[FUCKING SERIES] : 13 Reasons Why saison 4 : Au revoir à jamais
(Critique - avec spoilers - de la quatrième et dernière saison)
La dernière saison de 13 Reasons Why met (enfin) fin à l'histoire des ados déglingués et de moins en moins attachants de Liberty High, sur une note amère - mais pas abjecte, comme la saison 3 - , alors que sa spirale infernale est donc passé d'un drame adolescent controversé qui s'articule autour d'une conversation à coups de cassettes, à un un drama procédural, une vendetta mystérieuse involontairement tragique (comprendre : surtout risible et moralement douteuse) puis donc, une tentative inconsistante et oubliable de thriller psychologique... Une soupe peu trop indigeste, même pour un teen show fourre-tout.
Au cours des dernières années, il est devenu de plus en plus évident que Netflix pousse son contenu télévisuel dans un souci de quantité plutôt que de qualité, dès que la clochette du buzz ou du succès retentit un minimum.
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Toute série qui apporte un vrai retour sur investissement positif, que ce soit des distinctions (elles sont assez rares quand-même) ou un score de visionnage intéressant, obtient automatiquement un renouvellement, que les créateurs aient ou non un plan pour la saison suivante.
Soit l'élément souvent essentiel de la détérioration de la qualité d'une série, surtout quand celles-ci sont poussés au-delà de leur structure initiale, ou de leur accrocheuse premières salves d'épisodes (coucou House of Cards , Orange is The New Black ou encore Unbreakable Kimmy Schmidt).
Reste que dans les créations s'étant efforcées de prendre le plus vite possible la voie sans détour de l'indéfendable, 13 Reasons Why aura réussi le pari incroyable d'être la plus précoce d'entre-elles, entamant son walk of shame dès le virage de sa seconde saison entamée; un constant alors qu'elle termine ce qui peut être considéré comme une quatrième saison terrible, oubliable et inutile... comme ses deux précédentes aînées - surtout la plus récente.
Tournant autour de la dernière année du tristement célèbre bahut de Liberty High, chacun des personnages, qui se préparent à l'obtention de leur diplôme, tout en étant confrontés au stress, au SSPT et aux secrets d'une vie chargée et condensée en un peu plus d'une année de cours.
Et comme d'habitude, ils se battent, il y a du drame qui dégouline de partout et quelqu'un meurt, parce que le copie-calque éhonté prévaut bien plus qu'une quelconque quête de cohérence ou de fraîcheur dans le propos.
Tout bon teen drama se doit d'avoir des personnages forts et un ton un minimum cohérent, pour engager le spectateur à croire ou avoir un minimum d'empathie pour ce qu'il voit avec frénésie (binge watching) ou non, et le souci avec 13 Reasons Why est qu'elle a déjà atteint son point de non-retour, repoussant son échéance durant trois exténuantes saisons supplémentaires, démantelant ses figures fortes à outrance pour mieux en introduire d'autres férocement fades en cours de route.
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Sorte de thriller psychologique creux et sans inspiration, totalement tourné sur les délires de Clay, cette ultime saison embrasse pleinement tous les traumatismes imaginables pour les étudiants, que laissait transparaître la première saison, comme si le suicide d'Hannah les avaient tous condamnés à être maudits - surtout par leur stupidité, c'est vrai.
Ils souffrent continuellement d'hallucinations, d'attaques de panique, d'explosions de colère et de visites chez le psy (l'inestimable Gary Sinise, incarnant le seul positif de la saison); et les showrunner dépeignent leurs actions comme s'ils étaient des exemples pour leur auditoire ou pire encore, comme si chacun ne pouvait pas faire le mal (et s'ils le font, ce n'est pas de leur faute, les pauvres...).
Pourtant, cette ultime saison s'efforce réellement d'intégrer de nouveaux thèmes importants dans son message global - martelé au marteau piqueur -, que ce soit les ravages l'oppression (psychologiques et physiques), les traumatismes infantiles, le SSPT, les fusillades dans les établissements scolaires, la toxicomanie et les maladies en phase terminale, mais elle est tellement axée sur des personnages devenus vraiment peu aimables et empathiques, qu'elle ne parvient jamais à avoir un quelconque impact.
Dits personnages qui sont au final plus soucieux de la protection d'une loyauté factice visant à sauver leur peau, une sorte d'amitié malade qui détruit toute sorte de relation solide entre eux; comme si tout le monde avait ses propres conversations entre eux, plutôt que de créer une vraie bulle discussion commune sur leurs propres problèmes (Jessica est un oxymore, Alex passe d'ado touchant à plaintif et irrespectueux, mais la palme va à Clay, héros bâti sur un cycle répétitif de narcissisme, de romances ratées, d'attaques de panique et d'explosions de colère).
Et que dire des nouveaux arrivants, qui ne sont que des charges unidimensionnelles instantanément oubliables - à chaque saison -, et qui tentent vainement de remplacer des personnages originaux - disparus ou tués auparavant.
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Devenu littéralement obsolète et problématique dans son propos (l'utilisation irréaliste de l'excuse où les étudiants et les professeurs n'étaient pas au courant de chaque situation, comme si chaque personnage devenait aveugle, sourd et muet une fois la porte du lycée franchie), tant il n'y a plus rien à dire (ce qui n'empêche pas les showrunners de tirer la corde et de rendre les épisodes encore plus longs), et qu'il n'y a plus vraiment de place non plus pour grandir (que ce soit ses protagonistes, ou son spectateur qui ne peut plus vraiment s'y projeter de manière un tant soit peu saine); 13 Reasons Why se clôt donc dans la douleur et la déception, laissant un sentiment - ou plutôt une bonne tâche bien crasse - d'inachevé et même de vomis dans la bouche, quand on s'attarde sur l'attention épouvantable offerte à l'un des ses personnages phares.
Si le show à toujours envoyé un message terriblement sombre à son auditoire, il est pourtant aussi fascinant et déroutant de voir, qu'elle s'acharne à l'en " protéger " en l'alertant dans le générique de chaque fin d'épisodes.
Faîtes ce que je dis pendant dix secondes, mais point ce que je montre pendant cinquante minutes; on a connu plus problématique et non-sensique.. mais vraiment pas beaucoup.
Jonathan Chevrier