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[CRITIQUE] : Jersey Boys



Réalisateur : Clint Eastwood
Acteurs : Christopher Walken, John Lloyd Young, Erich Bergen, Vincent Piazza, Michael Lomenda, Kathrine Narducci,...
Distributeur : Warner Bros. France
Budget : -
Genre : Musical, Biopic.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h14min.

Synopsis :
Quatre garçons du New Jersey, issus d'un milieu modeste, montent le groupe "The Four Seasons" qui deviendra mythique dans les années 60. Leurs épreuves et leurs triomphes sont ponctués par les tubes emblématiques de toute une génération qui sont repris aujourd'hui par les fans de la comédie musicale… 
 


Critique :

Certains se demandent encore pourquoi le grand Clint Eastwood, après quelques films en demi-teinte (Au-Delà surtout), s'est-il entiché d'une comédie musicale à succès/biopic d'un groupe culte, pour en faire son nouveau long-métrage.

Peut-être ont-ils oubliés que le bonhomme est plutôt doué dans le genre musical, car outre le country Honkytonk Man, il nous a offert ni plus ni moins que l'un des meilleurs biopics musicaux de ses trente dernières années, Bird, qui permit en prime au précieux Forest Whitaker de démontrer à la face du monde, toute l'étendue de son incroyable talent dans la peau du jazzman Charlie Parker.

Et puis, dans un sens, difficile de ne pas admettre que cette nouvelle péloche suit tout simplement la droite lignée d'Invictus, mais surtout de J.Edgar, lui aussi biopic d'un personnage important de l'histoire ricaine.
Jersey Boys a donc sur le papier, des faux-airs de retour aux sources un poil salvateur, en attendant l'arrivée dans les salles obscures de sa potentiellement fructueuse association d'avec Bradley Cooper, pour l'alléchant American Sniper.


Le film suit donc l'histoire vraie et sans voile, du groupe Four Seasons emmené par Frankie Valli, quatre petits malfrats italo-américains du New Jersey devenus des icônes de la musique - voir même dans un sens, le premier boys band de l'histoire avant d'être complétement balayés par les Beatles -, durant les années soixante, auteurs de standards tels que « Can't Take My Eyes off You », « Sherry », « Big Girls Don’t Cry », « Walk Like a Man » ou encore « December 1963 (Oh, What a Night) », et ayant vendus plus de 100 millions d'albums.

Et si l'on jurait tous que la carrière du toujours fringuant Clint - 84 printemps au compteur - devenait de plus en plus déséquilibré, force est d'admettre que le bonhomme rectifie complétement le tir en offrant aux spectateurs un divertissement aussi enthousiasmant qu'entrainant sur une histoire inconnue par chez nous, mais véritablement légendaire outre-Atlantique.

Adapté de la comédie musicale éponyme et véritable carton à Broadway, Eastwood s'amuse à démystifier le rêve américain vécue par ses quatre jeunes hommes de talents, partis de rien et ayant gouté aux joies de la célébrité beaucoup trop tôt et trop vite.
Une story bigger than life - et typiquement ricaine - sur les étoiles aussi bien montantes que filantes de l'industrie du spectacle, qui ne savent pas forcément gérer leur succès, leurs querelles individuelles, leurs frustrations, et encore moins rester durablement au sommet puisque le star-système ne donne que trop rarement des brochures à ses nouveaux adhérents pour mieux y perdurer.

Pas de quoi légitimer un biopic dit comme ça - quoique, on en a produit pour moins que ça -, tant le pitch en lui-même ne brille pas par son originalité, et que le groupe n'a pas forcément retenue l'attention a coups de scandales ou de frasques diverses.
Et pourtant, le cinéaste va offrir une vision de l'intérieur et profondément psychologique du processus de création de ces quatre hommes, propres sur eux et à l'image conservatrice, dont le rise and fall a tout d'une chronique méchamment passionnante.


Prenant comme point de départ leurs origines, l'amitié entre Tommy DeVito et Frankie Castelluccio (rebaptisé plus tard Valli), deux ados de Belleville, qui n'ont que pour choix d'avenir l'armée, la mafia ou la chanson grâce à la voix d'ange du Frankie, à leur rencontre avec l'excellent compositeur Bob Gaudio et leur inévitable montée au sommet (sans oublier la greffe au trio de Nick Massi) grâce à la protection de leur manager/parrain local Angelo 'Gyp' DeCarlo, Eastwood suit pas à pas leur évolution jusqu'à nos jours, avec un soucis du détail impressionnant.

Via un récit compté mille fois, à la fois conventionnel, un poil caricatural et prévisible mais clairement bien plus complexe qu'il n'y parait et trouvant souvent la note juste, il évoque même nombreux de ces thèmes chers : l'amitié, les inimitiés, la trahison, les conflits d'égo, les problèmes familiaux ou encore le sacrifice personnel.

Nostalgique, enthousiasmant, sobre et savant dosage entre chant et drame - sans qu'aucun des deux ne soit trop écrasant -, et doublé d'une vision assez improbable du film de gangster, via le personnage du manager/parrain du groupe, mélomane et protecteur sensible - joué par l'inestimable Christopher Walken - , Jersey Boys est parcourut d'une maitrise et d'une rigueur étonnante, notamment visible dans son refus de voix-off, préférant l'aspect minimaliste et proche de son spectateur, avec successivement, un commentaire face caméra de chaque personnage, chacun leur tour.

Une vision en aparté hautement original et en plusieurs temps, de montrer de multiples points de vues pour faire avancer le but premier de l'intrigue,  qui permet également aux deux moteurs du groupe, Bob Gaudio et Frankie Valli, de donner leur version des faits de cette incroyable épopée pop-rock.


Dommage donc, que le Clint s'entête à suivre une trajectoire un peu trop académique, ne s'autorisant que très peu de digression sur la vie privée de ses héros - mis à part celle de Valli -, et se montrant très pudique sur certains points, notamment celui de la drogue filmé avec beaucoup de pudeur.
Au point que parfois, on se laisse aller à penser à ce qu'un cinéaste au style plus punchy comme Martin Scorcese - à qui un tel projet irait comme un gant - aurait pu faire d'un tel matériau.

Mais parfois seulement, car via une direction artistique époustouflante, un rythme dynamique - malgré quelques longueurs - et quelques clins d’œils savoureux (du cinéma de Scorcese au caméo de Clint himself à la télé, en passant par les références à Liberace mais surtout le génial Joe Pesci, un des premiers managers du groupe !), Eastwood démontre qu'il a rarement été aussi inspiré ces dernières années, sa caméra paressant plus fluide et libre que jamais - il cite même parfois dans sa maestria, aussi bien le Rusty James de Coppola que le récent chef d'oeuvre des frangins Coen, Inside Llewyn Davis.

Mieux, dans une reconstitution des 50's/60's parfaite, pour montrer le parcours de ses jeunots sauvés d'une vie de gangster par la musique, le bonhomme à l'intelligence de ne choisir que des inconnus - ou presque, Vincent Piazza à déjà montré son minois dans Boardwalk Empire - dans son casting, de l'excellent Erich Bergen (Gaudio) au franchement impressionnant John Lloyd Young (Valli), d'une puissance vocale exceptionnel dans un rôle qu'il connait sur le bout des ongles puisqu'il le campe depuis plusieurs années sur scène.

Sincère, émouvant, élégant, à la fois vintage et moderne et d'une science du cadre presque sans nul pareil, Jersey Boys est la preuve que ce bon vieux Clint n'a clairement pas fini d'éblouir son monde, et que la magie de son cinéma n'a toujours rien perdu de sa superbe, malgré quelques absences en cours de route dans les toutes récentes lignes de sa filmo.


Une comédie musical légère et plus que simplement sympathique, classieuse et entrainante, dont les tubes trottent joliment dans les têtes même plusieurs heures après sa vision.

C'est ce qu'on appelle un pur feel good movie, un vrai moment de cinéma de la part d'un maitre.

Vivement la suite - American Sniper - que l'on attend désormais avec une encore plus furieuse impatience.


Jonathan Chevrier


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