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[CRITIQUE] : Juste la Fin du Monde


Réalisateur : Xavier Dolan
Acteurs : Gaspard Ulliel, Vincent Cassel, Nathalie Baye, Marion Cotillard, Léa Seydoux,...
Distributeur : Diaphana Distribution
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Canadien, Français.
Durée : 1h35min.

Synopsis :
Après douze ans d’absence, un écrivain retourne dans son village natal pour annoncer à sa famille sa mort prochaine.
Ce sont les retrouvailles avec le cercle familial où l’on se dit l’amour que l’on se porte à travers les éternelles querelles, et où l’on dit malgré nous les rancoeurs qui parlent au nom du doute et de la solitude.



Critique :



Avec à peine cinq films (en cinq ans) à son compteur de réalisateur, le petit cinéaste de génie Xavier Dolan est pourtant ce que le cinéma francophone a pondu de mieux depuis bien longtemps.
Fraîchement débarqué de son Canada natal en 2009 avec le très beau J'ai Tué ma Mère, il a su depuis se faire une place bien au chaud dans la psyché de tout cinéphile un minimum endurcis, via l'excellent Les Amours Imaginaires, le sublime Laurence Anyways ou encore le puissant Tom à la Ferme, thriller psychologique et Hitchockien sur le deuil amoureux.

Mais c'est avant tout et surtout avec son chef d'oeuvre Mommy, que le bonhomme a décemment mis tout le monde d'accord, raflant en prime le Prix du Jury sur la Croisette en 2014.
Sans doute le bonhomme le plus doué de sa génération, tout simplement.



Méchamment attendu au tournant (pouvait-il faire mieux que Mommy, censé être l'apogé de son cinéma ?) sur la même scène Cannoise en mai dernier avec son adaptation de la pièce de théâtre Juste la Fin du Monde de Jean-Luc Lagarce, porté par un casting de indécent de talent (Gaspard Ulliel, Marion Cotillard, Vincent Cassel, Léa Seydoux et Nathalie Baye), Dolan prouve non seulement avec son sixième long qu'il n'a jamais été aussi ambitieux (un anti-mélodrame complètement hors de sa zone de confort), mais également qu'il assume pleinement sa singularité dans un septième art mondial ou il est décemment, l'un des nouveaux maillons les plus insaisissables.

Avec son intrigue simpliste étalée sur plusieurs heures et sous forme de quasi-huis-clos (tout se passe, ou presque, à l'intérieur de la maison familiale), s'appuyant totalement sur ses personnages (que ce soit sa mise en scène, majoritairement composée de gros plans, ou son scénario, incroyablement riche et profond), Juste la Fin... conte comment un jeune homme, Louis, toujours bien vivant mais à l'âme déjà engoncé dans les doigts squelettiques de la grande faucheuse, rentre chez lui avouer à des proches qui ne le sont plus réellement, que ses derniers jours sont comptés (sans que l'on sache réellement la cause de sa maladie, que l'on suppute être le SIDA, comme celle qui a emporté Lagarce).



Le voir renouer tout du long avec une famille qu'il ne voit plus mais qui le porte pourtant aux nues -  que ce soit sa mère aimante ou sa jeune soeur admiratrice -, à coups de discussions tantôt drôles, tantôt amères, sous fond de rancoeurs familiales; aurait des faux-airs de déjà-vu si le cinéaste ne prenait pas dès les premiers instants, son spectateur à la gorge pour ne plus jamais le lâcher, dans un tourbillon émotionnelle qui bouscule tout sur son passage.D'une manière assez étrange compte tenu de son cinéma démonstratif, dépouillé de toute hystérie, de toute folie pop - ou presque -, comme s'il remettait son oeuvre en cause pour la première fois; Dolan embrasse cette fois avec un minimalisme poétique et puissant (les regards suffisent plus que les mots), la dureté de cette chronique étouffante et chaotique d'un être embaumé par le parfum de la mort, et dont le coeur se défait à mesure que le film avance tout autant que le temps.

A l'écran, si la majestuosité de sa mise en scène serrée fait des merveilles dans sa volonté d'aller constamment droit au but (quitte à en dérouter plus d'un), sa direction d'acteur elle, n'en est que plus forte, tant de Vincent Cassel (incroyablement juste), à Nathalie Baye, sublime en mère tout droit sortie d'un film d'Almodovar (elle n'a pas été aussi convaincante depuis longtemps) en passant par la belle Marion Cotillard (touchante de délicatesse en belle-soeur effacée); tous gravitent avec exception autour d'un Gaspard Ulliel en tout point magistral.
Tutoyant la perfection quand il est dirigé par des cinéastes de talents (remember Bonello sur YSL), il est l'objet de fascination majeur du métrage, dans ce qui est, sans doute, son meilleur rôle à ce jour.



Toujours aussi dense, lyrique et sophistiqué, sans doute son oeuvre la moins abordable vu son âpreté et sa théâtralité assumée, mais aussi sa plus captivante; Juste la Fin du Monde est un drame asphyxiant, fascinant et sensible à l'extrême sur une famille décomposée, par un cinéaste aussi amer que désinvolte, qui maîtrise les codes du mélodrame comme personne et n'a jamais paru autant éloquent caméra au poing.

L'un des plus beaux et nécessaires moments de cinéma de l'année 2016, tout simplement.


Jonathan Chevrier


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