[CRITIQUE] : La Voleuse de Livres
Réalisateur : Brian Percival
Acteurs : Sophie Nélisse, Geoffrey Rush, Emily Watson, Ben Schnetzer,...
Distributeur : Twentieth Century Fox France
Budget : 35 000 000 $
Genre : Drame.
Nationalité : Américain, Allemand.
Durée : 2h11min.
Synopsis :
L’histoire de Liesel, une jeune fille envoyée dans sa famille d’adoption allemande pendant la Seconde Guerre mondiale. Elle apprend à lire avec le soutien de sa nouvelle famille, et de Max, un réfugié Juif qu’ils cachent sous leurs escaliers. Pour Liesel et Max, le pouvoir des mots ainsi que leur propre imagination vont devenir leur seule échappatoire face à la guerre.
Critique :
Si il y a bien une pléthore d'ouvrages traitant de la Seconde Guerre Mondiale, peu suivent la Grande Histoire à travers les yeux d'une enfant, et encore moins d'entre eux se destinent uniquement à un public de jeunes adultes comme c'est le cas justement, de La Voleuse de Livres signé par l'Australien Markus Zusak.
C'est donc loin d'être étonnant que le fameux roman est connu un franc succès, mais surtout encore moins une surprise qu'Hollywood la putain - flairant toujours autant les bons coups comme les mauvais -, se décide à en faire une adaptation sur grand écran, par le biais du cinéaste britannique Brian Percival.
Parce qu'il faut l'admettre, c'est d'une évidence qui crève les yeux que La Voleuse de Livres a tout en lui pour incarner un potentiel glaneur d'oscars, à la fois favoris des critiques et du public, sachant qu'il est de savoir cinéphile que les péloches historiques traitant de la Seconde Guerre Mondiale, ont toujours bien figurées durant la saison des cérémonies de remises de prix.
Si la plupart des films évoquent l'occupation allemande sur un territoire étranger, celui-ci traite du problème de l'intérieur, en se concentrant sur le pays même, au sein d'une petite rue ironiquement nommé Paradis, ou le nazisme bouffe chaque mur qui l'occupe.
C'est là-bas que vit la petite Liesel en 1939, fraichement adoptée par un couple qui y vit, après avoir été arrachée à sa famille communiste.
Illettrée mais furieusement curieuse, elle va très vite vouer une adoration quasi-obsessionnelle pour les livres, dans un pays justement ou les bouquins - trop susceptibles d'éduquer le peuple à d'autres idéologies que le nazime -, sont détruits à l'occasion d'autodafés.
En quête de liberté intellectuelle et spirituelle, Liesel va lutter à sa manière contre la dictature et le totalitarisme de son Allemagne, alors que ses parents adoptifs eux, entreront plus concrètement dans la résistance...
Par le prisme puissant et attachant de son héroïne, La Voleuse de Livres dépeint avec émotion les conséquences sur les allemands - prouvant au passage que le peuple allemand n'était pas uniquement composé de moutons subissant le régime Hitlérien -, de l'oppression de l'empire nazis, n'épargnant de facto, presque rien à ses spectateurs.
Chants hitlériens à l'école, portraits du Führer dans les salles de classes ou encore les discours nazis, Brian Percival cherche par tous les moyens à démontrer et retranscrire les méthodes d'endoctrinement de l'époque, comme un cinéaste ayant bien lu ses livres d'histoires.
Même suggestivement, le bonhomme s'efforce à marquer les esprits (une mère obligée d'abandonner son enfant, un père obligé d'aller combattre pour une guerre et des idéaux qui ne sont pas les siens, un jeune enfant qui, parce qu'il est sportif et blond aux yeux bleus, se voit appeler à rejoindre un camp de jeunesse Hitlérienne).
Que ce soit en retrait ou frontalement, la violence du nazisme est constamment évoqué mais apparait in fine moins imposante que prévue, la faute à une volonté de rendre le tout soft pour ne pas trop marquer son jeune public cible.
La vision du point de vue de Liesel prend dès lors tout son sens, pour éviter de tomber dans un réalisme cru et choquant, ou un regard d'enfant pour des spectateurs qui le seront tout autant.
Purement éducative, la bande parait donc un poil moins intéressante pour les cinéphiles les plus endurcis ayant déjà goutés à fruits plus délectables, surtout quand certains de ces défauts se font un malin plaisir à ce pointer du doigt eux-même.
Une histoire trop longue (d'au moins une bonne vingtaine de minutes), une utilisation de la voix-off - La Mort -, rare et mal amenée (là ou dans le roman, elle était un témoin privilégié et nécessaire dans les aventures de l’héroïne), une pluie de sous-intrigues inachevées (on pense à celle du jeune juif Max, dont on ne sait pas exactement ce qu'il devient), une reconstitution un poil artificiel et manquant un peu d'âme, ou encore une incohérence inhérente à la majeure partie des productions historiques ricaines, la crédibilité de la langue (les allemands parlent anglais et pour ajouter à la confusion, seuls les méchants nazis s'expriment en allemand...).
Bref, une accumulation de mauvais points qui pourraient être fatal à une péloche lambda, mais pas à La Voleuse de Livres, sauvée par une émotion sincère, une bande originale grandiose du merveilleux John Williams, ainsi qu'à une prestation prodigieuse de son casting vedette.
Si Emily Watson est d'une étonnante froideur en mère courage qui peu à peu laissera son cœur s'ouvrir au contact de sa fille adoptive, Geoffrey Rush lui, éblouit de nouveau dans la peau du papounet adoptif aussi tendre qu'aimant, générant presque à lui seul toute l'émotion du métrage.
Mais la vraie révélation vient de la composition pleine de conviction de la jeune Sophie Nelisse en Liesel, passant de la fillette apeurée à jeune femme courageuse avec un naturel confondant, tentant toujours de donner un sens à tout, même à l'insensé.
Jolie fable touchante et innocente sur le pouvoir de la culture et de la littérature, à la fois un peu redondante et manichéenne mais follement éducative et pétri de bons sentiments, La Voleuse de Livres est une très belle œuvre sur ses âmes rebelles de la guerre, qui ont décidés d'être les acteurs de leurs vies plutôt que de continuer douloureusement à la subir.
Dommage donc que le rendu paraisse un poil trop lisse au final, tant son émotion et son humanité vont droit au cœur, et aurait pu en faire une grande référence du genre...
Jonathan Chevrier