans l'ombre d'un ombre d'un doute, le cinéaste le plus fou, prolifique (la barre des cent films est déjà atteinte...) et extravagant qui est venu bousculé de son talent le septième art de ses trente dernières années, tous genres et continents confondus.
Un touche-à-tout iconoclaste, qui a tellement aligné les péloches avec une frénésie proprement indécente - Woody Allen peut aller se rhabiller dix fois -, qu'il a sensiblement dû aborder tous les fronts et formats possibles, tant il est aussi à l'aise avec les petites productions bricolées qu'avec les grosses montures produits par les majors.
Un grand bonhomme qui ne semble vivre que pour tourner, et qui on l'espère, ne s'arrêtera pas tout de suite, surtout qu'il n'a pas perdu un iota de son mojo au fil des décennies, malgré quelques séances il est vrai, résolument plus mineures.
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Un génie, rien de moins, qui a su se frayer un chemin dans nos coeurs de cinephiles - mais surtout en Occident - grâce à Audition, une claque sans nom dont personne ne s'en est véritablement remis, tant elle arpente les tréfonds de l'âme humaine - et de la folie pure de son cinéaste - avec une telle crudité, qu'elle ne peut être qu'un choc pour tous ceux la découvrant pour la première fois (et encore plus pour ceux ayant eu la chance de ne pas avoir vu sa médiatisation accrue, nuir à son impact).
Expérience à part, d'une excellence indiscutable et proche des bandes hallucinatoires de David Lynch, dans le sens où elle vous ronge l'esprit comme une larve affamée même longtemps après sa vision, la péloche déjoue son faux statut d'histoire un brin proprette, pour asséner dans son dernier tiers à son auditoire, un coup de latte dans les valseuses comme jamais il en a reçu auparavant.
On y suit Aoyama, un producteur de films japonais solitaire et veuf qui vit seul avec son fils adolescent Tetsu.
Quand lors d'un dîner un soir, celui-ci lui qu'il commence à devenir vieux et qu'il devrait se remarier, Aoyama réfléchit à son conseil et le prend même très à cœur.
Avec l'aide de son poto Yoshikawa, il organise une audition de film, apparemment pour lancer un nouveau film, mais aussi et surtout pour trouver une nouvelle épouse.
Il est aussitôt frappé par la beauté d'Asami, dont le curriculum vitae décèle une terrible blessure qui a détruit sa carrière de ballet («C'était comme devoir accepter la mort», écrit-elle).
La sage et soumise Asami et la solitaire Aoyama se rencontrent, tombent amoureux et se retirent dans un hôtel de campagne, ou cette mystérieuse femme-enfant apparemment vulnérable, va enfin dévoiler sa véritable nature...
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Film d'horreur glacial à la violence jamais gratuite (qui ne répond a aucun standard), déguisé en une méditation profondément troublante sur la guerre entre les sexes - sombre et profondément sans espoir -, plus onirique que réel (tout est une question d'atmosphère chez Miike, et ici elle est absolument envoûtante), traitant en filigrane des thèmes chers de son cinéaste (la mort, la solitude, la famille,...); Audition est un regard cruel et lucide sur l'humanité, ou tout âme est corruptible et brisée, belle mais condamnée.
Un poème macabre apposé sur des sables mouvants ou la sensualité est autant plaisir que souffrance - extrême -, ou le plus inconfortable n'est pas forcément ce qui est montré à l'écran, même dans son climax à la perversité insoutenable.
Quand Takashi Miike nous fait descendre aux tréfonds des enfers, il s'applique en faisant du voyage une narration à la graduation terrifiante mais surtout, il prend volontairement (sadiquement est plus juste) son temps, pour être sûr que l'on en loupe pas une miette...
Jonathan Chevrier