[CRITIQUE] : L’Audition
Réalisatrice : Ina Weisse
Acteurs : Nina Hoss, Simon Abkarian, Jens Albinus, Ilja Monti,...
Distributeur : Les Films du Losange
Budget : -
Genre : Drame
Nationalité : Allemand, Français
Durée : 1h39min
Synopsis :
Anna Bronsky est professeure de violon au Conservatoire. Contre l’avis de ses collègues, elle impose l’admission d’un élève, en qui elle voit un grand talent. Avec beaucoup d’implication, elle prépare Alexander à l’examen de fin d’année et néglige de ce fait son jeune fils Jonas, lui aussi élève violoniste et passionné de hockey sur glace. Elle s’éloigne de plus en plus de son mari, si aimant à son égard, le luthier français Philippe Bronsky. A l’approche de l’audition, Anna pousse Alexander vers des performances de plus en plus exceptionnelles. Le jour décisif, un accident se produit, lourd de conséquences…
Critique :
Avec #LAudition, la cinéaste Ina Weisse signe un film trop sage pour être intéressant, même si Nina Hoss livre une prestation intense, d’une femme qui vit égoïstement, uniquement pour la musique. (@CookieTime_LE) pic.twitter.com/9vYM91MAKq— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) November 7, 2019
La musique, sa rigueur, son exigence donne parfois des films fiévreux. L’apprentissage passe également par la douleur, la répétition des gestes, jusqu’à la folie. Ce thème a donné naissance à de nombreux films, jusqu’au plus récent Whiplash de Damien Chazelle. La perversion, la folie, le don de soi riment avec passion, selon le cinéma. Que reste-t-il donc de plus à ajouter ? Ina Weisse, actrice allemande renommée, accepte le défi pour son deuxième long-métrage. Avec sa scénariste, Daphné Charizani, qui l’avait accompagnée également sur L’Architecte en 2008, elles ont puisé dans leur souvenir d’école de musique pour écrire L’Audition, un portrait de femme qui analyse l’exigence que nous pouvons avoir envers nous-même, envers les autres, un rapport de force biaisé et destructeur.
Anna Bronsky (Nina Hoss) est professeure de violon, dans une école prestigieuse. Mariée, mère d’un enfant, Jonas, qui suit sa voie et prend des cours de violon, elle est décrite par ses collègues, par sa famille comme un être froid et exigeant. Cette rigueur lui donne un certain pouvoir dans son travail. C’est pourquoi, pendant les examens d’entrée de l’école, ses collègues se rangent à son avis quand elle prend la défense d’un jeune homme, dont la technique laisse à désirer. Elle voit au-delà du manque de confiance du jeune Alexander et assure qu’avec un entraînement adéquat, il réussira son année. On peut y voir un certain talent pour découvrir celui des autres ou une professeure bienveillante, qui espère donner une chance à un enfant qui a juste besoin d’encadrement. Pourtant, le spectateur va s’apercevoir qu’il y a peut-être plus qu’une simple explication face à ce geste de la part de Anna. Il se pourrait qu’elle voit en Alexander un challenge, qui pourra pimenter sa vie de couple et de famille monotone et froide. Son mari (Simon Abkarian) n’est cependant pas négligeant et Jonas, pas un mauvais garçon. C’est le comportement de Anna qui coince, qui étend sa rigueur dans sa famille, qui tend la corde beaucoup trop, jusqu’à ce qu’elle casse.
Sa détermination, à la limite de l’obsession est une vraie prison pour Anna, qui a du mal à avoir du relationnel, à part avec son mari, qui accepte avec amusement ses petites manies et son amant Christian, qui la pousse à rejouer dans un orchestre. Ces deux personnages mise à part, Anna est seule. Ce monde de perfection qu’elle s’est elle-même créée, où elle a un parfait contrôle, va finir par l’éloigner des deux hommes de sa vie. L’échec est inadmissible et quand il se produit, Anna ne peut y faire face et s’écroule, mettant encore plus de distance entre elle et les autres. Alexander reste donc sa seule façon de retrouver le contrôle, sa carte de visite qui l’aidera à sauver sa réputation, quitte à le traumatiser. Il n’y a plus de limite, seulement la perfection.
Nina Hoss porte l’Audition par une prestation imposante, qui donne vie à cette Anna Bronsky, complexe et déboussolante. Il n’est pas étonnant donc que le film ne la quitte jamais, elle est le chef d’orchestre, tout commence par elle et tout fini par elle, les autres personnages (et acteurs) étant étouffés par le personnage principal. La musique de Bach est présente, notamment le Presto, dont la répétition et la rapidité demandent un degré d’exigence immense. Il y a dans le film une distance, une opacité, qui le rend peut-être un peu plus laborieux qu’il ne le faudrait. Le film suit tellement son héroïne qui lui prend ainsi ses traits de caractère. Froid, distant, on suit Anna d’un œil qui est loin d’être compatissant ou même intéressé. Le film n’a pas le degré de folie ou de perversité nécessaire à cette histoire d’obsession, et il existe tellement de distance que le spectateur a du mal à ressentir la moindre émotion pour Anna ou pour les autres personnages.
Ina Weisse signe un film trop sage pour être intéressant, même si Nina Hoss livre une prestation intense, d’une femme qui vit égoïstement, uniquement pour la musique.
Laura Enjolvy