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[C’ÉTAIT DANS TA TV] : #16. Boy meets world

LIONSGATE HOME ENTERTAINMENT

Avant de devenir des cinéphiles plus ou moins en puissance, nous avons tous été biberonnés par nos chères télévisions, de loin les baby-sitter les plus fidèles que nous ayons connus (merci maman, merci papa).
Des dessins animés gentiment débiles aux mangas violents (... dixit Ségolène Royal), des teens shows cucul la praline aux dramas passionnants, en passant par les sitcoms hilarants ou encore les mini-séries occasionnelles, la Fucking Team reviendra sur tout ce qui a fait la télé pour elle, puisera dans sa nostalgie et ses souvenirs, et dégainera sa plume aussi vite que sa télécommande.
Prêts ? Zappez !!!

 


#16. L'Incorrigible Cory / Boy Meets World (1993 - 2000)


Si beaucoup ont une tendance un brin facile, à fustiger la programmation il est vrai limitée - pour le moment - de Disney Plus, gageons que des âmes bien moins difficiles, et ayant pleinement pris conscience du catalogue (aussi), sauront vite se contenter de ce gros appel à la nostalgie que la plateforme incarne, et elles ne bouderont décemment pas leur plaisir à retrouver ce qui avait pu embellir leur enfance télévisée.
Passages obligés pour tous les passionnés de télévision en herbe nés au coeur des 80's/90's, les sitcoms furent non seulement un puits de réjouissance inépuisable, mais surtout le terreau parfait pour passer le temps en se bidonnant comme des malades et provoquer même parfois, un doux sentiment d'empathie et de projection : Parker Lewis ne perd jamais, Notre Belle Famille, La Vie de Famille, La Fête à la Maison, Sabrina l'apprentie Sorcière, Sauvés par le Gong ou même L'Incorrigible Cory, qui à la différence des premières, résolument axées pour un public plus adulte (ou adolescent pour Parker), parlait justement au gamin que nous étions, avec un héros pas si éloigné de nous. 

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Soit Cory Matthews (Ben Savage), un pré-ado passionné de sports (il est accro aux Phillies de Philadelphie) se dirigeant tranquillement mais sûrement vers le difficile passage à l'âge adulte, et dont le quotidien est régulé telle une horlogerie suisse, entre des conneries bigger than life (impliquant souvent son voisin et professeur, M. Feeny) et une confusion totale pour la quasi-totalité des aspects de la vie.
Et c'est là que le show de Michael Jacobs touchait au plus près sa cible, dans sa mise en images drôle et sérieuse à la fois, des angoisses quotidiennes rencontrées par Cory, qui semblaient toujours être tirées d'expériences adolescentes réelles.
Et si l'on était peut-être trop jeunes à l'époque, pour déceler la subtilité de certains gags au fil des sept saisons, un rewatch tout récent, rassure sur la richesse flamboyante de son humour mais aussi sur la justesse de son exploration enfantine.
Mélange cotonneux de tendresse chaleureuse et de conscience de soi rusée, n'hésitant pas à plonger tête la première dans de la folie pure - comme Parker Lewis, en moins décomplexé et singulier tout de même -, Boy Meets World charrie tellement de bons souvenirs (à la différence de La Vie de Famille, ou les humiliations successives de Steve Urkel sont bien moins risibles avec le poids des années) et un esprit tellement old school, quelle rendrait presque caduque ou même absolument ridicule, tout ce que la décennie suivante a pu produire sur le sujet - Hannah Montana en tête. 

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Ni trop cool ni trop brillant, tout aussi déconcerté et intrigué par le monde extérieur que n'importe lequel des téléspectateurs vissés devant la télévision, Cory avait tout du gamin rafraîchissant et réaliste ultime : personne ne voulait lui ressembler car tout le monde était déjà comme lui, sorte de Richie Cunningham saupoudré d'une toute petite pointe de Zach Morris.
Idem pour son BFF Shawn (qu'on peut penser comme une version jeune de Mickey Randall), dont l'amitié et la loyauté - le coeur émotionnel vibrant du show, de bout en bout - ne sera jamais plombé par la love story entre Topanga et Cory; une relation pas toujours cohérente, mais dont le concept d'âmes soeurs incontestées aura vite su se hisser comme l'une des valeurs ajoutés de la série.
Totalement concentré sur ses héros titres (à tel point que la majorité des seconds couteaux seront interchangeables au fil des saisons) dont les relations poussent à l'identification, étonnamment consciente d'elle-même tant elle s'échinera tout du long à s'amuser avec les contraintes de ses intrigues (quitte à n'avoir aucune peur d'être incohérente), la série tient toujours furieusement la route même plus de deux décennies plus tard, notamment dans les thèmes importants abordés (la pauvreté, l'intimidation, les stéréotypes, le sexe, l'adoption, la violence domestique et même le mal-être sur le lieu de travail), et dont la pertinence est encore intacte. 

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Mais ce qui en fera toujours un show spécial aux yeux de ses aficionados, c'est la manière dont les showrunners se sont évertués à soigner l'écriture de ses personnages, et de donner du corps pour que ses comédiens aient suffisamment de latitude pour les rendre attachants et humains.
Cory/Ben Savage avait beau être le héros, c'est avant tout par sa capacité à allier humour et maladresse qu'il a su conquérir le public et le coeur de la belle Topanga (dont on est tous, nous aussi, tombés amoureux), dans une relation complémentaire et fusionnelle qui les poussent tous les deux à grandir (elle défie ses convictions et l'aide à s'ouvrir aux choses, il lui offre un équilibre et une sérénité); si Shawn était si fascinant, c'est parce qu'il était un rebelle qui luttait continuellement avec sa propre personnalité, un ado qui peine à trouver sa place et qui n'a jamais peur de montrer sa vulnérabilité (le seul phare de son existence, à défaut d'avoir une famille stable, et son amitié avec Cory).
Mieux, plus qu'un simple voisin/professeur aigri, M. Feeny (formidable William Daniels), est un homme strict mais savoureusement sarcastique, qui ne peut s'empêcher d'avoir un faible pour son élève (à qui il donne de nombreuses leçons de vie pas toujours - jamais - assimilés); et que dire de Cory, Eric, sorte de mentor au grand coeur, qui séduit aussi facilement la gente féminine qu'il se débat avec le système scolaire.

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Bien quelle vogue dans une sphère de télévision souvent grossière et caricaturale - et encore plus quand on regarde les sitcoms actuelles -, L'Incorrigible Cory a su trouver un équilibre entre un humour cocasse et jamais moqueur, et une émotion authentique, mais surtout à rendre constamment empathique un héros avec qui l'ont partage, même encore aujourd'hui et loin des années collèges/lycées, cette frustration grisante de ne pas avoir toutes les réponses aux questions que la vie nous pose.
Merci à Disney Plus d'avoir fait marché la DeLorean sans Doc Brown, et de nous aider à retomber si tendrement dans notre enfance...


Jonathan Chevrier