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[CRITIQUE] : Amare Amore


Réalisateur : Julien Paolini
Acteurs : Syrus Shahidi, Virginia Perroni, Celesete Casciaro, Tony Sperandeo,...
Distributeur : DHR distribution / A Vif Cinemas
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Français, Italien.
Durée : 1h30min.

Synopsis :

Gaetano, jeune homme taciturne, vit au chevet de son père dont il gère seul la boulangerie. Malgré le succès de ses baguettes, le jeune français né de mère sicilienne n’a jamais été intégré par la communauté du petit village sicilien. Lorsque son frère aîné, truand notoire, décède au cours d’un crime vengeur qu’il provoque en causant la mort de deux personnes, Gaetano choisit d’assumer ses responsabilités familiales et de l’enterrer près de sa mère. Mais sur l’île, le poids de la tradition est omniprésent. La maire, Enza, fait régner la loi comme une baronne de la pègre. D’après la tradition les gens de mauvaise nature ne peuvent être enterrés près des honnêtes gens. Elle refuse l’accès au corps à Gaetano. Un différend envenimé par l’amour fou qu’éprouve Anna, la fille d’Enza, pour Gaetano. Embrassant sa cause, elle encourage son petit-ami à aller au bout de sa mission, quitte à se mettre en danger lui et les siens.

 

Critique :


Qu'ils soient d'une flamboyante réussite ou proprement insipides, les premières réalisations sont toujours plus ou moins frappées par le sceau rafraîchissant de la nouveauté, de cette petite excitation face à la possibilité de découvrir l'un des potentiels grands cinéastes de demain.
Et justement, passé la symphonie rutilante et en prout majeur de divertissements US - mais pas que - ne répondant pas forcément à toutes les attentes de tout bon hiver des blockbusters qui se respecte, le cinéma FR en collaboration avec son voisin italien, dégaine habilement une belle cartouche juste avant que la fin des vacances ne pointe définitivement le bout de son nez : Amare Amaro, premier passage derrière la caméra de Julien Paolini, adoubé par de nombreux festivals (Cognac en tête, Grand Prix oblige).


© La Réserve

Furieusement indépendant dans l'âme, et méchamment accouché dans la douleur (il a failli ne jamais voir le jour), le film incarne une relecture habile et rondement mené du mythe d'Antigone, transposée dans les rues tristes et sombres d'une Sicilie à la complexité fascinante.
On y suit l'histoire bouleversante de Gaetano, jeune boulanger taciturne qui n'a jamais vraiment été intégré à la petite communauté qu'incarne le village sicilien ou il gère la boulangerie familiale.
Son destin va être bouleversé le jour ou son frère - véritablement truand de profession - se fait assassiné.
Si lui décide, à raison puisqu'il est, aussi criminel soit-il, un membre de sa famille, de tout faire pour qu'il soit enterré auprès de sa mère, il est pourtant vite confronté à une vision plus traditionnelle et dominante, Enza, mère du village qui elle souhaite - exige pour être plus honnête -, faire appliquer avec force les valeurs culturelles du village (et de facto éviter une supposée malédiction), et empêcher que le bonhomme soit enterré proche d'une " bonne personne ".
Dès lors, un combat s'engage, ou Gaetano va mettre en danger sa propre personne, mais aussi les siens...
Interrogeant subtilement le thème de l'intégration et de la place de " l'étranger " dans une communauté ou l'acceptation est difficile - voire impossible - à obtenir, confrontant les principes intimes (modernes) et les liens du sang à la tradition (passéiste, entre habitudes dépassées et croyances diverses), tout en faisant grimper crescendo sa tension dramatique comme toute pure tragédie qui se respecte, Amare Amore trouble par la justesse et l'audace de son ambitieux aussi narrative (Paolini s'amuse à mélanger les genres, du polar noir au drame familial, en passant par la comédie burlesque et le quasi-western urbain) que factuelle (superbe photographie de Tristan Chenais, qui laisse éclabousser la beauté).


© La Réserve

Sans trembler, Julien Paolini trouve une résonnance toute particulière dans l’universalité des textes antiques, pour son exploration des thèmes du deuil, de la famille et de l'immigration, au sein d'un premier essai certes un brin perfectible (tout premier film n'est jamais parfait), mais d'une richesse étonnante, à l'interprétation éclatante (immense Syrus Shahidi, délicate Virginia Perroni).
La naissance, peut-être et on l'espère, d'un des futurs grands cinéastes de demain.


Jonathan Chevrier