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[CRITIQUE/RESSORTIE] : Le Solitaire


Réalisateur : Michael Mann
Acteurs : James Caan, Tuesday Weld, James Belushi, Robert Prosky, Dennis Farina, William L. Petersen,...
Distributeur : Park Circus France
Budget : -
Genre : Policier, Drame.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h02min.

Date de sortie : 19 mai 1981
Date de ressortie : 5 novembre 2025

Synopsis :
Après onze ans passés en prison, Frank, un talentueux voleur de bijoux, décide de se lancer dans un dernier coup avant de se ranger pour de bon avec son ami Jessie.





Si l'on a une tendance assez marquée à qualifier Michael Mann de tous les superlatifs possibles - et amplement mérités -, lui qui fait partie d'une petite élite de cinéastes que l'on peut pleinement considérer comme des artistes à part entière, c'est avant tout et surtout parce que le bonhomme pense ses films comme de véritables expériences à part entière, dans lesquelles le spectateur peut voyager à sa guise encore et encore, parce que la moindre image, le moindre plan est façonné avec une intention, un but bien précis; chaque thème est développé, élevé à un niveau que rares sont capables d'atteindre.

Un film de Michael Mann, qu'on le considère inférieur à un autre où non dans un jeu des comparaisons parfois stupide mais surtout affreusement putassiers (on a le droit d'avoir tort... mais tu sais qu'on a raison), n'est pas un film comme les autres.

Copyright Park Circus

Même une œuvre - plus où moins - " oubliée " telle que Le Solitaire aka Thief (un bien meilleur titre), son premier long-métrage, odyssée criminelle et mélancolique dans une Chicago bleutée et incroyablement vivante, dont les lumières comme l'architecture respirent, se dilatent, frémissent et vibrent devant la caméra abstraite d'un cinéaste qui aimera plus tard tout autant si ce n'est même plus, celles de Los Angeles et Miami.
Déjà chez Mann, son cadre est considéré comme un personnage totalement à part entière et essentiel à toute son histoire, celui qui sublime avec une sensibilité extraordinaire la beauté unique de l'instant présent, du calme avant la tempête chaotique d'âmes paralysées et meurtries, engoncées dans les destinées que la vie leur a imposé.

Ici, c'est Frank (feu James Caan, peut-être dans son plus rôle), un as du cambriolage dissimulé derrière une façade d'homme respectable (le voile d'une existence à laquelle il aspire douloureusement, tant elle s'est profondément enracinée en lui pendant son incarcération), presque intouchable, le pur produit endurci et à la précision chirurgical d'un environnement férocement mécanique et glacial : un être qui a compris que pour survivre, entre les barreaux d'une prison où ceux d'une Amérique gentiment consumériste, il faut embrasser l'indifférence la plus totale.
Un guerrier idéaliste et téméraire mais au coeur tendre (le cousin loin d'être lointain, du Neil McCauley de Heat), capable de braquer tous les coffres-forts sauf celui de son idéal, un don sous des faux airs de malédiction qui lui fera accepter le braquage de trop, le plus gros coup de son existence qui le mènera très vite, trop vite à sa perte.

Copyright Park Circus

Première pierre d'un cinéma qui a toujours su lier, noblement, classicisme et modernité (cette fois un film noir dont il adopte méticuleusement toutes les coutures, tout en lui offrant une iconographie hypnotique et incroyablement dynamique), lyrisme et hyper-réalisme, le tout embaumé par la bande originale toute autant lancinante qu'entraînante de Tangerine Dream); Le Solitaire incarne un premier effort tout en assurance et en maîtrise, où la mise en scène sert continuellement la simplicité (mais point simpliste, tant l'écriture va constamment a l'essentiel tout en croquant des personnages empathiques à la psychologie complexe) de la narration tout en lui donnant une ampleur brutalement réelle.

Une merveille, rien de moins.


Jonathan Chevrier