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[TOUCHE PAS NON PLUS À MES 90ϟs] : #77. Starship Troopers

© 1997 - TriStar Pictures, Inc


Nous sommes tous un peu nostalgique de ce que l'on considère, parfois à raison, comme l'une des plus plaisantes époques de l'industrie cinématographique : le cinéma béni des 90's, avec ses petits bijoux, ses séries B burnées et ses savoureux (si...) nanars.
Une époque de tous les possibles où les héros étaient des humains qui ne se balladaient pas tous en collants, qui ne réalisaient pas leurs prouesses à coups d'effets spéciaux et de fonds verts, une époque où les petits studios venaient jouer dans la même cour que les grosses majors légendaires, où les enfants et l'imaginaire avaient leurs mots à dire,...
Bref, les 90's c'était bien, tout comme les 90's, voilà pourquoi on se fait le petit plaisir de créer une section où l'on ne parle QUE de ça et ce, sans la moindre modération.
Alors attachez bien vos ceintures, prenez votre ticket magique, votre spray anti-Dinos et la pillule rouge de Morpheus : on se replonge illico dans les années 90 !




#77. Starship Troopers de Paul Verhoeven (1997)

Né en 1938, le cinéaste hollandais Paul Verhoeven vécut sa petite enfance pendant l'occupation allemande. En 1997, des critiques américaines telles que le Wall Street Journal accusent son dernier film, Starship Troopers, d'être fasciste voire néo-nazi. Comment un cinéaste ayant vécu sous l'oppression hitlérienne pourrait réaliser un film prônant son idéologie barbare ? L'art de la distance et de la satire du « hollandais violent » n'a pourtant jamais été aussi corrosif et clair que dans ce qui semble être le brûlot politique le plus provocateur de son cinéaste.


© 1997 - TriStar Pictures, Inc

Déjà en 1987 pour son deuxième film américain, Verhoeven présentait son RoboCop, pamphlet parodique de la politique sécuritaire reaganienne, où le cadavre d'un policier finissait manipulé par une corporation pour un projet de robot policier, censé être l'exemple parfait d'une police morale, incorruptible et infatigable. L'humanité du flic mort Alex Murphy reprenait le dessus, aboutissant à une résurrection, comparable à un « Jésus du futur » d'après les termes de Verhoeven. La corporation de l'OCP sera démantelée de l'intérieur, l'homme vaincra la machine comme le prouve l'affirmation du héros, se nommant lui-même « Murphy » au lieu de RoboCop. Par cette réplique, Verhoeven affirme sa personnalité de cinéaste, une négation d'être un rouage de la grande mécanique hollywoodienne. La carrière américaine du cinéaste sera dans cette de contourner l'idée de faire des films bêtes et méchants pour Hollywood.
Starship Troopers raconte l'histoire de jeunes soldats lancés dans une guerre spatiale contre des arachnides de l'espace. Difficile de faire plus simple, tant l'histoire ne nous vend aucune subtilité. Le film joue alors volontairement l'exagération de ses enjeux, aussi grossiers que possibles. Adaptant le roman de science-fiction Étoiles, garde-à-vous ! de Robert A. Heinlein que Verhoeven qualifie de militariste, le réalisateur hollandais, connaissant le facteur fasciste de l'oeuvre, choisit d'en exacerber les traits pour en faire une fable d'horreur grotesque et auto-parodique. Les scènes d'action,  parfaitement filmées et violentes à souhait, sont présentes pour maintenir le spectateur dans une logique jouissive de divertissement désirée par l'industrie hollywoodienne, mais plus implicitement pour poursuivre une logique de destruction physique des personnages, les dégâts corporels complétant les symptômes psychologiques de l'institution militaire. Si le réalisateur aime filmer la violence, c'est dans une logique cathartique qu'il s'y prend.  
© 1997 - TriStar Pictures, Inc

Le film est une réponse à la propagande militaire américaine de George H.W. Bush tout en reprenant les codes visuels de l'imagerie nazie. Plusieurs plans sont directement inspirés du film Le Triomphe de la Volonté de Leni Riefensthal, œuvre phare de l'idéologie du IIIè Reich. Rappelons qu'au début des années 1990, les États-Unis jouent un rôle clé dans la Guerre du Golfe. Médiatiquement, cette guerre est celle de l'instantané. C'est le premier conflit armé où des images sont diffusées en direct sur les télévisions de la nation, projetant des images violentes à ses citoyens. Cet aspect instantané est retranscrit dans le film, lorsque les militaires apprennent rapidement la disparition de la ville de Buenos Aires, détruite par un météore alien. Ville de Buenos Aires extrêmement américanisée pour démontrer l'impérialisme étasunien dans le futur, soit dit en passant. Le nombre croissant de morts (comment le savoir aussi vite?) ainsi que des images de corps sous les décombres sont aussitôt visionnées par ces soldats, désirant instantanément mettre fin au parasite alien en guise de représailles. Un véritable lavage de cerveau, à double niveaux, s'opère dans ce long-métrage. Les jeunes sont formatés pour désirer le combat, de manière intra-diégétique. Extra-diégètiquement, les spots publicitaires essaient presque d'encourager le spectateur à rejoindre l'effort de guerre. Bien sûr, ces vignettes vidéos sont absurdes au possible, aussi hilarantes qu'effrayantes pour le spectateur qui a le recul nécessaire. Ce lavage de cerveau, il paraît évident à la fin du film lorsqu'apparaît le cerveau des arachnides, un monstre gigantesque perçant le crâne des humains pour aspirer le contenu de leurs têtes. Pourtant, cette thématique apparaît dès ses premières minutes, lorsque ce personnage de Carl, interprété par Neil Patrick Harris, manipule mentalement son furet pour aller embêter sa mère. Les soldats dont nous suivons l'aventure ne sont que des petits animaux contrôlés psychiquement, participant à un conflit qu'ils ne comprennent à peine. La maman de Neil est effrayée, tout comme la mère des monstres. 

 
© 1997 - TriStar Pictures, Inc

Starship Troopers est un film anti-militariste, comme les films qu'il cite, Full Metal Jacket par exemple, où l'on retrouve une copie exacerbée : un soldat, suffoquant de rire à la vue de son instructeur (à l'instar du soldat Baleine dans le film de Kubrick), se fait corriger par son supérieur, puni d'un bras cassé à la fin de l'entraînement. C'est une jeunesse brisée dépeinte ici, et malgré l'omniprésence de l'humour, difficile de ne pas ressentir une certaine amertume en voyant ces individus réduits à l'état de chair à canon. Cette idée de tragédie prophétisée est visible dans une scène d'intimité, dernier moment de paix avant la guerre, où le tatouage présent sur le bras de Johnny Rico (Casper Van Dien) « Death Above » (la mort au-dessus) pointe la partenaire de celui-ci, Dizzy Flores, qui mourra quelques minutes plus tard. Une ironie omniprésente qui n'est pas toujours très drôle. La scène de la punition de Johnny Rico, voit celui-ci se faire fouetter par un soldat noir, rappelant de manière inversée les heures néfastes de l'esclavagisme. Verhoeven développe le concept de cruauté de toutes les manières, jusqu'à faire croire que notre personnage principal soit mort. D'une manière pour entraîner une pensée vengeresse chez ses proches, toujours dans le registre de la manipulation par la peur et la tristesse, mais aussi dans une continuation de la parabole christique entreprise dans RoboCop 10 ans avant. Ce film marque la fin des années 90, en prophétisant quelque peu le début des années 2000 avec les attentats du 11 Septembre, et le début de la (nouvelle) Guerre en Irak en 2003.
Le cinéaste accomplit là son œuvre américaine la plus personnelle, aboutissement des thématiques les plus chères de son cinéma, comme la critique d'un pouvoir politique sécuritaire (RoboCop), la manipulation des masses par l'image (Total Recall), et l'éloge d'une jeunesse s'épanouissant par sa sexualité (Spetters, Showgirls). Par conséquent Starship Troopers est un monument du cinéma politique. Oeuvre de pop culture, œuvre d'auteur, aussi détesté qu'adoré, le caractère provocateur de son propos ainsi que la beauté de sa mise en scène en fait un chef d'oeuvre, qui, comme beaucoup de chef d'oeuvres avant lui, dut attendre la postérité pour être mis en lumière, apprécié à sa juste valeur. 

© 1997 - TriStar Pictures, Inc

Rares sont les films aussi brutaux et humains dans leur approche, aussi violents et drôles, marques de la sensibilité de son cinéaste. Il ne s'agit pas d'un film pervers, mais, dans sa barbarie humoristique, d'une œuvre prônant la paix. Steven Spielberg avait dit, lors d'une interview de Newsweek pour la sortie d'Il faut sauver le Soldat Ryan en 1998, que "n'importe quel film de guerre, bon ou mauvais, est un film anti-guerre". Faîtes des films, pas la guerre, en d'autres termes. Qu'on soit d'accord ou non avec Tonton Steven, Starship Troopers est le meilleur exemple pour illustrer cette maxime.
Un grand merci à Miilaure pour avoir lancé mon 35ème visionnage improvisé un dimanche matin, et d'avoir repéré le signalement du tatouage sur le bras de notre très cher Casper Van Dien.


Florian


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