[CRITIQUE] : Madre
Avec : Marta Nieto, Jules Porier, Alex Brendemühl,...
Distributeur : Le Pacte
Budget : -
Genre : Drame, Thriller.
Nationalité : Espagnol, Français.
Durée : 2h09min.
Synopsis :
Dix ans se sont écoulés depuis que le fils d’Elena, alors âgé de 6 ans, a disparu. Dix ans depuis ce coup de téléphone où seul et perdu sur une plage des Landes, il lui disait qu’il ne trouvait plus son père. Aujourd’hui, Elena y vit et y travaille dans un restaurant de bord de mer. Dévastée depuis ce tragique épisode, sa vie suit son cours tant bien que mal. Jusqu’à ce jour où elle rencontre un adolescent qui lui rappelle furieusement son fils disparu…
Critique :
Austère et d'une cohérence délicate, sans digressions libres ni remplissage forcé, avec #Madre, Rodrigo Sorogoyen prête ses yeux au spectateur et l'invite aux 1ères loges d'une expérience émotionnelle déchirante, un drame lancinant sur la détresse insondable d'une mère en deuil. pic.twitter.com/ZNmGRfHUCI— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) July 20, 2020
S'il y a bien une chose à faire pour ceux ayant eu la chance de découvrir le fantastique court-métrage Madre, c'est d'écarter tout préjugé ou d'idée que le long-métrage éponyme en est la suite, tant il n'en est ni une digression forcée, ni une suite ou encore moins une seconde partie conventionnelle; le film de Rodrigo Sorogoyen l'insére à la perfection dans sa narration pour mieux nous plonger dans " l'après ", une narration difficile et diaphane, jamais totalement à l'aise avec les émotions qu'elle met en scène.
Un travail passionnant, sombre et solaire à la fois, qui interroge son auditoire à travers le deuil insondable d'une mère, sur les notions de douleur et d'amour, sur la maternité et l'absence, la vérité et notre désir d'un réel qui soit conforme à nos attentes.
Avec un symbolisme fort - hanté par l'aura tragique de la Pietà de Michel-Ange -, Madre suit la tragédie d'une mère (Marta Nieto, formidable) qui a vécu l'innommable : la perte de son fils de six ans, disparu sur une plage des Landes alors qu'il venait de l'appeler au secours, son négligeant de père l'ayant laissé tout seul.
Un homme inquiétant s'approche de lui, la communication se coupe, plus de nouvelles...
Dix ans plus tard, Elena travaille dans un bar de cette plage, ou elle a déménagé pour y vivre, et croit/veut reconnaître en la personne du jeune Jean, un parisien en vacances avec sa famille dans une maison voisine.
Elle le suit, l'interpèle et de là, entre des problèmes - évidents - avec la famille de Jean ou avec Joseba, son compagnon patient et compréhensif, elle va remuer en elle des émotions qu'elle n'aurait jamais dû raviver, réouvrir une plaie qui était loin d'être guérie.
Car la plus grande douleur qui tiraille cette femme (encore très jeune) celle, au-delà du deuil impossible à encaisser, est celle de ne jamais pu se consoler, pardonner ou simplement de comprendre cette disparition, qui l'a bouleversé pour la vie, au point que les sens et la raison se confondent dans sa psyché.
Évitant le thriller ou le pur mélodrame boursouflé de pathos de supermarché, Madre, questionnant au passage de manière improbable, la réticence sociale aux relations amoureuses «asymétriques», mise sur une errance éloquente et pleine de conviction pour traduire la douleur d'une mère qui ne cesse de s'agrandir, autant que son aliénation et sa perte de sens.
Austère (il est chiche en effets sonores et visuels) et d'une cohérence admirable (malgré un final un peu en deçà dans sa construction maladroite), sans digressions libres ni remplissage forcé, Rodrigo Sorogoyen prête ses yeux au spectateur et l'invite aux premières loges d'une expérience émotionnelle déchirante, l'une des plus essentielles de ce riche (oui) été ciné 2020.
Jonathan Chevrier