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[CRITIQUE] : Rampart

 

Réalisateur : Oren Moverman
Acteurs : Woody Harrelson, Robin Wright, Steve Buscemi, Ice Cube, Ben Foster, Sigourney Weaver, Cynthia Nixon, Anne Heche, Ned Beatty,...
Distributeur : Metropolitan FilmExport
Budget : -
Genre : Policier, Drame.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h47min.

Synopsis :
L’officier de police Dave Brown est connu depuis toujours pour ses méthodes expéditives et sa tendance à franchir toutes les lignes. Lorsque la vidéo d’une raclée qu’il administre à un suspect se retrouve sur toutes les chaînes de télé, tout le monde se décide à lui faire payer l’addition. Face au scandale qui pourrait mettre en lumière les pratiques douteuses de la police, ce spécialiste des excès en tous genres fera un magnifique exemple…

Coincé entre sa hiérarchie, ses ex-femmes, ses filles et ses peurs qu’il cache comme il peut, Brown va être écrasé, broyé, poussé à bout pour n’être plus que lui-même, loin de son arrogance et de ses méthodes de cow-boy. Cela suffira-t-il à le racheter ?


Critique :

Woody Harrelson ou, n'ayons pas peur des mots, l'un des putains d'acteurs les plus talentueux et mésestimés de ses vingt dernières années outre-Atlantique - au même titre que les excellents John Cusack et Matthew McConaughey - mais surtout l'exemple parfait du comédien bouffé et rejeté par le système Hollywoodien, parce qu'il n'a jamais voulu se conformer à son rude et cruel despotisme.

Rôles enrichissants mais polémiques (Tueurs Nés d'Oliver Stone, Larry Flint de Milos Forman), des flops successifs au box-office (The Hi-Lo Country de Stephen Frears notamment), une existence rangéeà l'écart du brouhaha de la mégalopole (il vit avec sa famille à Maui) et un penchant certain pour monter au créneau et élever la voix quand ses convictions le lui impose (il est un fervent militant écologiste)...
Bref, tout ou presque pour qu'Hollywood la putain lui chie dans la bouche plutôt que de lui rouler une franche et mérité pelle avec beaucoup de langue.

Pas étonnant donc que le bonhomme préfère comme terrain de jeu le cinoche classieux et moins exigeant - sauf sur la qualité - indé, bien plus propice à lui offrir du boulot, mais surtout à lui permettre de composer des rôles mémorables.
Déjà du très bon premier film d'Oren Moverman, The Messenger - ou il campait, avec Ben Foster, un soldat charger d'annoncer aux familles le décès d'un de leurs proches sur le champ de bataille - le voilà donc de nouveau e, tête d'affiche du second, l'ambitieux Rampart, portrait nerveux (mais pas que) d'un flic corrompu jusqu'à l'os, au titre évoquant fortement justement, le scandale éponyme, qui aura salement fait tremblé la Cité des Anges.


Inutile de dire que passé derrière la série The Shield, mère triomphante et inspiratrice des adaptations de la corruption policière, mais également derrière la sublime Southland, et la filmo du respectable David Ayer, pour révolutionner la riche et fascinante mythologie de la LAPD, aurait été une mission impossible pour le Oren, sans la présence puissante au scénario de James Ellroy, l'écrivain maitre absolu du genre, auteur ici d'une intrigue plus que béton et surtout affreusement réaliste, complexe et moderne.

Car plus qu'une féroce, perverse et complexe description des dérives du poulet Dan Brown, machiste, raciste et brutal, lâché par sa hiérarchie après la bavure de trop, Rampart est avant tout une mise en lumière, un constat vibrant et éprouvant d'une société US pourrie par ses fractures sociales et son patriotisme abusif.
Incapable de contenir la colère des hommes qu'elle a elle-même armés et façonnés pour la protéger, incapable de " récompenser " ceux qui sacrifient littéralement leur vie pour la servir, incapable de rassurer ses citoyens vu qu'elle constitue elle-même ses plus profondes et dangereuses menaces, et encore moins capable de tirer la moindre leçon de ses perpétuels échecs et erreurs; le duo Moverman (décidément, un cinéaste à suivre de très près) et Ellroy y montre une Amérique malsaine, au bord de l'implosion et sans cesse sur le qui-vive des causes de ses penchants conscient pour la brutalité sans limite et la quête du pouvoir totalitaire et incontestable.

Qu'il soit un soldat faisant " la démocratie " sur les terres afghanes et irakiennes, ou un flic poussant abusivement au respect de la (sa) loi dans la rue, le bien nommé Dave Brown n'est que la personnification sans détour de la face sombre et infiniment noir d'un pays aussi perdue et détestable qu'attirant et fascinant, porteur d'un rêve qu'il ne s'efforce pourtant même plus à incarner.


Théâtre parfait des inégalités sociales du pays - les riches ont le pouvoir et la sécurité, tandis que les pauvres sont parqués dans des zones " à risques " - Los Angeles n'est que rarement apparu aussi bouillonnante, sulfureuse et desespérée.

Magnifié par une mise en scène inspiré et errante, entre cadrages larges écrasé par la chaleur et plans à l'épaule au plus près du visage de son héros, cette étude radicale, primaire mais nécessaire d'un agent sali et redoutable - et surtout bien loin de n'être qu'un simple cas isolé - n'aurait certainement pas eu le même impact dans la rétine de son spectateur sans l'interprétation monumental d'un Harrelson habité, tout en virilité violente.
Dans sa composition la plus brillante et impressionnante depuis Larry Flint, il éclabousse la pellicule de son charisme animale dans la carcasse inconfortable et difficile à soutenir de Brown, chien fou incontrôlable, capable du pire et suscitant souvent une profonde antipathie.

Un pur rôle à oscar dans une péloche d'un excellent jeune cinéaste, sous forme de témoignage édifiant, injustement boycotté au moment des cérémonies de remises de prix, un peu plus tôt dans l'année.

Un peu une habitude dans la carrière riche et précieuse du Woody...



Jonathan Chevrier

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