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[CRITIQUE] : La Flor


Réalisateur : Mariano Llinás
Avec : Elisa Carricajo, Valeria Correa, Pilar Gamboa,...
Distributeur : ARP Selection
Budget : -
Genre : Romance, Drame, Musical, Espionnage.
Nationalité : Argentin.
Durée : 3h30min/3h10min/3h24min/3h28min.

Synopsis :
« La Flor » cambriole le cinéma en six épisodes.
Chaque épisode correspond à un genre cinématographique.
Le premier est une série B, comme les Américains avaient l’habitude d’en faire.
Le second est un mélodrame musical avec une pointe de mystère.
Le troisième est un film d’espionnage.
Le quatrième est une mise en abîme du cinéma.
Le cinquième revisite un vieux film français.
Le sixième parle de femmes captives au 19e siècle.
Mon tout forme « La Flor ».
Ces six épisodes, ces six genres ont un seul point commun : leurs quatre comédiennes.

D’un épisode à l’autre, « La Flor » change radicalement d’univers, et chaque actrice passe d’un monde à l’autre, d’une fiction à un autre, d’un emploi à un autre, comme dans un bal masqué.
Ce sont les actrices qui font avancer le récit, ce sont elles aussi qu’au fur et à mesure, le film révèle. Au bout de l’histoire, à la fin du film, toutes ces images finiront par dresser leurs quatre portraits.



Critique :



Avec son affiche bariolée, La Flor rappelle les pochettes de vinyles farfelues, quasi burlesques, celles qu'on n'oublie pas : le dessin épuré de Devendra Banhart pour Mala, la banane des Velvet Underground, les collages loufoques de Black Moth Super Rainbow. Une œuvre fleuve (plus de 13 heures !) constituée de six épisodes et autant – sinon plus – de genres ; les faces A et B d'une même troupe – les 4 mêmes actrices officient dans presque toutes les parties – avec une patte surréaliste et ce sentiment persistant, comme dans tout album qui fait date, de cohérence sans cesse renouvelée entre chaque piste.


Au premier abord, impossible de ne pas être dérouté par ce projet protéiforme où se succèdent ou plutôt se superposent tour à tour série B, film fantastique, film d'amour, musical, thriller, film d'espionnage, film expérimental, hommage ou encore portrait. Mariano Llinás explicite son concept ainsi : chaque flèche de l'affiche représente un épisode ; quatre ont un début mais pas de conclusion, l'un a un début et une conclusion et la dernière a une conclusion mais pas de début. L'ensemble représente une fleur. L'objectif ? Non pas faire s'opposer bêtement les tenants du "malin" aux partisans du "vain" mais exploser les codes cinématographiques pour en libérer le récit et avec lui le septième art. L'héritage surréaliste est ici indéniable : de la transdisciplinarité des genres, des références, des langues ou encore des lieux à la notion de collage – Mariano Llinás utilise des cartons humoristiques, annote son journal intime ou fait écrire ses personnages sur Word. Quant à la voix off, qui accompagne la majeure partie des volets, elle emporte bien avec elle nos certitudes sur ce que doit être une histoire (introduction, péripéties, dénouement). Un cinéma total donc, absolu – ou comme le dira André Breton lui-même dans son Manifeste du surréalisme une "dictée de la pensée" – dans lequel le réalisateur a visiblement à cœur de démontrer le pouvoir de la fiction voire son auto-suffisance.


Dernier point – peut-être d'ailleurs le plus surréaliste d'entre tous – l'importance du groupe ou en tout cas de la collaboration entre ses membres : ici en l’occurrence La Flor repose sur un collectif de quatre actrices – Pilar Gamboa, Valeria Correa, Elisa Carricajo et Laura Paredes, toutes vraiment phénoménales – qui constitue la pierre angulaire de la démonstration de Mariano Llinás. Sans interprètes, pas de fiction digne de ce nom ! Tour à tour chanteuses, parolières, interprètes, leurs personnages donnent du sens – ainsi que du son – au récit. L'épisode muet se déroule d'ailleurs assez significativement sans elles ; lorsqu'elles réapparaissent pour le dernier épisode, le son n'est certes pas revenu mais les cartons explicatifs – et le sens avec eux – oui. Encore faut-il apprécier la série B, être sensible à l'humour décalé et grotesque, tolérer les inégalités entre les épisodes, certains étant nettement plus aboutis que d'autres et – surtout ! – ne pas défaillir devant la durée du film – même le générique est étiré à plus de 30 minutes – où l'étonnement côtoie il est vrai parfois l'ennui. Un projet hors-norme donc mais intensément généreux qui condamne malicieusement les limites de l'industrie cinématographique en même temps qu'il rend hommage au septième art.


Anaïs

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