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[CRITIQUE] : An Unusual Summer

Aljafari Films

Réalisateur : Kamal Aljafari
Acteurs : -
Distributeur : -
Budget : -
Genre : Documentaire
Nationalité : Palestinien, Allemand
Durée : 1h19min

Synopsis :
Suite à un acte de vandalisme, le père du cinéaste palestinien décide d'installer une caméra de surveillance pour enregistrer les scènes se déroulant devant la maison. Le quotidien familial, ou les voisins se rendant au travail, Unusual Summer capte les moments de poésie fugaces, tandis qu'en toile de fond affleure la chorégraphie du quotidien de Ramla, ville sur territoire israélien.


Critique :



Juillet 2006. La voiture du père de Kamal Aljafari est vandalisée trois fois, en peu de temps. Il décide d’installer une caméra de surveillance pour comprendre ce qu’il se passe. À sa mort, en 2015, tous les rushs sont entreposés dans l’arrière-cour de la maison familiale et prennent la poussière. Le réalisateur palestinien décide alors de les visionner. Ces images l’hypnotisent tellement qu’il décide d’en faire l’objet principal de son nouveau film, An Unusual Summer. Présenté dans la section Harbour du festival de Rotterdam, nous sommes les témoins privilégiés d’une parcelle de route, lieu de vie infime mais précieux.
Kamal Aljafari s’impose comme un cinéaste expérimental à suivre. Ses travaux se baladent entre la fiction et la non-fiction, puisant dans ce qu’il a de plus intime — sa famille, son pays natal la Palestine — pour construire un cinéma de patrimoine moderne, un cinéma du souvenir se servant du cadre pour raconter une réalité, un moment de vie. An Unusual Summer s’inscrit parfaitement dans cette continuité. De ces simples images pixelisées d’une caméra de surveillance, qui pendant un peu moins d’une heure vingt filment le même angle, se cache tout un récit sur un quartier, un pays et ses habitants. Parsemé d’intertitres pour rythmer le cadre statique, le cinéaste nous entraîne dans une enquête approfondie pour confondre le coupable. Pourtant, au fur et à mesure, l’enquête devient dérisoire et nous montre la vie telle quelle, dénuée d’artifice. Objet de surveillance par nature, cette caméra devient un objet d’une grande valeur, capable de donner de l’importance aux gestes les plus anodins. Malgré sa volonté première, de prendre sur le fait la personne qui casse la voiture, une volonté sûrement punitive, les images nous entraînent vers un ailleurs, vers une narration tournée vers les autres.


Aljafari Films

À première vue, il serait rébarbatif de regarder un même cadre, qui ne bouge jamais. Et pourtant, les images ne sont jamais les mêmes. Le statisme de la caméra nous oblige à scruter les moindres mouvements, à jouer au jeu des sept différences avec le plan précédent. Un geste, même si répété plusieurs fois, n’est jamais analogue, n’a jamais la même signification. Il réside une certaine beauté dans cette répétition. Kamal Aljafari en joue parfois, dans une séquence fantasmagorique où il superpose la silhouette d’un voisin, qui tous les matins part au travail, en empruntant le même chemin. Ce passage dénote par rapport aux images réalistes du film, mais il devient aussi le symbole de An Unusual Summer, un devoir de mémoire d’un quotidien élimé mais bien réel. Ce quotidien n’a rien d’inhabituel comme l’indique le titre, au contraire. Si on enlève le bref passage du larcin commis devant la caméra, un inconnu jetant une pierre sur le pare-choc de la voiture, la vie suit son cours d’une manière banale. Le conducteur de taxi a toujours sa chemise bleue sur le dos. Un passant touche les voitures garées sur son chemin. La mère du cinéaste conduit sa sœur au travail, avant d’aller à la boulangerie, etc ... C’est la vie dans tout ce qu’elle a de plus ordinaire.

Aljafari Films

Pour dynamiser son récit, le réalisateur recourt à plusieurs systèmes. Il a tout d’abord recréé le son de toute pièce, conférant parfois aux images un aspect humoristique cocasse. Sa nièce, voix-off enfantine, commente ponctuellement les images, s’exclamant quand elle voit son grand-père, malheureusement décédé en 2015, dans le cadre. Lui-même réagit aux images, mais d’une façon différente de sa nièce. Si la petite voix symbolise le côté léger des images, les commentaires de Kamal Aljafari sont au contraire lourds de sens. Ces intertitres ponctuent la narration et viennent donner du sens aux images. Ils sont explicatifs, symboliques, questionnent le regard, nous donnent une analyse différente. La violence se cache sous le calme de cette rue. Des coups de feu, des sirènes viennent déchirer la tranquillité, en hors-champs. Car la caméra filme un quartier de Ramla, ville israélienne autrefois appartenant à la Palestine. La famille du réalisateur vit dans le Ghetto, un quartier arabe. Dans les dernières secondes de An Unusual Summer, le propos géopolitique sous-jacent se dévoile entièrement et s’entremêle avec l’intimité des images. L’histoire familiale devient le symbole de l’histoire de tout un quartier, un espace restreint dans la ville et dans le cadre.


Laura Enjolvy


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