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[CRITIQUE] : Capharnaüm



Réalisateur : Nadine Labaki
Acteurs : Zain Alrafeea, Yordanos Shifera, Nadine Labaki,
Distributeur : Gaumont Distribution
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Libanais, Français.
Durée : 2h03min.

Le film est présenté en clôture du Festival de Cannes 2018

Synopsis :
À l’intérieur d’un tribunal, ZAIN, un garçon de 12 ans est présenté devant le JUGE.
LE JUGE : « Pourquoi attaquez-vous vos parents en justice ? »
ZAIN : « Pour m’avoir donné la vie. »



Critique :


Comme assez souvent à Cannes, alors que le jury vient de rendre son palmarès, les cinéphiles eux, débattent en trouvant toujours le moyen d'annoncer qu'un tel où un tel à été honteusement oublié, ce qui n'est décemment pas faux cette année (Burning et Leto en tête, sans oublié la formidable Zao Thao pour Les Éternels), mais tout de même, gageons que les prix remis par la troupe de (Queen) Cate Blanchett, furent pleinement justifiés - dans la généralité - et infiniment dans l'air du temps d'un Festival un poil plus impliqué dans certains combats, qu'à l'accoutumée.
Tous donc, même Capharnaüm et ses retours presses mitigés.
Nouveau long-métrage de la réalisatrice Nadine Labaki (le sublime Et Maintenant on va où), Capharnaüm joue jusqu'à l'extrême la carte de l'empathie et de l'émotion en contant l'histoire bouleversante d'un jeune garçon, Zain, accusé d'avoir poignardé quelqu'un et qui dans les tréfonds douloureux d'un Liban en souffrance, intente un procès à ses parents pour lui avoir donné la vie.



À hauteur d'enfants et avec une mise en scène intimiste proche du documentaire - à la caméra alerte -, la cinéaste concocte avec colère et flashbacks affûtés, une charge contre les dérives d'une société broyée par la misère où les parents sont jugés irresponsables tant ils abandonnent - quand ils ne sont pas obligés de les vendre où de les marier de force - leurs plus jeunes pousses, engoncées dans des bidonvilles de Beyrouth, pour les forcer à travailler plutôt que de s'instruire à l'école.
Époustouflant et immersif dans sa première heure (ou le spectateur 
prend totalement fait et cause du brillant Zain Alrafeea), le film se fait pourtant infiniment plus lourd dans sa seconde moitié, où la surenchère d'émotions devient infiniment moins subtile, tout comme la rigueur de son propos, avec l'arrivée d'une jeune femme sans papiers, accueillant le jeune héros - et lui ajoutant un jeune bébé dans les bras.




Larmes en gros plans et dialogues surlignant à outrance la leçon de morale- pourtant louable - de la cinéaste (sans oublier le score pesant en prime), qui se permet même une présence pas forcément juste; Capharnaüm se veut fort (ce qu'il est), trop fort, quitte à se brûler les ailes avec ses immenses ficelles scénaristiques.
Pas toujours fin dans l'expression de ses intentions donc, mais important dans sa volonté de mettre en lumière une vérité révoltante beaucoup trop poussée au mutisme, Capharnaüm est un beau et vibrant portrait d'une enfance obligée d'entrer dans la dureté de l'âge adulte presque dès la naissance, un puissant torrent d'émotions auquel il est parfois bien difficile de résister.

Jonathan Chevrier




Larmes abondantes et applaudissements prolongés : Capharnaüm est sans aucun doute le film qui a suscité le plus d’engagement émotionnel chez les festivaliers cannois cette année.
Comme la bande-annonce le laisse si bien présager (avec pertes et fracas), le jeune Zain attaque ses parents en justice “pour l’avoir mis au monde” : il sera donc dans Capharnaüm question de suivre la vie insoutenable de cet enfant et de comprendre ce qui l’amène à intenter un procès à ses parents. D’ailleurs, symboliquement, son avocate est interprétée par Nadine Lababki, la réalisatrice - qui n’oublie pas de se faire jeter au visage par la mère de Zain qu’elle “ne connaît rien à sa vie” et n’est donc pas en capacité de juger. Malin.


Le 17 mai 2018, le mot “misérabilisme” a été réhabilité pour l’occasion par les festivaliers les plus critiques qui en on ensuite usé et abusé jusqu’au terme du festival où Capharnaüm a finalement remporté le Prix du Jury. Capharnaüm ne satisfait pas tous les publics, mais il demeure évident que la volonté est plutôt de dénoncer. Les moyens employés pour ce faire sont certes dantesques (et la durée du film conséquente, il accuse ses deux heures) mais la complaisance n’est pas de la partie.
Le plus intéressant dans ce film - pour qui n’a pas de cœur, comme le rédacteur de cet articles sans aucun doute - demeure le “capharnaüm” évoqué dans le titre. Beyruth est filmée comme un monstre aux multiples facettes, plus terribles les unes que les autres, dans lesquelles Zain est systématiquement désorienté, en proie aux éventualités les plus atroces. Il est enfermé dans le cadre (un très beau 2,35:1 au demeurant), cerné par le mixage sonore et le montage ne lui laisse pas une seconde de répit : l’immersion est absolue et terrifiante. Zain est livré à lui-même, ceux qu’ils rencontre sont autant d’ennemis, tout peut arriver et le public le sait : le film est particulièrement efficace à ce niveau. Il endosse un véritable statut de drame en s’éloignant du “film social” qu’il aurait pu rester par facilité.


On ne peut finalement que regretter que le nombre de ses péripéties et par conséquent la durée générale du film ; on en vient presque à douter de ces mésaventures tant il semble que l’engrenage sordide n’ait pas de limites. Le trop est l’ennemi du bien, faire plus court aurait pu être plus percutant.


Augustin Piétron