[CRITIQUE] : Shadow
Acteurs : Chao Deng, Li Sun, Ryan Zheng,...
Distributeur : -
Budget : -
Genre : Historique, Action, Drame, Guerre.
Nationalité : Chinois, Hong-Kongais.
Durée : 1h56min
Synopsis :
A la cour du royaume de Pei, le commandant Yu plaide pour une entrée en guerre contre un puissant voisin qui s’est emparé d’une importante et stratégique ville du royaume. Le roi ignore ce conseil et choisit de faire la paix avec le Général Yu, chef des envahisseurs. Yu provoque Yang en duel. Le commandant Yu n’est cependant pas celui qu’il prétend être...
Critique :
Drame Shakespearien, fable organique et sauvage à la lisière de l'opéra autant que pur film d'art martiaux renversant, à la symbolique imposante, sublimée par une tension romantique excitante... #Shadow est un tout formidable, un sommet de grâce par le roi Yimou. #ÉtrangeFestival pic.twitter.com/ZiO5CeWglr— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) September 5, 2019
Sans l'ombre d'un doute, le retour aux affaires de l'inestimable Zhang Yimou avec Shadow était, sur le papier, l'événement majeur de cette pourtant très riche édition 2019 de l'Étrange Festival avec, peut-être, la projection de The Lighthouse de Robert Eggers.
Surtout que le bonhomme, passé l'indigeste et formaté blockbuster La Grande Muraille, nous revenait plus de quinze ans après Hero et La Maison des Poignards Volants, au wu xian pian, genre qu'il a révolutionné artistiquement en mélangeant avec une justesse et une complexité rare, une action follement grisante à un drame intime et saisissant.
Résolument moins brillant que ses deux illustres aînés, le dernier né du bonhomme n'en reste pas moins un sommet du cinéma d'art martiaux, puissant et spectaculaire.
©D.R. |
Drame historique articulée autour des circonvolutions d'intrigues de cours parsemés d'empoignades étourdissante et virtuose, la péloche démarre pourtant timidement, en prenant son temps pour installer son canevas imposant de personnages, à la caractérisation incroyable, adaptant l’un des récits de la célèbre saga des Trois Royaumes (défiant l’autorité du seigneur, un gouverneur empoisonné fomente un complot pour envahir une province ennemie avec l’aide d’une doublure), entre manipulations et duperies passionnantes.
Mais dès qu'il entre pleinement dans le feu de l'action, avec un rythme déstabilisant (dans le bon sens) et des scènes de combats à la folie aussi débridée que maîtrisée (le formidable duel pluvieux sous fond de cathare en tête), Shadow grimpe d'un cran dans le merveilleux, avec ses images éblouissantes inspirées autant de la peinture au pinceau et de la calligraphie chinoise (incroyable travail du directeur de la photographie de Zhao Xiaoding et du décorateur Ma Kwong Wing) que des romans graphiques, où un monde fondamentalement sombre et irréaliste (grisâtre, avec des hommes et des femmes au teint plus pale que la moyenne), se voit illuminée par des éclaboussures sanglantes et boueuses.
Une mise en images de l'action proprement renversante, à l'imaginaire et à l'inventivité rare (c'est souvent invraisemblable, mais toujours génial), dominant de la tête et des épaules tout ce que peut nous offrir dans le genre les divertissements ricains actuels, qu'ils soient ou non, super-héroïques.
Fable organique et sauvage à la lisière de l'opéra et du drame Shakespearien, à la symbolique prégnante et étonnamment feminine et masculine (excessive diront sûrement certains), sublimée par une tension romantique excitante, fruit de la codépendance morbide des deux héros (le commandant du roi Yu et son double parfait Jing, tous deux passionnément amoureux de la femme du premier, qui elle-même, est amoureuse des deux hommes), Shadow, certes plus mineur dans son dernier acte (qui conclut tous les arcs précédemment ouvert, avec plus ou moins de justesse), est un sommet du film d'art martiaux pétri de grâce, volontairement effronté et old school.
©D.R. |
Yimou fait parler son talent, laisse la technique enlacer amoureusement l'histoire et des thèmes puissants tout autant qu'il donne une liberté folle à ses images pour mieux exploser nos rétines, et montrer que le grand cinéma est avant tout une histoire de grands cinéastes.
Et il nous le rappelle ici de la plus belle des manières possibles, avec son oeuvre la plus flamboyante depuis longtemps.
Jonathan Chevrier