[CRITIQUE] : Honey Boy
Réalisatrice : Alma Har'el
Acteurs : Lucas Hedge, Noah Jupe, Shia LaBeouf, Clifton Collins Jr, FKA Twigs, Maika Monroe,...
Distributeur : Amazon Prime Video
Budget : -
Genre : Drame
Nationalité : Américain
Durée : 1h45min
Synopsis :
Un biopic consacré au comédien Shia LaBeouf, centré notamment sur la relation compliquée de ce dernier avec son père, un ancien vétéran du Vietman confronté à des problèmes d'alcool et de drogue.
Critique :
Tourné avec assurance et une retenue rare, par une Alma Har'el (dont c'est le 1er long) s'effaçant subtilement derrière la puissance de son histoire, #HoneyBoy sonne autant comme un formidable et mélancolique drame, qu'une sorte d'auto-exorcisme par la création pour Shia LaBeouf. pic.twitter.com/lSQkeGc4V5— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) April 15, 2020
Jadis It-Boy que tout le monde s'arrachait, coqueluche du box-office avec la franchise Transformers avant de devenir l'un des visages les plus intéressants à suivre du circuit indépendant US - mais pas que -, circuit indé ou il brigue un statut on ne peut plus abstrait dans le septième art (et même le star-système mondial), Shia LaBeouf est un diamant brut au caractère méchamment trempé; une figure singulière aussi fascinante qu'elle est troublante.
Accusations de plagiat, annonce de pseudo-retraite, caprice d'ancien enfant-star, l'acteur au nom si atypique navigue depuis quelques années dans les eaux troubles de l'arrogance (voire même du narcissisme pur) et de l'autoflagellation, une aventure expérimentale et punitive qu'il s'inflige volontairement et dont on se demande si elle est pensée - comme celle de Joaquin Phoenix via son I'm Still Here -, ou totalement improvisée.
Reste qu'une fois devant une caméra, le bonhomme assure en crashant toutes ses tripes, et même plutôt deux fois qu'une.
Alors imaginez son degré d'implication, quand il assume la double casquette de comédien et de scénariste, au coeur d'un projet semi-autobiographique.
Amazon Studios |
Sobrement intitulé Honey Boy, et estampillé premier long-métrage de la talentueuse documentariste Alma Har'el (Bombay Beach), la péloche se veut comme un fantastique conte biographique et initiatique sur le dur passage à l'âge adulte, accoudé à un encaissement difficile du star système; une peinture honnête sur une vie fracturée, mais en passe d'être reprise en main.
Se déroulant comme une pièce de théâtrale comico-tragique en deux actes, la péloche suit la vie professionnelle et intime de LaBeouf de bout en bout, basculant entre ses 12 ans et ses 22 ans, au travers du personnage d'Otis, môme précoce devenu adulte en conflit avec lui-même et en plein centre de réhabilitation (un événement qui fait écho avec l'arrestation publique de LaBeouf ivre à mort, en 2017); un rapport intimement troublant entre l'art et la réalité totalement volontaire - il est impossible de dissocier Shia d'Otis, et inversement -, qui démontre que le film ne veut absolument pas que nous nous déconnections des deux... et c'est tant mieux.
Forcé, au présent, d'écrire sur son passé, un exercice aussi thérapeutique et douloureux que charnière pour l'intrigue, puisqu'il ouvre un portail sur sa mémoire, et c'est dans celle-ci que se plonge le métrage, pour trouver un équilibre aussi précaire que virtuose, entre la mise en images d'une relation père/fils déséquilibrée et traumatisante (les meilleurs moments), ou l'insécurité affective est une bombe qui menace constamment d'imploser (entre un enfant qui rêve que son père prenne soin de lui, et un père tiraillé entre l'envie de participer pleinement dans le succès de son fils, et la peur de tout détruire); et celle d'un jeune homme éprouvé et lessivé, qui définit comme un " égocentrique avec un complexe d'infériorité ", et qui cherche à assembler les pièces du puzzle bordélique de son existence.
Un môme qui doit accepter/encaisser le penchant auto-destructeur de son père, et un jeune adulte qui doit le pardonner.
Amazon Studios |
Tourné avec assurance et une retenue rare (même si l'on trouve quelques douces envolées poétiques et naïves en cours de route), par une Alma Har'el s'effaçant subtilement derrière la puissance de son histoire, pour mieux capturer avec délicatesse la vérité des relations entre les personnages (par sa direction, elle laisse suffisamment d'espace, même émotionnel, à Lucas Hedge, Noah Jupe et même Shia LaBeouf, pour nous mettre chaos), prouvant que son passé de documentariste est un plus indéniable (la faculté de brillamment raconté la vie des autres); Honey Boy sonne autant comme un formidable et mélancolique drame, qu'une réconciliation sur pellicule pour LaBeouf (comme s'il avait enfin prit le temps de se réconcilier avec lui-même et son père, de mieux le comprendre et se comprendre), une sorte d'auto-exorcisme par la création, ne jouant jamais la carte de la justification publique putissière.
Diamant brut à tous les niveaux (la réalisation, l'histoire, la photographie ou encore le jeu des acteurs, tout est d'une brutalité pure et formidable), plein de chaleur, d'honnêteté, d'intelligence et de vulnérabilité, sur des personnages empathique car émotionnellement incomplets, compliqués et désordonnés.
Une belle claque captivante qui taquine notre corde sensible, et qui nous hante encore longtemps après sa vision.
Jonathan Chevrier