[FUCKING SERIES] : Jessica Jones saison 3 : This is the End...
(Critique - avec spoilers - de la saison 3)
En 2016, on louait tous ou presque, la performance loin d'être anecdotique, de Netflix a avoir offert un écrin d'exception à certains des superhéros les plus complexes et fascinants du giron Marvel, pour qu'ils puissent s'exprimer dans des shows à leurs images, certes pas toujours défendable (Iron Fist et... c'est tout), mais infiniment passionnant à suivre dans leur souci de se démarquer du commun des shows estampillés MCU ou DC.
Trois ans plus tard, l'univers partagé des Defenders arrive déjà à son terme de manière totalement inexplicable vu le succès avéré de certains des shows (Daredevil en tête), un décès improbable et douloureux que l'on a longtemps imputé à la maison-mère Disney, qui pouvait décemment rapatrier tous ses droits de production pour proposer une tonne de séries sur sa future plateforme de sterling Disney +, sauf que... aucune annonce n'a été faîte depuis, laissant gentiment au placard Luke Cage, Matt Murdock et Jessica Jones, dont les derniers épisodes nous sont offerts ce week-end, à quelques heures du début d'un été où Netflix vibrera uniquement ou presque, pour la saison 3 de Stranger Things.
Certes un poil en dessous de la référence Daredevil (qui aura su à lui seul, ringardiser tous les shows super-héroïques toutes chaînes confondues), mais avec plusieurs coudées d'avance sur ses amis The Defenders, Luke Cage et Iron Fist (surtout), les premières - et solides - salves d'épisodes de la série Jessica Jones nous avait autant étonnement séduit (parce qu'elle ne ressemblait à aucune autre série du genre, et prônait joliment la diversité) que fait tomber in love de l'héroïne du même nom, super nana un brin alcoolique, solitaire et cynique, au passé compliqué et douloureux - et le mot est faible -; une VRAIE figure féminine émouvante et forte, une survivante impulsive de la dureté de la vie campée à la perfection par une Krysten Ritter captant à merveille l'essence même du personnage.
Et si l'on pouvait reprocher quelques maladresses/longueurs dans leur construction, sorte de jeu du chat et de la souris souvent complexe entre JJ et le vilain Kilgrave tout droit sortie d'un film noir de l'âge d'or Hollywoodien pour la première, s'offrant le luxe d'aborder des sujets puissants et inédits (le trouble de stress post-traumatique, le viol, la manipulation toxique masculine dont le traitement juste et nuancé à un impact encore plus fort aujourd'hui après l'affaire Weinstein...) et une étude du passé de l'héroïne et la tentative de dévoiler le mystère entourant ses pouvoirs dans la seconde (tout en s'échinant à nous faire découvrir une autre facette de plusieurs personnages que l'on pensait pourtant connaître), questionnant notamment, comme DD, la moralité du statut de superhéros et les conséquences de l'usage de ses pouvoirs), sans pour autant brader son aspect de " série détective "; autant l'avouer tout de suite : on attendait avec une impatience non feinte cette ultime saison, qui aura mis deux bonnes années bien tassées avant de pointer le bout de son nez.
Contre toute attente, et même si la production s'est vue gentiment perturbée par l'annonce successive des annulations des autres shows Marvel-Netflix, cette ultime saison de JJ tient férocement la route et s'avère cohérente de bout en bout, tant elle réunit le meilleur des deux premières saisons pour incarner un tout particulièrement grisant, où Jessica renoue avec son statut de détective, aux côtés d'une Trish (Rachael Taylor, excellente) qui va peu à peu laisser exploser ses pouvoirs, et le côté sombre de sa personnalité.
Articulé un temps sur la maîtrise des pouvoirs de celle-ci, et la traque d'un tueur en série dénué de pouvoirs mais furieusement narcissique pour notre héroïne (qui en veut toujours à Trish d'avoir tuée sa mère à la fin de la saison précédente) avant de peu à peu confronter les deux soeurs adoptives pour mieux les déchirer à l'écran - sans que l'écriture ne penche volontairement vers l'une où l'autre, tant Jessica accumule les mauvais choix -, cette saison 3, tout comme celles moins prenantes de Daredevil, explore le mythe même du superhéros et la question essentielle de l'héroïsme (qu'est-ce que c'est qu'être un héros aujourd'hui ? Comment être sur que les actes vendeurs que l'on commet, sont les bons dans chaque situations ?), et de son impact souvent terrible dans l'existence de ceux qui décide d'utiliser leurs pouvoirs pour faire le bien, dans un monde où le mal est de plus en plus présent.
Aussi noire, intimiste et complexe que la première saison (sans doute la meilleure, présence accrue de David Tennant oblige), sensiblement plus réaliste et terre-à-terre que feu ses camarades des Defenders (même si les treize épisodes, la faiblesse légendaire des shows Netflix, sont toujours aussi long et ne servent pas vraiment le rythme ni l'intrigue générale de la saison), l'ultime salve d'épisodes de Jessica Jones clôt avec justesse les aventures d'une héroïne à part follement empathique, une femme aussi forte et badass qu'elle est vulnérable et sensible, qui nous manquera cruellement si Disney ne vient pas à sa rescousse pour la faire renaître de ses cendres.
Qu'on se le dise, Netflix avait réussi quelque chose de grand et passionnant avec son shared universe, sans doute ce que les séries de superhéros ont connus de mieux dans l'histoire de la télévision - et le mot est faible.
Jonathan Chevrier