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[CRITIQUE] : Proxima


Réalisateur : Alice Winocour
Acteurs : Eva Green, Matt Dillon, Lars Eldinger, Zélie Boulant-Lemesle,…
Distributeur : Pathé
Budget : -
Genre : Drame, Thriller.
Nationalité : Français.
Durée : 1h45min.

Synopsis :
Sarah est une astronaute française qui s'apprête à quitter la terre pour une mission d'un an, Proxima. Alors qu'elle suit l'entraînement rigoureux imposé aux astronautes, seule femme au milieu d'hommes, elle se prépare surtout à la séparation avec sa fille de 8 ans.



Critique :


Trois ans après son intense Augustine, qui narrait la relation trouble sur fond de folie entre le professeur Charcot (immense Vincent Lindon) et sa plus célèbre patiente Augustine (la puissante Soko), la prometteuse cinéaste frenchy Alice Winocour nous revenait en 2015 avec le décevant Maryland, véritable film de genre à la française aux atours de séries B US des 90's avec son histoire de femme menacée protégé par un garde du corps puissant mais traumatisée (syndrome post-traumatique à la clé), malheureusement beaucoup trop maladroit pour convaincre.
Pas de quoi cependant, ébranlé notre confiance en son cinéma et en son talent, surtout qu'elle s'est mise en tête de s'attaquer au difficile exercice de l'aventure spatiale pour son troisième long, Proxima, dominé de la tête et des épaules par une Eva Green proprement extraordinaire.
N'usant de la quête des étoiles que comme une toile de fond fascinante pour une intrigue résolument plus terrestre que spatiale (on est plus focalisé sur les exercices de simulations que dans l'odyssée pure et dure dans l'espace), le film suit l'histoire bouleversante de Sarah, une astronaute française qui voit sa vie totalement bouleversée lorsque son rêve de participer à une mission spatiale se réalise : elle est choisie pour être le troisième membre pilier de la mission Proxima, aux côtés de l’Américain Mike et du Russe Anton.



Mais chaque réalisation de rêve à un lourd tribu, et le sien, outre de devoir constamment prouver sa valeur au coeur d'un monde furieusement machiste, c'est celui de devoir abandonner sa jeune fille Stella, avec qui elle entretient une relation plus que fusionnelle...
Plongée fascinante et prenante à la lisière du documentaire (la précision du cadre et des specificités techniques/logistiques, sont d'un réalisme bluffant), tournée dans de véritables centres de formation en Europe - plus précisémment en Russie et au Kazakhstan -, Proxima se sert d'une véracité fouillée et imposante sur la dureté du métier d'astronaute, pour mieux alimenter un drame familial vibrant et intime sur la relation mère/fille et le parcours psychologique d'une femme tiraillée par ses ambitions, ses rêves et sa culpabilité maternelle, totalement mise à rude épreuve par la franchise désarmante d'un petit bout de chou terrifiée à l'idée de perdre le pilier de son existence.
Avec une finesse d'écriture rare, Winocour joue pleinement sur la dualité de cette relation à double-tranchant pour Sarah, aussi contradictoire que cela puisse paraître, sa fille est à la fois le talon d'Achille de ses ambitions, capable de la faire vasciller psychologiquement plus d'une fois, que l'élément moteur de sa vie, la seule lumière d'espoir dans un monde hermétiquement fermé, ou le danger autant de l'espace que des émotions intimes périlleuses, peuvent mener à une mort certaine.
Et c'est par ce choix de funambule loin d'être aisé, que la cinéaste, qui reprend ici un thème charnière de sa filmographie (Augustine et Maryland traitaient aussi de personnages déchirés entre leur vie professionnelle et leur vie privée, entremêlés dans un vrai sentiment de menace oppressante), touche à l'universelle : parler à toute femme qui travaille, qui cumule deux vies - professionnelle et personnelle - et s'engouffre dans un quotiden épuisant, qui fait plus de victimes que l'on pense.



Autant hommage fascinant et plein d'amour pour un métier, une vocation professionnelle surhumaine mais effroyablement douloureuse (des hommes et des femmes qui sacrifient leurs vies, à tous les niveaux), que subtil chantre féministe vers l'inconnu, incarné à la perfection (Eva Green en tête, dont le stoïcisme son perfectionnisme lui offre sa plus belle partition à ce jour, mais aussi la jeune Zélie Boulant-Lemesle, LA révélation du métrage); Proxima est une formidable expérience sensorielle et émotionnelle, doublée de l'un des plus beaux portraits féminins de ses dernières années sur grand écran.
Une oeuvre libre sur la difficulé d'être mère aussi déroutante qu'elle est précieuse, et qui est sans l'ombre d'un doute, l'une des séances les plus indispensables de cette fin d'année ciné 2019.


Jonathan Chevrier