[CRITIQUE] : L’état sauvage
Réalisateur : David Perrault
Acteurs : Alice Isaaz, Kevin Janssens, Déborah François, Bruno Todeschini,...
Distributeur : Pyramide Distribution
Budget : -
Genre : Western, Romance
Nationalité : Français
Durée : 1h58min
Synopsis :
Etats-Unis, 1861, la guerre de Sécession fait rage. Une famille de colons français décide de fuir le Missouri où ils vivent depuis 20 ans. Edmond, Madeleine et leurs trois filles doivent traverser tout le pays pour prendre le premier bateau qui les ramènera en France. Victor, ancien mercenaire au comportement mystérieux, est chargé de veiller à la sécurité du voyage....
Critique :
Unique en son genre, #LEtatSauvage est muni d’une ambition à toute épreuve, qui lui évite d’être une catastrophe totale, la faute à un montage dissonant et une écriture des personnages féminins faussement féministe. (@CookieTime_LE) pic.twitter.com/f6kRI0hnH3— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) February 27, 2020
Après le discret Nos héros sont morts ce soir, David Perrault nous revient en salle avec son nouveau long-métrage, L’état sauvage, un western pendant la guerre de Sécession, où il s’intéresse à des français qui sont dans l’obligation d’entamer un long voyage pour rentrer dans leur pays d’origine, au vu de la menace que représente les nordistes. Un point de vue inédit sur cette guerre représentée mainte fois au cinéma. Le cinéaste décide également de mettre des jeunes femmes en avant, surtout un de ses personnages principaux, Esther (Alice Isaaz). Autre point inédit, pour un genre très masculin, où les femmes sont soit objectivées, soit des “Calamity Jane”, qui refusent toute féminité. Cela reste très paradoxal, quand on sait que les femmes sont souvent les premières victimes des bandits dans le genre western. Ont-elles droit à l’émancipation, à vivre leur vie comme bon leur semble ? Il semblerait que oui pour Perrault, pour qui l’idée principale était d’emmener un groupe de femme dans les vastes plaines américaines, fuir un modèle de société qui les muselle. Un programme alléchant.
Quand est-il cependant ? Si nous ne pouvons pas nier la qualité formelle de l’oeuvre, où l’ambition marque le visuel, qui rend justice aux paysages (grâce à l’excellent travail du chef opérateur Christophe Duchange), L’état sauvage souffre d’une écriture non-aboutie et d’un rythme décousu, qui empêche les rares scènes d’action à avoir un impact sur la narration. Pourtant, sur le papier, David Perrault avait tout bon. La base de son histoire tout d’abord, qui illustre d’une manière originale une guerre que tout le monde connaît. Le cinéaste expose des français, pour qui la guerre ne les concerne en rien, à une menace, qu’ils ne prennent tout d’abord peu au sérieux. La menace est surtout adressée aux femmes. La mère, Madeleine (Constance Dollé) est la première à s’en rendre compte quand elle se retrouve, dans les mains, avec un décret qui la met, ainsi que ses filles en danger. Le cinéaste en fait son point d’orgue. Ce départ précipité, pour une question de sécurité, cache une volonté d’émancipation représentée par la plus jeune des sœurs, Esther. Ses sœurs aînées Abigaelle et Justine (respectivement Maryne Bertieaux et Déborah François) se contentent de la place qu’elles ont dans la société bourgeoise de leur père. Justine est très maternelle envers ses petites sœurs, surtout envers Abigaelle qui est sur le point de se marier. Esther, au contraire, rejette ce monde qui l’enferme. Elle se réfugie dans le romantisme littéraire (elle lit Le lys dans la vallée de Balzac pendant la traversée) et dans les contes vaudou que lui raconte la domestique de la famille, Layla (Armelle Abidou). Esther ne tient pas en place dans la maison, elle ne fait que parcourir les plans, s’en va et revient, regarde souvent l’extérieur du cadre. Le personnage veut s’enfuir, de la maison et de la mise en scène. Ce voyage vient à point nommer. Cela lui fait rencontrer le mystérieux Victor (Kevin Janssens), le personnage typique du western, un cow-boy solitaire, au lourd passé sombre. Petit à petit les carcans tombent. Layla se libère de la domesticité et ne cache plus l’histoire d’amour qu’elle partage avec son employeur, Edmond (Bruno Todeschini), Esther cesse de cacher son besoin d’indépendance et son désir pour Victor, Justine se dévoile. Le road-trip est bénéfique pour les femmes, mais l’est peu pour les hommes, qui payent les conséquences de leur choix, au lieu que ce soit les femmes, comme le voulait l’habitude patriarcale.
Pourtant, malgré des bonnes intentions, le film est plombé par une écriture plate, qui reprend beaucoup de clichés pour caractériser ses personnages féminins. L’état sauvage frôle parfois le ridicule, quand il essaie de monter les femmes les unes contre les autres, pour un homme la plupart du temps, dans un trope éculé, qu’on ne voudrait plus voir. Le film ne sait jamais quelle direction prendre, entre un univers sombre très imagée (ce qui en soit donne les meilleures séquences du film), et un ton réaliste, pour exposer la guerre de Sécession, ainsi que les enjeux très superficiels (la fuite et l'assaut des bandits). De plus, la guerre n’est qu’un banal prétexte, car une fois parti, il n’en sera plus jamais question, perdant ainsi la menace qui pesait sur les protagonistes (et donc tout l'intérêt du film). Les bandits, nouveaux écueils, sont cependant très bénins. Bettie (Kate Moran) n'apparaît jamais comme dangereuse, faute à une écriture paresseuse, qui fait d’elle un personnage hystérique, plus prompt à crier son amour pour Victor, qu’à vraiment vouloir du mal à la troupe en voyage.
Unique en son genre, L’état sauvage est muni d’une ambition à toute épreuve, qui lui évite d’être une catastrophe totale. Cependant, le film s’enfonce petit à petit dans les clichés, faute à un rythme paresseux et un scénario qui utilise trop de poncifs pour se démarquer véritablement.
Laura Enjolvy