[CRITIQUE] : L'Écume Des Jours
Réalisateur : Michel Gondry
Acteurs : Romain Duris, Audrey Tautou, Omar Sy, Philippe Torreton, Gad Elmaleh, Charlotte Le Bon, Aïssa Maiga, Sacha Bourdot, Natacha Régnier, Alain Chabat, Laurent Lafitte,...
Distributeur : StudioCanal
Budget : -
Genre : Comédie Dramatique, Fantastique.
Nationalité : Français.
Durée : 2h05min.
Synopsis : L’histoire surréelle et poétique d’un jeune homme idéaliste et inventif, Colin, qui rencontre Chloé, une jeune femme semblant être l’incarnation d’un blues de Duke Ellington. Leur mariage idyllique tourne à l’amertume quand Chloé tombe malade d’un nénuphar qui grandit dans son poumon. Pour payer ses soins, dans un Paris fantasmatique, Colin doit travailler dans des conditions de plus en plus absurdes, pendant qu’autour d’eux leur appartement se dégrade et que leur groupe d’amis, dont le talentueux Nicolas, et Chick, fanatique du philosophe Jean-Sol Partre, se délite.
Critique :
Honte à celui ou celle qui aujourd'hui, ne serait pas capable de vous répondre à la question suivante, " Mais qui est Michel Gondry ? "
En l'espace d'une dizaine d'années, il s'est instinctivement installé dans la psyché des véritables cinéphiles comme le digne descendant (voir même successeur) du maitre George Meliès, un doux rêveur, bricoleur talentueux aussi fantaisiste que poétique et décalé, au physique et à la filmographie follement attachante.
Mais si aux États-Unis, on ne doute pas un seul instant de son talent, en France, public éternellement insatisfait, on a encore tendance à pas mal boudés ses péloches, comme si on avait des centaines des cinéastes de sa trempe par chez nous...
Ses ambitions Hollywoodiennes mis au placard après le four un peu immérité de son sympathique The Green Hornet, pourtant bourré d'idées hallucinantes, le voilà donc de retour dans l'hexagone avec cette adaptation de l’œuvre culte de Boris Vian, L'Écume des Jours, ou au bas mot le film français le plus attendu de l'année.
Gondry touchant à l'univers inadaptable et délirant de Vian avait tout de l'alliance parfaite (plus encore que si c'était le fou génial Terry Gilliam qui le mettait en scène), et encore plus quand on voit le joli petit casting d'exception que le bonhomme s'est savamment concocté, allant de la crème des comiques (Sy et Elmaleh) à la A-list de l'acting made in France (Duris, Tautou et Torreton).
Au final, si les fans de grand cinéma racé et intelligent en auront clairement pour leur argent et crieront au pari réussi d'avoir su adapté l'inadaptable, beaucoup risque de se sentir un peu trop bousculé devant son œuvre la plus arty et sombre, bien loin de son étiquette de " nouveau Amélie Poulain " que sa bande annonce loufoque et sympathique lui a illogiquement collée.
Retenant nettement plus les réflexions sociales du bouquin (le culte de Jean-Sol Partre, l'exploitation et le regroupement des richesses, l'hypocrisie des religions, l'inconfort face à un monde qui se meurt) que la relation amoureuse de Colin et Chloé, le film est affreusement âpre et noir, un cauchemar absurde et suffoquant sur un monde qui l'est tout autant, un anti-conte de fées qui dénote complétement de l'univers plein de rêveries du cinéaste (mis à part La Science des Rêves).
Dés les premiers instants, une mélancolie indescriptible envahit la bande malgré quelques émerveillement qui font agréablement sourire nos yeux d'enfants.
Mais comme une fleur qui se fane, le film se meurt peu à peu jusqu'à la tragédie tant attendu, ou l'idylle entre les deux amoureux est foudroyée dans son envol par la maladie de l’héroïne.
Un drame grave et crève cœur mais loin d'être larmoyant, Gondry habituant peu à peu son spectateur à un cruelle manque d'émotion, une privation de pathos de supermarché qu'il entretiendra en veillant scrupuleusement à ne pas s'attacher à ses personnages (ici en fin de compte, plus témoins amusés puis détruits, qu'autre chose), mais plus au monde qui se meurt autour d'eux.
Un parti pris audacieux voir dérangeant, empêchant de facto le spectateur à ressentir de l'affection ou même une certaine empathie pour les protagonistes principaux (mis à part Omar Sy, vraiment touchant) malgré des interprétations sans fausses notes d'un casting totalement voué à la cause du métrage, mais qui intensifie considérablement l'aspect bouleversant et déstabilisant de cette chronique sur le désespoir profond, qui aurait pu l'être encore plus si le réalisateur s'était laisser aller à mettre en scène le dernier chapitre du roman, affreusement noir.
Mais que les fans se rassure, si le film est renversant de tragédie, ce n'est pas pour autant que le Gondry laisse de côté sa folie créatrice, bien au contraire et en ce sens L'Écume est même son film le plus bricolé et expérimental.
Bridé sur The Green Hornet, il laisse ici exploser toute sa créativité dans une première partie ultra-coloré, fantastique et joyeusement pop, peuplés d'objets et de mécanismes candides et loufoques, mais surtout incroyablement imaginatifs, confirmant cette idée que l'imaginaire du cinéaste est vraiment beaucoup trop riche et grand pour n'être contenu que sur un simple film, même si celui-ci flirte aisément avec les deux heures de pellicules.
Loin de n'être qu'une énième romance fantaisiste et rétro, L'Ecume des Jours est une œuvre infiniment malade, onirique, magique et audacieuse, follement créative et éblouissante, à l'esthétique et à la fidélité du matériau d'origine irréprochable, mais qui risque certainement (si ce n'est pas déjà le cas) de salement divisée son monde à chacune de ses fins de séances.
Quoiqu'il en soit, si on est réceptif au message qu'à essayé de nous faire passer le bonhomme avec cette bande, on en ressort complétement secoué et chamboulé, mais surtout avec un putain de sentiment persistant d'en avoir poétiquement pris plein la gueule, et dans le bon sens du terme.
Le cinéaste aurait pu en faire un énième blockbuster ultra-populaire, formaté à outrance, friqué pour un rien et détestable comme on aime les produire dans l'hexagone (pas vrai Dany Boon ?), pourtant il n'en est point, il a préférer jouer la carte de l'intimisme et de la profondeur, ce qui lui fait tutoyé du doigt la mention chef d’œuvre, comme ce fut déjà le cas pour lui par le passé, avec Eternal Sunshine of The Spotless Mind.
Merci et gloire au roi du film " suédé ", en espérant que cette fois le public français ne lui fera pas regretté son énième retour au pays.
Aux premières nouvelles du box-office, tout le monde s'est rué sur Iron Man 3 et l'a laissé un peu sur le bas côté de l'autoroute du succès, pas étonnant venant d'un peuple qui s'est tripoté en masse devant Jappeloup en plein Printemps du cinéma, alors que Cloud Atlas ne demandait qu'à être félicité à sa juste valeur, en salles.
Merde dis comme ça, qu'est-ce que cela donne envie d'être patriotique...
Jonathan Chevrier