[CRITIQUE] : Swallow
Réalisateur : Carlo Mirabella-Davis
Acteurs : Haley Bennett, Austin Stowell, Denis O'Hare...
Distributeur : -
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Américain, Français.
Durée : 1h34min.
Synopsis :
Hunter semble mener une vie parfaite aux côtés de Richie, son mari qui vient de reprendre la direction de l’entreprise familiale. Mais dès lors qu’elle tombe enceinte, elle développe un trouble compulsif du comportement alimentaire, le Pica, caractérisé par l’ingestion d’objets dangereux. Son époux et sa belle-famille décident alors de contrôler ses moindres faits et gestes pour éviter le pire : qu’elle ne porte atteinte à la lignée des Conrad… Mais cette étrange et incontrôlable obsession ne cacherait-elle pas un secret plus terrible encore ?
Critique :
En usant du trouble Pica comme d'une métaphore douloureusement évocatrice, #Swallow est un thriller surprenant, percutant mais surtout sincèrement osé, sur la libération cathartique qu'un mal peut donner à une âme qui ne demande ni sympathie, ni pitié ni même notre compréhension. pic.twitter.com/UelvjSR60b— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) September 10, 2019
Au-delà d'incarner le doppelgänger sensiblement troublant de Jennifer Lawrence (comparez-les, nous ne sommes pas fou), Haley Bennett est, sans doute, l'un des visages féminins les plus prometteurs du cinéma ricain, elle que l'on a découvert il y a un tout petit peu moins de dix ans maintenant, dans le cinéma si singulier mais attachant du génie Gregg Araki - le bouillant Kaboom.
Pas toujours considéré à sa juste valeur, mais capable d'alterner les rôles divers et variés avec une certaine aisance (du drame labyrinthique à l'actionner burné en passant par le western crepusculaire et sanglant), elle nous revient par la grande porte de deux festivals hexagonaux importants - Deauville et l'Étrange Festival - en tant que lead d'un thriller domestique corsé, Swallow, premier long écrit et réalisé par Carlo Mirabella-Davis, et inspiré d'une histoire vraie (celle de la vie de la grand-mère du cinéaste).
Engoncé dans un univers à la nature hermétiquement fermée du monde qui alimente l’ambiance fable-feerique d'une princesse des temps modernes au quotidien creux, flanquée de force dans une prison de verre où elle suffoque de l'intérieur, le cinéaste distille une horreur minimaliste et franchement gênante - parce que réaliste - en usant du syndrome Pica (un trouble du comportement alimentaire caractérisé par l'ingestion durable de substances non nutritives et non comestibles : terre, craie, sable, papier, plastique, piles, etc...), comme d'une métaphore douloureusement évocatrice d'une desperate housewife attachante, luttant intimement contre le patriarcat et un passé douloureux; tout en lui préférant une oscultation plus psychologique (plus facile) que médical (plus complexe).
Un choix culotté mais au final profondément salvateur tant il s'accroche à un événement heureux - être enceinte -, pour en faire le catalyseur d'une tragédie sans nom.
Tout comme Safe de Todd Haynes (dont c'était également le premier long), qui faisait d'une supposée névrose une vraie peur généralisée et tétanisante, Swallow incarne une expérience radicale qui sort durablement son auditoire de sa zone de confort au coeur d'un désordre supposément compulsif, pour mieux lui jeter au visage une critique acerbe et affûtée sur la condition féminine dans la société contemporaine.
Ici la fragilité bouleversante d'une femme devenue impuissante par la force d'un mariage extérieurement idéal, et dont les actes d'autodestruction sont montrés avec une perversité aussi habile que diabolique, jusqu'à un final où l'on comprend - que l'on accepte ou non la compulsion -, le désir d'émancipation de l'héroïne, et sa volonté désespérée de reconquérir comme elle le peut (même de la plus horrible des manières) son indépendance perdue.
Porté par une Haley Bennett absolument habitée et phénoménale, Shallow croque un thriller dramatique surprenant, brillant mais surtout sincèrement osé, sur la libération cathartique qu'un syndrome peut donner à une âme de porcelaine qui ne demande ni sympathie, ni pitié et encore moins notre compréhension : si elle ne contrôle pas sa contrainte ni son corps, personne d'autre ne le fera.
Une manière extrême, voire totalement controversée, de se rappeler qu'elle est toujours en vie, et que son corps est... son corps : un message supposément simple, mais pourtant d'une complexité rare sous ses douloureuses coutures.
Jonathan Chevrier
Swallow est le film auquel l’adjectif « viscéral » va le mieux. Son sujet, la compulsion à avaler de petits objets, y est traité frontalement et sans œillères, sans échappatoire possible aux spectateurs assistant à la névrose d’une femme oppressée. Son héroïne, interprétée magistralement par Haley Bennett se livre entièrement, forçant la compassion immédiate et donc la douleur encore plus violente au travers des plans du film. Les décors et l’image froide, bleue contrastent avec la liberté de l’en-dehors de la maison des jeunes époux. La musique tout à tour inquiétante ou joyeusement routinière se marie parfaitement au ressenti de cette jeune femme au foyer à la créativité bridée par un mari macho à l’extrême.
Plus qu’un thriller corporel, Swallow est un parcours de femme, de l’enfermement à la compulsion, d’une histoire familiale difficile à l’autre. Malgré une pathologie peu répandue, le film est suffisamment bien construit pour aborder des thématiques universelles et largement féministes : le retour au foyer, les relations de couple, la famille, le pardon… qui prennent au ventre (littéralement) et émeuvent. Le fait que le metteur en scène se soit inspiré de l'histoire de sa grand-mère n'y est sans doute pa étranger, et ainsi, contre toute attente, Swallow est l’un des films les plus touchants de cette rentrée.
Léa