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[CRITIQUE DVD] : Passion


Réalisateur : Brian De Palma
Acteurs : Rachel McAdams, Noomi Rapace, Karoline Herfurth, Paul Anderson,...
Distributeur : ARP Sélection
Budget : 30 000 000 $
Genre :  Thriller.
Nationalité : Français et Allemand.
Durée : 1h31min.
Date de sortie en salles : 13 Février 2013
Date de sortie en DVD/Blu-Ray : 18 juin 2013

Synopsis :

Deux femmes se livrent à un jeu de manipulation pervers au sein d'une multinationale. Isabelle est fascinée par sa supérieure, Christine. Cette dernière profite de son ascendant sur Isabelle pour l'entraîner dans un jeu de séduction et de manipulation, de domination et de servitude.



Critique :

Que tous les fans du Brian se rassure, ce n'est pas parce qu'il ne tourne plus aussi fréquemment qu'auparavant que le bonhomme est mort pour autant.
C'est une habitude assez con des gens de lier " absence du paysage professionnel " à " mort et salement enterré ".
A la question que tout le monde se pose depuis plus de cinq piges maintenant et le puissant Redacted, (Where is Brian ???), là réponse est simple, il n'était définitivement pas dans sa tombe mais certainement dans sa kitchen française, au lieu de bosser dans sa chère salle de montage.

Un mal pour un bien pour les putains de mauvaises langues qui ne comprennent rien à son cinéma, et qui se sont amusés à cracher sur ses dernières bandes pourtant loin de toutes être mauvaises (Redacted était savoureusement rageur, Femme Fatale étincelant et le défi de taille qu'incarnait Le Dahlia Noir était esthétiquement irréprochable, par contre il est vrai que Mission To Mars est difficilement aussi défendable que les autres), mais une très mauvaise nouvelle pour ses fans de la première heure (dont moi) qui se disait qu'à force de subir les foudres de la critique, le gars en avait sa claque du business, et qu'il ne reviendrait plus nous éblouir de son talent.

Mais heureusement, on enlève pas comme ça la passion du septième art à l'un des plus grands cinéastes qu'est connu l'Amérique depuis ses cinquante dernières années (si, je persiste c'est bel et bien le cas), et après un gros repos sabbatique il nous revient donc cette année avec Passion, ou le remake officiel du thriller merdique comme pas possible d’Alain Corneau, Un Crime d'Amour, dernier film du monsieur d'ailleurs, complétement foireux et surjoué, mais qui avait en lui un peu de l'essence de ce qui a fait toute la puissance du cinéma de De Palma : une story mélangeant les thèmes de la manipulation, des faux-semblants, de la vengeance et de la critique capitaliste sous fond de tension rageuse et sexuelle.

Voilà donc surement pourquoi le maitre s'est intéressé à lui pour en faire son nouveau terrain de jeu, mais surtout pour transcender, sublimer un matériau d'origine intriguant et prometteur trop faiblement mis en scène et dénué de tout excès osé.
Un outil certes surprenant mais en fait plus qu'adéquat pour qu'il prouve à tous qu'il en a encore dans le pantalon pour pondre de la bande géniale et qu'il est clairement loin d'avoir tout dit ce qu'il avait à dire dans la saloperie de stratosphère Hollywoodienne.
Il était donc salement attendu au tournant mais c'est bien connu, le Brian n'a peur de rien pas même du ridicule, et s'en est même bien la toute sa force.


Passion ou quasiment le même pitch que Crime d'Amour, à quelques détails près, le cinéaste ayant fait un joli coup de polish salvateur sur l'intrigue.

On suit la vie de Christine, blonde élégante et puissante dirigeante de la filiale d’une grosse agence de publicité, et qui dans le privée à une forte tendance a liké le sexe extrême et a séduire pour mieux manipuler ses proies, y'a pire comme hobbies tu me diras.
Mais celle-ci a également pour hobby d'adorer torturé Isabelle, sa brune et soumise assistante, discrète mais talentueuse qui lui voue en plus un culte sans borne.
Elle la forme tout en lui volant toutes ses excellentes idées, l'apitoie puis l'humilie, tandis que l'autre veut lui prendre sa place, tout en lui ayant déjà piquer son mec, hommes qui d'ailleurs ne seront pas vraiment bien traités dans l'histoire...

Et petit à petit pour corser l'addition déjà foutrement salée, les deux vont se lancer à fond dans un jeu d'attirance/répulsion dangereux, une relation plus cruelle et  tordue que jamais, tendance lesbienne mais sage sur le cul, entre manipulation, vengeance, jalousie et séduction, aussi bandante que franchement perverse...

Sur le papier, Passion était du pain bénit, le matériau ultime pour De Palma de revenir à son cinéma des 70's/80's, celui qui l'a rendu incontournable aux yeux des cinéphiles mais qui surtout lui a permit de s'asseoir comme le seul et unique Vrai descendant du maitre du suspens Alfred Hitchcock (dont le faible mini-biopic hante encore actuellement les salles françaises définitivement pas assez obscures), auquel il tâchera encore une fois de faire une belle révérence.

Sur le fond, plus qu'un thriller efficace, le métrage est ni plus ni moins qu'un putain d'hommage maitrisé à la filmo du Brian, par le Brian et pour le Brian et ses fans !
Une entreprise certes purement narcissique mais tellement virtuose et jouissive que l'on en vient très vite à en zapper tous ses (légers) défauts pour se laisser enivrer par le pur parfum nostalgique qu'il véhicule.
De Palma s'amuse à faire du De Palma et se rend la gloire qu'il mérite amplement depuis des lustres.
Dans un Hollywood ou plus d'un wannabe cinéaste nique allégrement leurs pairs à coups de remakes, suites voir prequelles d’œuvres cultes aussi fades que faussement référentielles, difficile de ne pas saluer la démarche du lascar de soixante douze ans, définitivement plus intelligent que le business.


En même temps comment le blâmer, le dicton dit bien que l'on est jamais mieux servit que par soi-même, pas vrai ?

Si l'on passe la photographie beaucoup trop froide et terne de José Luis Alcaine (plus inspiré et bouillant chez Almodovar), un scénario basique, parfois invraisemblable et ayant un peu de mal à démarrer (tous les défauts de l'original pour le coup), et un côté sexe un peu trop sage (c'est du cul assez lisse, type téléfilm mollasson de M6 du dimanche soir, à l'époque...), Passion, c'est de l'or en barre pour les aficionados du metteur en scène, et encore plus de thriller intelligent et érotique.

Dément mais pas complétement extrême pour autant (on est pas chez Verhoeven non plus), Brian se laisse aller comme dans ses plus belles heures, dans une outrance, une grandiloquence kitch que seul les grands cinéastes peuvent se le permettre et surtout l'assumer (c'est pas dans toutes les péloches d'aujourd'hui que tu verras des godemichets et des godes ceintures à en faire pâlir la quéquette à Rocco).

En replaçant judicieusement l'intrigue à Berlin au lieu de Paris, et en faisant de ces deux héroïnes des femmes de la même génération, il rend encore plus crédible la rivalité pleine de jalousie et de fascination qui les lient, mais renforce également le contexte sociologique du métrage, sa critique du monde capitaliste moderne (faux, aseptisé, froid, cruel et vulgaire), via le milieu superficiel de la publicité, dépeignant tout autant les failles du monde virtuel que le harcèlement moral (voir physique) du monde du travail.

Citant les sublimes Mulholland Drive (la relation explosive entre une brune et une blonde) et Eyes Wide Shut (le côté sadomasochiste, certes nettement plus timide que chez Kubrick) tout en citant comme d'hab le modèle Hitchcock (les thématiques du faux coupable et du meurtre parfait), et ses plus belles œuvres (l’inestimable Body Double vient clairement et souvent en tête, mais également Pulsion et Carrie), De Palma s'offre un plaisir fétichiste et maniérés en étalant toute sa grammaire cinématographique (les jeux de regard et de caméras à l’excès, les superpositions de visages, les gros plans sur les yeux, les splits screen, les meurtres avec des armes blanches, les ralentis...), au service d'une intrigue sexuée, décomplexée, aussi perverse que renversante, ponctuée de faux semblants, de rôles et de dominations qui se renversent toujours, ainsi qu'aux coups de théâtres incessants.

Prenant véritablement son envol et son rythme de course à mi-parcours (après une première partie assez longue et bavarde) au moment d'un meurtre et de l'enquête qui s'en suit, fort d'enjeux psychologiques aussi riches que complexes (la jalousie, la luxure, l'envie, la frustration, l'humiliation, la sexualité), sublimé par quelques grandes montées de tensions et des scènes d'une beauté vertigineuse (la scène du ballet, les rêves, le final), porté à bouts de bras par deux actrices au sommet de leur art, Rachel McAdams (plus belle et peste que jamais) et Noomi Rapace (intense) et un score kitchissime à souhait (Pino Donaggio, de retour dans le cinéma de De Palma), Passion est définitivement une œuvre à part dans le cinéma d'aujourd'hui, un peu le cul coincée entre deux époques (80's et aujourd'hui, mais ce n'est pas pour autant un défaut), captivante et imposante chapeauté par un cinéaste qui l'est tout autant.


De Palma aime manipulé son spectateur, le rendre mal à l'aise en le plaçant dans une position délicate à coups de scènes chocs, de retournements de situation aussi invraisemblables qu'impensables.

Si ici sa péloche est loin d'égaler l'aura quasi-inégalable de ses cultes Pulsions et Body Double, elle n'en est pas moins une habile mise en image de la nature humaine, manipulant à sa guise son intrigue et ses personnages (tout le monde se servant de tout le monde in fine), tout en brouillant les frontières entre rêve et réalité dans un jeu de dupe à la conclusion incroyablement noire et jouissive.

Si la bande risque d'en laisser plus d'un sur le carreau (comme tout bon film du cinéaste qui se respecte), elle est de mon humble avis l'une de ses plus maitrisées, poétiques, perverses et tortueuses depuis belle lurette.
De retour au meilleur de sa forme, le bonhomme fait de son Passion un cocktail complexe des plus noirs thrillers alliés aux excès glauques et fou furieux des plus délurées et décomplexées prods des eighties.

Je m'attendais à recevoir une belle petite claque dans la tronche de la part de ce potentiel joyau, au final je me suis pris un coup de pied nostalgique dans les couilles à m'en déchirer la mâchoire, merci beaucoup, voilà quelques euros bien dépensés pour un petit peu plus d'une heure et demi de joie cinéphile.
Voilà un film fascinant comme on en fait que trop peu, un bon coup de viagra dans une carrière qui en avait foutrement besoin, un peu comme ce fut le cas pour Friedkin et Stone en septembre dernier avec respectivement les excellents Killer Joe et Savages.

Prions tous pour que ce ne soit pas le film d'adieu de ce cher Brian, les années passent de plus en plus vite mais ce serait quant même bien con qu'au moment ou il recommence à se faire plaisir, celui-ci tire sa révérence éternelle...


Jonathan Chevrier

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