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[CRITIQUE] : Zack Snyder’s Justice League

Réalisateur : Zack Snyder
Acteurs : Ben Affleck, Gal Gadot, Henry Cavill, Jason Momoa, Ezra Miller, Ray Fisher, Jeremy Irons, Amy Adams, Diane Lane,...
Distributeur : Warner Bros. France
Budget : -
Genre : Action, Science-Fiction.
Nationalité : Américain.
Durée : 4h02min.

Synopsis :
Après avoir retrouvé foi en l'humanité, Bruce Wayne, inspiré par l'altruisme de Superman, sollicite l'aide de sa nouvelle alliée, Diana Prince, pour affronter un ennemi plus redoutable que jamais. Ensemble, Batman et Wonder Woman ne tardent pas à recruter une équipe de méta-humains pour faire face à cette menace inédite. Pourtant, malgré la force que représente cette ligue de héros sans précédent – Batman, Wonder Woman, Aquaman, Cyborg et Flash –, il est peut-être déjà trop tard pour sauver la planète d'une attaque apocalyptique…




Critique :


Plus de trois ans et demi d'un drama retentissant - et digne d'une telenovela - s'éteint aujourd'hui, avec la réponse à cette question (presque) existentielle : Zack Snyder, au demeurant un formaliste talentueux, était-il capable de transformer le plomb en or ?
Tel un Leonard De Vinci 2.0, en livrant sa version officielle de Justice League, venue d'outre-tombe pour corriger la version de 2017, réécrite et remontée (comprendre : salopée) par la Warner et Joss Whedon.
Fruit de la persévérance autant de son auteur que des fans, ce petit fantasme sur pellicule qui a repris un surplus de testostérone en route (un montage qui passe de deux heures à quatre heures, un budget rallongé de 70 millions de $), débarque en grande pompe sur les plateformes VOD, débordant d'enthousiasme et d'une envie de rétablir une certaine justice, celle de Snyder et de sa vision (et non celle d'un feu DCEU voulant rattraper son retard face au MCU en... un film).

Copyright Warner Bros.

Dites vision qui ici, tient enfin admirablement bien la route quoi qu'en diront certains, sans pour autant totalement guérir les plaies béantes d'une partie de poker non pas perdue d'avance (tout n'était pas à jeter non plus), mais à la distribution des cartes déséquilibrée dès le départ.
Aussi réjouissante que profondément frustrante tant elle convoque la renaissance impossible d'un shared universe mort-né, force est d'admettre que le cut de Snyder replace l'église au milieu du village sans pour autant réparer ses fondations après un bombardement en règle.
S'il gagne en profondeur émotionnelle, thématique et même tout simplement en cohérence, les mêmes grosses fêlures qui plombaient le montage de 2017 sont toujours aussi lisible aujourd'hui : une intrigue molassonne et balisée (et similaire aux Avengers/Pierres d'infinité avec sa protection des boîtes mères), une accumulation conséquente des flashbacks (comme des rustines sur une histoire qui n'en avait sûrement pas autant besoin), un déséquilibre conséquent dans la caractérisation/utilisation de ses personnages (même si les traitements de Steppenwolf, The Flash - même s'il reste un comic relief - et surtout Cyborg - même son père Silas Stone -, en sortent clairement grandit et rééquilibre un tant soit peu les débats) et un manque cruelle de tension.

Copyright Warner Bros.

Tirant paradoxalement pourtant bien des possibilités réelles de cet élargissement conséquent (la possibilité de poser et de laisser respirer son histoire, certes fragile, mais de prendre son temps et tout en jouant la carte des silences pesants) même s'il traîne parfois en longueur (notamment dans un épilogue à rallonge qui réintroduit inutilement des personnages que l'on ne retrouvera pas ou plus), tout en laissant formidablement bien parler ses envolées iconiques (les scènes d'action sont plus grisantes et immersives, certaines séquences gagnent en brutalité salvatrice); Snyder renforce l'humanité de son film et en fait la suite mélancolique, endeuillée et pétri de noirceur à son Batman v Superman (qui lui aussi, gagnait en grandeur avec son second cut), avec ces héros désespérés et frappés par la solitude qui tente de digérer la tristesse d'un monde sans espoir (Dieu ? Superman ? dont la résurrection est cependant aussi ampoulée et expéditive que dans le montage salle), avant de s'unir pour vaincre un ennemi commun dans un - premier - climax résolument plus accrocheur et prenant.
Que JL reparte sur les rails de la tragédie grecque est alors plus que salvateur tant Man of Steel et Batman v Superman étaient frappés du même sceau, de celui de ses surhommes (le rapport entre les hommes et les Dieux est encore plus creusé ici) ne trouvant jamais vraiment leurs places dans un monde qu'ils protègent pourtant au péril de leur vie (voir le douloureux prologue, qui tranche avec l'ouverture risible du montage de 2017, avec le cri de douleur d’un Superman agonisant face à Doomsday), de ses hommes et de ses femmes se lançant aveuglément dans une quête de rédemption/résilience.

Copyright Warner Bros.

Plus encore que pour son dernier effort super-héroique (BvS), Justice League transpire le style si reconnaissable de son - vrai - auteur, sans doute parce qu'il n'a jamais été aussi libre que maintenant (rated R, budget astronomique, un cut sans réserve).
De sa folie iconographique épousant amoureusement (jusqu'à l'orgasme) ses figures héroïques (Affleck est un p*tain de Batman, Gadot n'a jamais été aussi badass en Wonder Woman, la vraie leader vénérable de la team) à son montage ultra dynamique - malgré une pluie de ralentis Snyderien en diable -, en passant par un score et une B.O. très présente - mais rarement agaçante -, sa version bouscule visuellement celle que l'on a connu, tel un bouquet final homérique totalement conscient de ce qu'il est (tellement qu'il envoie tout face caméra, même les pistes les plus inutiles/obsolètes).
On retiendra évidemment alors ce feu d'artifice alternatif bordélique mais sincère (le fight avec Steppenwolf est énorme, chaque héros sert à l'intrigue), au morceau de cinéma amorphe et boursouflé de Whedon, même si le fantôme persistant d'une oeuvre grandiose - et plus largement, les promesses avortées du DCEU - hante ce " Snyder Cut ", électrochoc grisant et frustrant à la fois, qui même dans ses faiblesses tranche quand-même avec l'aspect lissé des productions made in MCU...


Jonathan Chevrier