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[1 CINÉPHILE = 1 FILM CULTE] : Drive


#19. Drive de Nicolas Winding Refn (2011)

" J'ai découvert sur le tard le cinéma de Nicolas Winding Refn, au détour du film Bronson mais surtout d'un coffret DVD de la trilogie Pusher, dite trilogie qui m'a très vite fait tomber in love de son acteur fétiche, Mads Mikkelsen (), mais qui m'a surtout fait réaliser que le bonhomme, à l'instar de ce bon vieux Quentin Tarantino, est de ces cinéastes merveilleux qui partagent plus que de raison leur amour du septième art, et qui s'échinent à rendre hommage aux cinéastes qui - comme nous - ont bercé leur enfances.
Passé un rattrapage mignon de toute sa filmographie (achats frénétiques à la FNAC en prime), il était donc devenu vite vital que je découvre enfin une oeuvre du cinéaste sur grand écran, histoire d'encaisser dans les meilleures conditions possibles, une de ses claques en bon et du forme.
Heureux hasard, c'est le bien nommé Drive qui se mit le premier sur mon insatiable chemin.
Une bonne nouvelle en soi puisque le bonhomme avait en plus eu le bon gout de faire de l'un de mes acteurs fétiches, Ryan Gosling, sa vedette titre.
C'est un doux euphémisme que de dire que j'attendais énormément de ce film (surtout après son joli boucan Cannois), à tel point que j'avais soigneusement réservé tout mon mercredi pour me le refaire en boucle en cas de gros coup de coeur.
Et ce fut le cas, deux séances coup sur coup, deux putains d'uppercuts dans les gencives et une confirmation que Refn allait gentiment mais sûrement figurer parmi mes cinéastes chouchous pendant un bon moment.



Dès l'ouverture, la bande éblouit.
Au téléphone, le " driver " - le surnom que tout le monde lui donnera - dicte ses conditions à des complices d'un soir : s'ils réussissent à regagner la voiture dans les délais impartis (cinq minutes, et pas une seconde de plus), il s'engage à les faire passer entre les mailles des forces de police et les mener en lieu sur.
Aucune autre indication sur l'action, le casse se passe hors champ, la caméra reste vissée dans l'automobile : nous attendrons jusqu'à l'arrivée des braqueurs.
Dès lors, la poursuite commence, et son rythme est des plus... inhabituel.
Tout en maitrise de soi, le driver roule à une allure lente, glisse en douceur dans les recoins invisibles aux patrouilles policières, avant d'appuyer sur l'accélérateur quand cela sera réellement nécessaire.
Cette souplesse dans l’exécution, cette quiétude mêlée à une incroyable confiance en un talent inné, cette Chevy Impala 2011 en alerte, filant dans la nuit d'un Los Angeles de rêve; voilà comment le tandem Gosling/Refn introduit d'une manière grandiose son chef-d’œuvre pur et simple.
Chez Michael Mann, le roi de Los Angeles, on visite la ville dans ses coins les plus paradisiaques comme dans ses coins les plus sombres : chez Refn, on arrive à la redécouvrir, tumultueuse, cotonneuse, merveilleuse, envoutante...
Quelque part entre Kubrick (les effets de lumières éclaboussés sur les fenêtres, les longues poses iconiques, les longs travellings,...), Cronenberg (pour son éruption de violence âpre et limite dérangeante), Hill (pour les figures stylistiques du genre western, transposées à l'intérieur d'un cadre urbain) et Mann (pour la vision de Los Angeles donc, mais aussi sa manière réaliste de filmer les scènes d'actions), la bande est un véritable OFNI fantastique.
Les poursuites, rares mais solides, sont orchestrées avec virtuose et génie, tout comme la subtile alliance des éléments contradictoires du récit : une violence crue et viscérale liée à une beauté visuelle picturale, une froideur d’exécution liée à une romance douce et poétique.



Car au-delà du polar savamment burné, Drive est aussi une belle et impossible histoire d'amour.
Deux amants maudits en quête d'un Éden qu'ils ne trouveront malheureusement jamais, un amour des extrêmes qui atteindra son paroxysme dans une inoubliable séquence d'ascenseur, où dans un langoureux baiser, les deux cèleront à la fois la passion qui les unit, et leur séparation...
Plus qu'une claque, le film est un coup de maitre d'une retenue et d'une humanité rare, un bolide innaretable en route vers le panthéon des péloches cultes et dont la B.O., complétement planante (de l'éléctro-pop tout droit sortie des eighties), obsède encore longtemps après la vision du métrage.
Cliff Martinez et son score monumental ajoute indéniablement lui aussi sa pierre à l'édifice, cristallisant la beauté de la relation amoureuse entre le driver et Irène, tout en nous plongeant dans la noirceur la plus totale lorsque le héros se lance dans une violence compulsive - mais nécessaire.
Sous ses faux airs de superhéros, avec son blouson et son symbole de scorpion - et même un masque -, le driver (et indiscutablement Ryan Gosling aussi, parfait en justicier aussi mutique que magnétique) revisite le mythe du vengeur, du protecteur, du héros qui cherche à faire le bien avec sa part de noirceur.
Dans un sens, on est même pas si loin que cela de la relecture de Batman aka Bruce Wayne, signé par Christopher Nolan via sa vénérée trilogie The Dark Knight, tout autant héros torturé et sombre, mais le côté mélancolique, le romantisme exacerbé et l'innocence en moins.
J'ai connu de nombreuses belles premières fois dans une salle obscure (y'a du double sens là-dedans, c'est voulu), mais ma première rencontre sur grand écran avec Nicolas Winding Refn elle, fait décemment partie de mes plus mémorables."


Jonathan Chevrier

Plus ou moins fils spirituel du Dude et du Zohan réunis, cinéphile/cinévore/cinémaniaque convaincu depuis mon premier battement de cils, je voue un culte sans borne à Sylvester Stallone. Biberonné aux séries B, les salles obscures sont mes secondes maisons et je fonds comme un vampire au soleil sans ma dose quotidienne de bonnes péloches.