[CRITIQUE] : Don’t Let Go
Réalisateur : Jacob Aaron Estes
Acteurs : David Oyelowo, Storm Reid, Mykelti Williamson, Byron Mann,...
Distributeur : -
Budget : -
Genre : Thriller, Science-fiction
Nationalité : Américain
Durée : 1h43min
Synopsis :
Le détective Jack Radcliff reçoit un appel téléphonique de sa nièce, Ashley, récemment assassinée. A travers les univers parallèles, ils se battent pour résoudre le meurtre de l'adolescente avant qu'il ne puisse arriver...
Critique :
Avec un pitch très #FréquenceInterdite, #DontLetGo est une tambouille correcte qui réussit le paradoxe d'oublier d’être un récit policier quand il déploie son aspect fantastique...et d'oublier celui-ci quand il laisse de la place à l’intrigue pour qu'elle avance. (@CookieTime_LE) pic.twitter.com/LvrrcpVWem— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) June 3, 2020
Qui n’a jamais voulu remonter le temps pour empêcher un événement de se produire ? C’est la chance que donne Jacob Aaron Estes à son personnage principal dans son nouveau film Don’t let go, sorti le 1er juin en VOD.
Produit par Blumhouse Productions, Don’t let go nous propose un whodunit teinté de fantastique. Jack, un flic de Los Angeles et sa nièce Ashley s’entendent comme larrons en foire. Leur relation est fusionnelle et le début du film s’emploie à nous le démontrer. Le père d'Ashley (et frère de Jack), bipolaire et ex-drogué, a pris l’habitude de s’appuyer sur Jack pour s’occuper de sa fille. La première fois que le réalisateur les filme ensemble, c’est parce qu’Ashley a attendu que son père vienne la chercher, en vain. S’ensuit une séquence dans un diner, où Jack et Ashley jouent à un jeu, une habitude instaurée entre eux deux. Si Ashley venait à mourir prématurément, Jack ne s’en remettrait pas. Et cela va se produire…
C’est un mystérieux appel qui va mettre la puce à l’oreille de Jack, surchargé de travail. Ashley, paniquée, essaye de lui parler mais des interférences la coupent en pleine phrase. Interpellé, Jack se rend chez son frère et c’est un spectacle monstrueux auquel il a droit : une mare de sang. Ashley et sa mère, tuées par le frère de Jack, avant de se suicider. Après l’enterrement, Jack reçoit un appel de sa nièce. Impossible, il se croit fou. Mais après plusieurs appels, avec une personne qui a la même voix que sa nièce, il se fait une raison. Leur lien étrange se maintient d’une manière encore plus étrange. Par téléphone, Jack discute avec la Ashley d’il y a deux semaines, avant la catastrophe. En bon flic et parfait oncle, Jack veut à tout prix trouver le meurtrier (car il ne croit pas son frère coupable) et ainsi éviter le massacre.
Le double enjeu de Don’t let go est d’instaurer le lien surnaturel entre Jack et sa nièce, le rendre crédible tout en déployant son récit policier. Plusieurs questions en découlent : comment Jack et Ashley peuvent se parler, qui est derrière les meurtres ? Le film s’emploie donc à unifier tout cela. Si la deuxième question trouvera une réponse à la fin (on vous laisse le suspens), la première ne sera jamais réglée. Estes développe une des sept étapes du deuil, quand la culpabilité prend le dessus et que l’on prie pour une deuxième chance. Revenir en arrière et tout changer. De cette prémisse alléchante, au potentiel émouvant, elle devient insignifiante face aux exigences d’un récit policier, où chaque séquence doit apporter un indice. Ici, le temps est un facteur clef, les personnages n’en possèdent que très peu. Les plans ont alors un aspect d’urgence, qui ne laisse guère de place au lien sacré. Le scénario explore succinctement tout ce qui à trait aux différentes réalités et ne se pose qu’à un seul moment du film, où Jack et Ashley se retrouvent dans le diner du début, à deux semaines d’intervalle. La mise en scène se refuse à les mettre ensemble dans un même plan, parce qu’ils ne sont pas réellement ensemble à table. Le montage rend compte pourtant de leur proximité irréelle par un champ/contre-champ réussi. Ils seront réunis brièvement, derrière une vitre au loin, comme une vision, une hallucination. Derrière la caméra, nous retrouvons Sharone Meir (Whiplash), qui use de la caméra portée pour donner l’impression de sentir l’émotion de Jack et amplifier le sentiment d’urgence. Des plans larges quand Jack et sa nièce sont au téléphone ensemble, pour laisser la place visuellement au corps de l’autre, même s’il est techniquement impossible qu’ils soient réunis véritablement.
Avec un pitch solide (Fréquence Interdite de Gregory Hoblit avait déjà exploré le thème efficacement), Jacob Aaron Estes n’arrive pourtant jamais à approfondir son sujet au maximum. Don’t let go oublie d’être un récit policier quand il déploie son récit fantastique et oublie son aspect fantastique quand il laisse la place à l’intrigue d’avancer. Reste une séquence de fin où le film réunit enfin les deux trames, acmé d’une histoire prenante, manquant toutefois de sel, pour relever cette tambouille correcte mais fade.
Laura Enjolvy