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[CRITIQUE] : It Must be heaven


Réalisateur : Elia Suleiman
Acteurs : Elia Suleiman, Gael Garcia Bernal, Tarik Kopty, Kareem Ghneim, ...
Distributeur : Le Pacte
Budget : -
Genre : Comédie, Drame
Nationalité : Français, Quatarien, Allemand, Canadien, Turc, Palestinien
Durée : 1h42min

Synopsis :
ES fuit la Palestine à la recherche d'une nouvelle terre d'accueil, avant de réaliser que son pays d'origine le suit toujours comme une ombre. La promesse d'une vie nouvelle se transforme vite en comédie de l'absurde. Aussi loin qu'il voyage, de Paris à New York, quelque chose lui rappelle sa patrie.
Un conte burlesque explorant l'identité, la nationalité et l'appartenance, dans lequel Elia Suleiman pose une question fondamentale : où peut-on se sentir " chez soi " ?



Critique :


Il existe toujours un film qui semble différent dans une sélection, en l'occurrence celle du dernier festival de Cannes. Après dix jours de compétition, les festivaliers ont pu bénéficier d’un grand bol d’air frais grâce au réalisateur Elia Suleiman et son film It Must be heaven, d’un ton absurde drôle et décalé, qui dénote par rapport au drame intime ou sociétal qui a parsemé la sélection. Le jury a d’ailleurs voulu rendre hommage à ce drôle de petit film avec un prix spécial. Dix ans après Le temps qu’il reste, le cinéaste se met en scène de nouveau et se place en spectateur du monde qu’il l’entoure.
Si le questionnement de notre place dans le monde, de la recherche de son chez-soi par le voyage n’est pas nouveau, Elia Suleiman l’exploite avec sa patte artistique, un style tout personnel, qui tend vers le film burlesque, un côté absurde et surtout un talent certain pour le comique de répétition. On pense notamment à du Jacques Tati, évidemment, mais il ne faut pas faire l’erreur d’enfermer It Must be Heaven dans cette comparaison, car le film est imprégné de la présence de Suleiman, littéralement puisqu’il est présent (presque) à chaque plan.


Vivre à Nazareth, sa ville natale, n’est pas de tout repos, si l’on en croit le cinéaste. Les traditions religieuses ne sont plus prises au sérieux (comme nous le montre la séquence de début), son espace personnel est pris d’assaut par son voisin, qui ne se gêne pas pour s’introduire dans son jardin pour lui piquer des citrons, tailler son citronnier, l’arroser aussi parfois, sous l’oeil ahuri de Suleiman. Même boire un verre n’est plus relaxant, dans une scène très drôle et ironique, où l’expression “un regard qui tue” n’a jamais été aussi bien montrée à l’écran. Qu’à cela ne tienne, Suleiman décide de voyager. Pas vraiment des vacances ceci-dit, car il ira à Paris et à New York dans le but de proposer un scénario de son prochain film, pas assez palestinien aux yeux des producteurs car son film parle de paix. Plus qu’un touriste, le réalisateur filme ces deux villes, terre d'accueil, comme on ne les a jamais vu. Avec bienveillance, teintée de moquerie cependant, il arrive à mettre le doigt avec humour sur les qualités et les défauts de ces immenses villes dont le vide humain est manifeste.


Le burlesque est renforcé par la bonne idée du film qui est le quasi silence de son personnage. Ce qui donne des scènes où tout passe par les regards et les gestes, un langage universel. La parole est peu présente, elle laisse place aux images de s’exprimer encore mieux. C’est en cela que It Must be Heaven trouve sa force, grâce à ce que la caméra capte. Et niveau mise en scène, le cinéaste a compris la seule chose importante au cinéma : où poser sa caméra. Ici c’est simple, Suleiman est la caméra, car tout passe par son regard. Le film pourrait devenir une leçon sur l’importance du cadre et le point de vue. Par ses yeux, Paris devient une ville fantôme, où rouler de partout (avec des trottinettes ou autre) devient une sorte d'obsession, autant pour les usagers que pour les forces de l’ordre. New York devient l’antre des armes à feux, devient un conducteur de taxi tellement étonné de voir un vrai palestinien qu’il lui offre la course. D’ailleurs, les seuls mots que prononce le cinéaste sera le nom de sa ville natale, Nazareth et sa nationalité “I’m Palestinian”. Il se rend compte que son pays ne le quitte pas, le suit, constatant que chaque pays à sa propre bizarrerie, sa propre violence.


Si le cinéaste a perdu un peu de sa colère, il garde cependant sa conception de la poésie cinématographique, un humour absurde, quoique teinté de mélancolie. It Must Be Heaven ne se passe qu’à moitié en Palestine, pourtant l’amour que lui porte Suleiman transpire chaque plan. Il n’existe pas beaucoup de réalisateur comme lui, qui porte un regard attendri sur le monde, cherchant la magie et la poésie là où on ne ne penserait pas la trouver.


Laura Enjolvy

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