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[CRITIQUE] : Moneyboys


Réalisateur : C.B. Yi
Avec : Kai Ko, Zeng Meihuizi, Bai Yufan,…
Distributeur : ARP Sélection
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Français, Autrichien, Belge, Taïwanais.
Durée : 2h00min

Synopsis :
Pour subvenir aux besoins de sa famille, le jeune Fei, originaire d’un petit village de Chine, se prostitue dans la grande ville.



Critique :

Les films traitant de thématiques et/ou mettant en scène les communautés LGBTQ+ sont férocement rares au sein d'un cinéma chinois résolument aussi conservateur et répressif que son propre gouvernement en terme de censure, ce qui fait de facto du premier effort de C.B. Yi, Moneyboys, un long-métrage aussi original qu'unique en son genre.
Pas si éloigné du cinéma de Tsai Ming-liang à l'approche tout aussi contemplative, le film arpente le territoire sinueux de la prostitution masculine pour mieux nourrir sa charge envers le capitalisme galopant d'une Chine furieusement inégalitaire et à la tension culturelle palpable, où plusieurs jeunes se voient contraints de se vendre pour subvenir autant à leurs propres besoins qu'à ceux des siens, avant d'être marginalisée par cette même société aussi bien que par leur propre famille, pour ce choix de vie.

Copyright Jean Louis Vialard

La caméra est vissé sur deux chapitres bien distincts de la vie de Fei, un jeune homme qui se détache d'un village rutal rétrograde et dégradant, pour se retrouver à vendre son corps et mener une vie aisée qu'il pense un temps vouloir.
Les plans symétriques et statiques, les séquences profondément lentes et réfléchis ainsi que les dialogues aussi sporadiques qu'ils sont follement significatifs, se font alors la métaphore d'une vie insatisfaisante qui coule tellement lentement qu'elle ne semble jamais avancer.
Une existence dans laquelle on essaie toujours de désespérément survivre autant que de mélancoliquement se rattacher à un espoir chimérique de rédemption impossible (sauf si l'on se conforme aux normes); une existence condamnée à errer entre un monde rural aux traditions toxiques et un monde urbain censé être plus ouvert, mais finalement tout aussi nocif et hostile (tellement qu'il faut se créer un microcosme caché pour épouser une certaine idée de liberté).
La réalisation fait d'ailleurs corps avec le spleen de son protagoniste principal, cachant au maximum à l'écran la violence (physique comme psychologique) autant que la tristesse qui plane au-dessus de sa tête, symbole de ce qu'il fait lui-même au quotidien, en cachant ses frustrations et sa dépression latente à travers une assurance de façade, façonné par l'argent et le statut qu'il a atteint, après avoir vécu - littéralement - le mal sur sa peau, et dont les stigmates ne sont toujours pas digérés.
Un jeune homme qui pourchasse un bonheur qu'il ne semble jamais pouvoir atteindre, un fort désir d'aimer et d'être aimé qu'il n'arrive jamais totalement à embrasser tant son désenchantement du monde et de sa propre personne est toujours plus fort que tout.

Copyright Jean Louis Vialard

Enlacé autant dans une tristesse profonde et mélancolique qu'une envie désespérément contradictoire de vivre, Moneyboys est une oeuvre rigoureuse (même si pas dénué de quelques longueurs) et amère formellement éblouissante - superbe photographie de Jean-Louis Vialard -, un exposé jamais gratuit ni vulgaire envers son sujet sombre et complexe (la question de l'homophobie en Chine et la communauté des travailleurs du sexe, ici chaleureuse que fraternelle) qu'il aborde avec puissance, au travers de la quête de réussite et identitaire d'une âme désenchantée, campée à la perfection par la révélation Kei Ko.


Jonathan Chevrier


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