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[CRITIQUE] : La Femme de mon Frère


Réalisatrice : Monia Chokri
Acteurs : Anne-Élisabeth Bossé, Patrick Hivon, Sasson Gabai, Evelyne Brochu, ...
Distributeur : Memento Films Distribution
Budget : -
Genre : Comédie
Nationalité : Canadien
Durée : 1h57min

Synopsis :
Montréal. Sophia, jeune et brillante diplômée sans emploi, vit chez son frère Karim. Leur relation fusionnelle est mise à l’épreuve lorsque Karim, séducteur invétéré, tombe éperdument amoureux d’Eloïse, la gynécologue de Sophia…



Critique :

Après un début remarqué en tant que réalisatrice, avec son court-métrage Quelqu'un d'extraordinaire, où elle a gagné bon nombre de prix, Monia Chokri est passé au long-métrage.  Présenté en ouverture à la section Un Certain Regard du Festival de Cannes de mai dernier, La femme de mon frère a même gagné le prix du jury. Premier long-métrage drôle et touchant, le film est prometteur et montre le talent de Monia Chokri pour nous dépeindre des personnages nuancés.
Assez peu connu en France, Monia Chokri est une actrice reconnue dans sa région natale, le Québec. Les fans l’auront reconnu grâce à Xavier Dolan, avec qui elle a joué dans Les Amours Imaginaires ou dans un des films les plus remarqués du réalisateur Laurence Anyways. Avec son premier film, elle nous dévoile sa personnalité haut en couleur et attachante, dans un film tiré de sa propre vie, comme nous l’a expliqué brièvement la réalisatrice venue présenter son film en avant-première.


La femme de mon frère s’intéresse à Sophia, trente-cinq ans, qui vient à peine d’obtenir son doctorat. Mais, il lui est difficile de trouver un boulot dans sa branche et elle se voit contrainte de squatter chez son frère, dragueur invétéré. Cette situation ne dérange ni l’un ni l’autre, car ils ont ce qu’on appelle une relation fusionnelle. Ils se complaisent uniquement de leur compagnie, car aucun des deux ne sont intéressés par avoir une vie de couple. Sophia est plutôt découragée par sa situation financière et Karim n’a pas l’air de rechercher une relation fixe. Pourtant, c’est le biais de sa sœur qu’il va rencontrer une femme qui l’intéresse, avec qui Karim va vouloir aller plus loin que le coup d’un soir, pour le plus grand malheur de Sophia. Elle qui vivait protégée par l’amour rassurant de son frère, va devoir se gérer toute seule, aussi effrayant que cela puisse être.
Nous sommes impressionnés par le ton humoristique de La femme de mon frère, qui avec des dialogues savoureux et maîtrisés, arrive à créer un dynamisme agréable, avec une mise en scène créative, qui se réinvente à chaque séquence. Cette pluralité de ton donne lieu à des scènes qui devraient être dramatiques ou sérieuses, mais grâce au talent de Chokri, elles se transforment en comédie mordante. On pense notamment à cette géniale scène d’avortement, où la réalisatrice la filme comme un non-événement, car il sera le lieu de rencontre entre Karim et Éloïse. Le choix de Sophia n’est jamais abordé ou même jugé, car c’est Karim qui prime. Cette scène, qui est pourtant un pivot dans la vie de Sophia ne l’est pas à cause de son IVG, mais à cause du début de la relation de son frère.


Le film de Monia Chokri dresse aussi un constat alarmant sur notre société, qui pousse les jeunes à faire des études, mais qui les lâche en cours de route. De nombreux jeunes surdiplômés, comme Sophia, se retrouvent à faire un boulot clairement en dessous de leurs études. Dans notre société superficielle, où la réussite (même minime) est au centre de tout, comment ne pas tomber de haut et de dépit. C’est avec une belle énergie et un montage acéré que la réalisatrice nous montre tout cela : rien que la séquence du début, frontale, violente par les changements de plans donne le ton : la vie professionnelle de Sophia ne va pas être de tout repos. Monia Chokri arrive à trouver une justesse émouvante quand elle peint la famille dysfonctionnelle de Sophia et Karim : les repas sont les séquences les plus folles, avec des dialogues fusant dans tous les sens.
Porté par l’excellente prestation de Anne-Élisabeth Bossé, La femme de mon frère est un film un peu fou, à l’énergie communicative. Une belle surprise et un énorme coup de cœur.


Laura Enjolvy