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[CRITIQUE] : L’origine du monde


Réalisateur : Laurent Lafitte
Avec : Laurent Lafitte, Karin Viard, Vincent Macaigne, Hélène Vincent, Nicole Garcia,...
Distributeur : StudioCanal
Budget : -
Genre : Comédie
Nationalité : Français
Durée : 1h38min

Synopsis :
Jean-Louis réalise en rentrant chez lui que son coeur s'est arrêté. Plus un seul battement dans sa poitrine, aucun pouls, rien. Pourtant, il est conscient, il parle, se déplace. Est-il encore vivant ? Est-il déjà mort ? Ni son ami vétérinaire Michel, ni sa femme Valérie ne trouvent d'explication à cet étrange phénomène. Alors que Jean-Louis panique, Valérie se tourne vers Margaux, sa coach de vie, un peu gourou, pas tout à fait marabout, mais très connectée aux forces occultes. Et elle a une solution qui va mettre Jean-Louis face au tabou ultime...


Critique :


Pour son premier passage à la réalisation, Laurent Lafitte adapte sur grand écran une pièce de Sébastien Thiéry, une comédie grinçante qui se veut transgressive.
Label Cannes 2020, L’origine du monde met en scène le réalisateur lui-même dans la peau d’un avocat bourgeois et sa femme, tout aussi bourgeoise (Karin Viard, d’un naturel désarmant) dans un récit fantastico-comique. Le choix du titre, éponyme d’un tableau de Gustav Courbet exposant en premier plan un sexe de femme, n’est pas anodin. Le film, dont l’humour se joue sur le fil du rasoir constamment et entouré d’un premier degré absolu, part du plus tabou des sujets : la sexualité de la mère. Chose inconcevable pour Jean-Louis, de voir qu’une mère est avant tout une femme, qui porte ce tabou et d’autres secrets familiaux sur ses frêles épaules.

Copyright Laurent Champoussin

Laurent Lafitte prête ses traits à Jean-Louis, avocat quarantenaire qui habite dans un grand appartement meublé luxueusement, avec sa femme, Valérie. Si Jean-Louis est un clown blanc, sérieux, élégant, Valérie est l’auguste le poussant dans ses retranchements et son ami d’enfance Michel (Vincent Macaigne, transformé) serait le contre-pitre, celui qui déclenche les gags, les rires et qui fait dangereusement basculé l’équilibre du film vers la pitrerie. La métaphore du clown n’est pas si alambiquée au vue du ton parfois enfantin de L’origine du monde, où l’on voit ces adultes redevenir des enfants face à des figures d’autorité : la Mère (Hélène Vincent), avec un “m” majuscule car elle représente la maternité dans toutes ces facettes ici et la gourou (géniale Nicole Garcia), qui les guide vers la vérité. Car Jean-Louis a un léger problème : son cœur ne bat plus. Il vit, respire, mange, mais son organe vital reste figé. Un étrange phénomène dont l’explication lui échappe. Que lui arrive-t-il ? Est-il conscient, mort, dans un état intermédiaire ? Nul ne le sait. Mais Margaux, la gourou est formelle, il faut qu’il se reconnecte à son existence. Et pour cela, qu’une seule solution : revenir au commencement, à la naissance de son être, le fameux tabou ultime d'un homme pour qui la sexualité féminine est un mystère.

Copyright Laurent Champoussin

Dans L'origine du monde, le rire se pare de malaise, car il ne se place jamais dans une comédie totale. Chaque gag est accompagné d’un élément déclencheur tragique, qui réclame plus de réflexions qu’un simple rire franc et net. La comédie soulève des questionnements philosophiques, sur nos attentes de la vie (la base de toute bonne vieille crise de la quarantaine). Ici un éternel petit garçon préfère sacrifier une longue amitié plutôt que d’affronter ses démons. Jean-Louis se trouve incapable de faire face à sa mère, parce qu’il doit la voir comme la femme qu’elle était (sexuellement active) plutôt que comme celle qu’elle est devenue, vieille et fragile. Une violence symbolique se crée de ces situations improbables, menant parfois à une véritable violence physique, vite désamorcée par le jeu des acteurs (là où se place le malaise justement), à la limite de la théâtralité. Nous rions des situations névrotiques, parce qu’elles tiennent plus de la farce que d’une situation bien réelle. Pourtant, le purgatoire que vit Jean-Louis a des accents de réalisme terrifiant, venant de véritables situations familiales glaçantes. Ce dispositif, entre humour transgressif et drame social, en fait un film clivant, qui suscitera des discussions houleuses.

Copyright Laurent Champoussin

Laurent Lafitte signe un premier long métrage ambitieux de par son sujet et la façon dont il le traite, où il sonde les tabous de la sexualité des mères dans une comédie burlesque et malaisante.


Laura Enjolvy



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