[CRITIQUE] : La Liberté
Réalisateur : Guillaume Massart
Acteurs : -
Distributeur : Norte Distribution
Budget : -
Genre : Documentaire.
Nationalité : Français.
Durée : 2h26min
Synopsis :
Dans la plaine orientale Corse, Casabianda est un centre de détention très singulier, au sein d’un vaste domaine agricole. Cette prison qu’on dit « ouverte » n’a rien à voir avec les prisons habituelles : à la place des barreaux, des murailles ou des miradors, les arbres, le ciel et la mer…
Au fil des saisons, une année durant, Guillaume Massart s’y est rendu afin de comprendre ce que change cette incarcération au grand air. Sous les frondaisons ou sur la plage, la parole des détenus, d’ordinaire passée sous silence, se libère petit à petit…
Critique :
En prenant pour cadre une prison à ciel ouvert unique, #LaLiberté incarne un documentaire sobre et puissant sur la parole (et sa liberté) autant qu'une charge subtile sur le système carcéral, mais également profondément gênante dans son rapport au mal absolu... étonnant paradoxe. pic.twitter.com/P7y5FxCXNX— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) February 24, 2019
Le film carcéral, souvent passionnant même si majoritairement caricatural (méchants gardiens, une nécessité de toujours s'évader,...), est porté par des codes bien distinct sur grand écran, ses propres lois pour retranscrire un monde qui, entre ses propres murs, ne suit plus celles communes et s'inventent les siennes, entre dominations et violences diverses.
Ce qu'a de profondément original le film documentaire de Guillaume Massart, La Liberté, c'est qu'il s'échine à conter la vie d'un lieu qui ne ressemble à rien de connu mais qui n'en est pas moins un lieu de pénitence pour les criminels : Casabianda, centre pénitentiaire ouvert et à vocation agricole, composée de ce que l'on peut considérer comme les pires rebus de la société : des condamnés pour des crimes sexuels, à caractère pédophile et incestueux.
Deux portraits, l'un fascinant (le cadre d'une prison sans mur) l'autre révoltant (des monstres qui ne méritent pas qu'on leur prête attention), que le cinéaste va rendre pourtant férocement cinématographique, à défaut d'en avoir un troisième pourtant essentiel : l'administration, fantomatique même si bien présente.
D'abord distant, il va peu à peu se confronter à des hommes que l'on n'a pas besoin de comprendre, récolter leurs témoignages intimes quitte à flirter méchamment avec la frontière de la controverse (la complaisance qu'il peut avoir de laisser la parole à ses hommes), pour mieux comprendre, capter le mystère d'une prison à ciel ouvert et aux parois invisibles, fausse utopie au cadre de carte postale, qui s'avère in fine un paradis anxiogène rythmé par les rouleaux incessants d'un horizon infini.
L'épilogue ne contredit même jamais cette longue et ambiguë vision - 2h20 au compteur - : le réalisateur comprend cet univers carcéral (qui échappe à tous les codes visuels connus) et ses condamnés, retranscrit le tout avec une sincérité rare, et n'excuse pas pour autant ses nombreux sujets, même s'il leur ouvre une porte vers la rédemption.
Un film sobre et puissant sur la parole (et sa liberté) autant qu'une charge subtile sur le système carcéral, même si profondément gênante dans son rapport au mal absolu... étonnant paradoxe.
Jonathan Chevrier