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[CRITIQUE] : Le Chardonneret


Réalisateur : John Crowley
Acteurs : Ansel Elgort, Oakes Fegley, Nicole Kidman, Jeffrey Wright, …
Distributeur : Warner Bros. France
Budget : -
Genre : Drame
Nationalité : Américain
Durée : 2h30min.

Synopsis :
Theodore "Theo" Decker n'a que 13 ans quand sa mère est tuée dans une explosion au Metropolitan Museum of Art. Cette tragédie va bouleverser sa vie : passant de la détresse à la culpabilité, il se reconstruit peu à peu et découvre même l'amour. Tout au long de son périple vers l'âge adulte, il conserve précieusement une relique de ce jour funeste qui lui permet de ne pas perdre espoir : un tableau d'un minuscule oiseau enchaîné à son perchoir. Le Chardonneret.



Critique :


La perte d’un être cher n’est pas un sujet original, la littérature et le cinéma nous ont déjà offert des chef-d’œuvres dans leurs matières respectives, sommet d’émotion sur un passage obligatoire de notre vie à un moment ou un autre. Pourtant, Donna Tartt avait réussi en 2014 à nous émouvoir dans son livre Le Chardonneret, qui a obtenu le prix Pulitzer. Elle y conte la terrible histoire de Theo, un adolescent qui perd sa mère subitement dans une explosion au Metropolitan Museum à New York. Il emporte avec lui ce jour là un célèbre tableau, symbole de sa culpabilité d’être ressorti vivant et de son blocage, de son incapacité à se délester de ce traumatisme. Un roman qui a profondément ému le réalisateur John Crowley, qui nous a précédemment enchanté avec le très doux Brooklyn, porté par Saoirse Ronan en 2016. Il n’est donc pas étonnant de le voir adapter cette histoire pour le grand écran, avec un casting aux petits oignons : Ansel Elgort, Nicole Kidman, Sarah Paulson et le petit Oakes Fegley de Peter et Elliott le dragon (qui a bien grandi).


Le Chardonneret, titre du film est aussi le titre du fameux tableau, qui existe réellement. Peint par Carel Fabritius au XVIIe siècle, il est devenu tristement célèbre après un incendie qui a coûté la vie au peintre et a emporté avec lui presque toutes ses œuvres. Sauf une, ce petit tableau représentant un oiseau attaché. Ce même tableau que Theo et sa mère admireront avant une énorme explosion qui l’emmènera elle et tant d’autres loin des vivants. Pour Theo, c’est un choc. D’un seul coup, il n’a plus personne (son père étant aux abonnés absents depuis plusieurs années). Pour on ne sait quelle raison au départ, il embarque avec lui le tableau de Fabritius et le cache. Il ne le regarde même pas. Il représente ce funeste jour, et Theo a bien évidemment du mal à s’en remettre. Parce qu’il ressent une intense culpabilité, d’être celui qui est resté, alors qu’ils étaient au musée à cause de lui. On ne se remet pas du fait de perdre quelque chose qui aurait dû être immortel nous dit une voix off au début du film, alors que la version adulte de Theo frotte une chemise pleine de sang. Cette phrase est répétée une seconde fois par Hobie, antiquaire qui a fini par recueillir le garçon, à propos du tableau et de l’art en général. Les deux aspects dont Le Chardonneret est le symbole : la perte humaine, autant qu’artistique. Theo a perdu sa mère et enlève également au monde de la peinture un précieux tableau.


Le film brasse plusieurs sujets, et va et vient dans le temps, entre l’adolescent, joué par Oakes Fegley et l’adulte. Theo est recueilli un moment par la famille Barbour, famille huppée de New York, richissime et classieuse. Madame Barbour, campée par Nicole Kidman finira par s’attacher profondément à l’enfant, qui lui sera enlevé par le père, alcoolique, vivant au fin fond du désert du Nevada, qui espère de son fils uniquement des sous qu’il va hériter de sa mère. Une lutte des classes s’installe, entre la famille Barbour, froide, hautaine mais qui lui apporte éducation, l’amour d’une mère et la chaleur du Nevada, entre un père alcoolique, une belle-mère dealeuse qui l’oblige à s’éloigner du foyer. Theo va de tragédie en tragédie, trimbalant le tableau comme une bouée de sauvetage. Une bouée empoisonnée.
ll fallait bien deux heures et demi pour adapter correctement le pavé écrit par Donna Tarrt. Pourtant, pendant le générique, une curieuse sensation se fait sentir, un sentiment d’inachevé. Parce que finalement, John Crowley n’aura qu'effleurer son sujet, sans jamais rentrer au cœur du récit. L’attentat, montré d’une façon disparate durant le film n’est qu’un outil scénaristique pour créer du mystère et non de l’émotion. Le réalisateur ne fait que relater, ne va jamais chercher plus loin dans sa mise en scène pour sonder ses personnages. Pourtant, Theo est torturé. Sa vie entière est tragique.


Mais le spectateur ne ressent pas sa détresse, car Le Chardonneret ne gratte jamais le vernis sous la surface. Crowley commence enfin à créer quelque chose quand son personnage rencontre Boris, un jeune ado aussi amoché que lui. Deux êtres qui connaissent la perte d’une mère autant que la perte de repère. L’alchimie entre Oakes Fegley et Finn Wolfhard est palpable, mais le charme prend fin brusquement et le film repart sur son petit train tranquille, dévoilant l’histoire d’une manière, allez on ose le dire, qui ennuie profondément.
Le Chardonneret est un film paradoxal, à la fois lent, ampoulé mais qui expédie par dessus la jambe toute psychologie poussée de ses personnages. Un pari manqué.


Laura Enjolvy