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[CRITIQUE] : La Cravate


Réalisateurs : Mathias Théry et Etienne Chaillou
Acteurs : -
Distributeur : Nour Films
Budget : -
Genre : Documentaire
Nationalité : Français.
Durée : 1h37min

Synopsis :
Bastien a vingt ans et milite depuis cinq ans dans le principal parti d’extrême-droite. Quand débute la campagne présidentielle, il est invité par son supérieur à s’engager davantage. Initié à l’art d’endosser le costume des politiciens, il se prend à rêver d’une carrière, mais de vieux démons resurgissent…




Critique :



Il n’y a eu, lors de la dernière élection présidentielle, de sujet plus fâcheux que le Front National. Décrié par un passé sombre et des relents pour le moins racistes, ennemi des uns, le parti a fait l’espoir des autres grâce à un grand travail de dédiabolisation effectué en amont. Il n’était plus question de déclarer publiquement une haine envers les enfants d’immigrés, mais de soutenir la Patrie et ses valeurs, envers et contre tout(s).

Loin des questions de l’engagement de masse, dont la réponse est déjà apportée par le climat économique et politique actuel, La Cravate s’intéresse à l’individu et observe les raisons intimes qui l’ont conduit à rejoindre le « FN ». Les murs blancs sur lesquels sont placardés le visage d’une Marine Le Pen confiante alternent avec les murs dénudés du petit appartement amiénois de Bastien, jeune militant d’extrême-droite. Motivé par ses convictions, Bastien est très fier de côtoyer ceux qui, à son sens, feront la France de demain. Et, s’il n’a peut-être pas le profil froid et calculateur de ceux qui feront carrière dans le parti, il y trouve des bras ouverts et une place à laquelle il est apprécié.
La Cravate trempe sans cesse dans une voix off on ne peut plus présente et au caractère trop descriptif, évident. Puis, au fur et à mesure, la frustration qu’elle inspire laisse place à un intérêt nouveau. Cette voix de narrateur, qui se positionne entre Bastien, les réalisateurs et le narrateur possède plusieurs vestes : elle est à la fois support pour une distanciation nécessaire et vecteur d’une sorte de sincérité, aussi dérangeante que touchante. La cohabitation entre ces différentes lectures de l’instant filmé fait la singularité du documentaire : toute la qualité de La Cravate réside en sa volonté de dialoguer et comprendre plutôt qu’analyser et exposer. On ne cherche finalement pas à savoir si Bastien, avec son fort sentiment de frustration vestige de son adolescence, est l’électeur type du Front National puisqu’il est un sujet à part entière. C’est par son passé effroyable et son égo brisé que le jeune homme donne un visage à une menace d’autant plus troublante qu’elle est complètement humaine. 




Loin des écueils, La Cravate, porté par un désir d’espoir, effectue un travail d’identification minutieux et décortique une intériorité avec une psychologie précise, pour aider à saisir les ficelles de la haine. En dernier lieu, l’oeuvre offre une conclusion originale : au lieu de démontrer une radicalisation, il effectue le contraire et filme, dans une neutralité absolue, les champs des possibles qui s’offrent à un ancien skinhead en quête de résilience. Et, pour terminer sur une curiosité plus légère - sans doute une des rares que l’on arrive à trouver dans ce terrible tableau qu’est La Cravate, on précisera qu’on peut y voir le making-of de la désastreuse vidéo Youtube devenue virale de Florian Philippot.


Manon