[CRITIQUE/RESSORTIE] : Darling chérie
Réalisateur : John Schlesinger
Acteurs : Julie Christie, Dirk Bogarde, Laurence Harvey, José Luis de Vilallonga, Basil Henson, Helen Lindsay, Roland Curram, ...
Distributeur : Tamasa Distribution
Budget : -
Genre : Drame, Comédie, Romance.
Nationalité : Britannique.
Durée : 2h08min.
Date de sortie : 7 décembre 1966
Date de ressortie : 18 juin 2025
Date de ressortie : 18 juin 2025
Synopsis :
Diana Scott est une « enfant gâtée », consciente de sa beauté. Elle a épousé, jeune, un candide jeune homme mais ce mariage est un échec. Elle devient mannequin, lancée par Robert Gold reporter de télévision, qui a quitté sa famille pour elle. Mais Diana abandonne son amant pour un bel homme d’affaires puis pour un prince italien. Elle prend peu à peu conscience du monde artificiel dans lequel elle vit, à l'apogée des Swinging Sixties.
Diana Scott est une « enfant gâtée », consciente de sa beauté. Elle a épousé, jeune, un candide jeune homme mais ce mariage est un échec. Elle devient mannequin, lancée par Robert Gold reporter de télévision, qui a quitté sa famille pour elle. Mais Diana abandonne son amant pour un bel homme d’affaires puis pour un prince italien. Elle prend peu à peu conscience du monde artificiel dans lequel elle vit, à l'apogée des Swinging Sixties.
Londres, Swinging Sixties. Il s'agit d'une période de bouleversements culturels et sociaux dans les années 1960 (comme l'indique son nom), marquée par une créativité de plus en plus vive, et un désir de liberté et de modernité de plus en plus affirmés. En Angleterre, cette décennie symbolise l’essor de la jeunesse, la révolution musicale avec les Beatles ou les Rolling Stones, et une mode audacieuse incarnée par des figures comme Mary Quant. Au cinéma, il faut penser à Blow-up de Michelangelo Antonioni (1966), Alfie le dragueur de Lewis Gilbert avec Michael Caine (1966), Performance de Nicolas Roeg avec Mick Jagger (1970), Smashing Time de Desmond Davis (1967), Quadrophenia de Franc Roddam (1979), Georgy Girl de Silvio Narizzano (1966), The Knack and how to get it de Richard Lester (1965), et tant d'autres. Darling de John Schlesinger s'inscrit dans cette lignée de films évoquant les Swinging Sixties. C'est même assez logiquement que le cinéaste s'en empare, ayant participé – à sa manière – à la période de "réalisme social" initiée par le groupe du Free Cinema. Il a notamment réalisé Un amour pas comme les autres (1962) et Billy le menteur (1963).
Le film de John Schlesinger s'ouvre sur un tourbillon esthétique et social, où Londres bouillonne au rythme d'une jeunesse avide de modernité, de liberté et de nouvelles expériences. Le cinéaste John Schlesinger capte l’énergie volatile et parfois même chaotique de cette époque, parée de ses extravagances issues de la mode, ses excès et ses contradictions. Le récit suit Diana Scott (incarnée par Julie Christie, fabuleuse, l'un de ses meilleurs rôles), une femme libre et insaisissable, qui traverse cette période de bouleversements avec une certaine ambivalence émotionnelle. L’urbanité moderne, les cafés, les soirées festives, les corridors lumineux, les rues du quartier de Soho, les murs où se dressent de grandes publicités… tout devient le décor d’une quête identitaire où le glamour et la solitude (voire la mélancolie) se côtoient sans cesse. La capitale anglaise se fait le centre d'un monde (occidental) tourné vers la mode et l'hédonisme, et déjà dans la quête d'une image de soi. Dans ces espaces, déambulent mannequins, intellectuels, spectateurs et publicitaires en quête de sens et d'existentialisme.
Mais au-delà de la fête, Schlesinger fait de Darling un portrait cru et parfois désabusé de cette société en mutation, où les apparences dissimulent souvent une profonde vacuité / vanité. Dans sa mise en scène, le cinéaste est à la fois fasciné et ironique. Derrière les apparences de tous ces corps qui déambulent plutôt qu'ils se promènent ou flânent, c'est une ville où la chaleur humaine disparaît progressivement. Elle laisse place à des sortes de jeux de rôles. Toujours aussi inspiré par le Free Cinema, Schlesinger épure ses décors londoniens bien qu'ils soient nombreux, utilise des plans fixes en intérieurs comme s'il voulait signaler la mort d'une vitalité dans l'intimité et les rassemblements mondains, et les lignes de l'architecture ne cessent de fuir. Prise entre la sensualité et la froideur, entre les costumes et la chair, Diana symbolise tout cela. Elle navigue d'un décor à l'autre sans jamais pouvoir s'ancrer nulle part. Elle, et tous les autres personnages, traversent Londres comme des acteur•rice•s sur un plateau de cinéma. En quelque sorte, le film évoque les promesses d'émancipation de l'époque et s'empare avec plaisir du désir de liberté(s), mais le film montre comment tout cela s'efface au fur et à mesure pour n'être que désillusion.
Londres se révèle être presque inhospitalière, où tous ces espaces sont aussi impersonnels qu'artificiels. Comme si les idées composant les Swinging Sixties s'étaient accompagnées d'une aliénation collective. Chaque costume, chaque décor, chaque détail visuel témoigne d’une époque en pleine effervescence mais déjà sur le point de s’épuiser. Les jeux de lumière, souvent contrastés, soulignent cette tension entre éclat et ombre, entre le scintillement des paillettes et la mélancolie sous-jacente. Le progrès piège les corps : ils semblent suffoquer entre tous ces bâtiments, les transports absorbent les personnages comme des machines qui les effacent. Il ne s'agit pas de trajectoire personnelle, mais de propulsion : par un monde / une société qui va trop vite pour être réellement habité. Car le réel et la frénésie désirée sont constamment en collision. Un paradoxe trouvant sa source dans l'influence du Free Cinema, donc. Esthétique quasi documentaire (caméra portée, décors de rues, impressions d'instantanés, etc) mais en y injectant des références à la publicité contemporaine (surcadrages, inserts moqueurs, voix-off qui prend du recul, ellipses brutes, etc).
Julie Christie est la quintessence de ce film : à la fois icône et énigme, elle incarne ce personnage à la fois puissant et vulnérable, séductrice et perdue. Sa Diana est un miroir complexe de la décennie, oscillant entre liberté sexuelle revendiquée et une quête désespérée d’identité. L’actrice, par sa présence magnétique, porte le récit mais donne aussi une profondeur inattendue à ce portrait de femme moderne, tour à tour cynique et fragile. Elle permet d'explorer les failles d’un monde où la réussite sociale semble parfois aussi creuse que les fêtes dont elle prend part. John Schlesinger lui offre un espace pour déployer toute une palette d’émotions, souvent contenues mais puissantes, qui contribuent à ancrer Darling bien au-delà d’un simple document sur une époque. Car le film est aussi un reflet des nuances morales des Swinging Sixties, une époque où la révolution culturelle s’accompagne d’une certaine hypocrisie sociale. Darling ne fait ni l’apologie ni la dénonciation de cette époque, mais en dévoile les paradoxes : liberté sexuelle, oui, mais à quel prix ? L’ascension sociale rapide, oui, mais avec quelle authenticité ? Les dialogues souvent incisifs évitent le manichéisme et de rendre le film explicatif, sans jamais manquer de pointer les dérives de la superficialité environnante. Jusque dans la bande-son, entre jazz et musiques pop, qui rythme le film avec élégance pour les élans de liberté, mais aussi avec mélancolie pour les moments d’isolement.
Darling est un film qui, au-delà de sa réputation de fresque sur les Swinging Sixties, réussit à interroger les mécanismes complexes de la séduction, de la réussite et de la solitude dans un monde en pleine transformation. Il y regorge d'enjeux sociaux complexes et tabous à l'époque : les relations extraconjugales, le divorce, le sexe libre, l'avortement, l'homosexualité, et même le féminisme (il faut savoir que le film a été qualifié d'immoral à sa sortie par la critique et les institutions, au point que des scènes ont été supprimées sous la pression de la censure). John Schlesinger fait de Londres le centre de toutes ces contradictions, où chaque espace et chaque détail ont une double signification et un double impact sur les personnages. Le portrait de Diana est aussi symbolique de cette société qui a du mal à s'ancrer physiquement et émotionnellement, alors qu'il s'agit d'une humanité pleine d'idées claires. Le film révèle les failles, les contradictions, et la fragilité cachées au sein de cette époque. Cinéaste du désenchantement, Schlesinger signe ici une chronique urbaine qui démythifie son époque sans en nier le charme (même s'il est superficiel).
Le film de John Schlesinger s'ouvre sur un tourbillon esthétique et social, où Londres bouillonne au rythme d'une jeunesse avide de modernité, de liberté et de nouvelles expériences. Le cinéaste John Schlesinger capte l’énergie volatile et parfois même chaotique de cette époque, parée de ses extravagances issues de la mode, ses excès et ses contradictions. Le récit suit Diana Scott (incarnée par Julie Christie, fabuleuse, l'un de ses meilleurs rôles), une femme libre et insaisissable, qui traverse cette période de bouleversements avec une certaine ambivalence émotionnelle. L’urbanité moderne, les cafés, les soirées festives, les corridors lumineux, les rues du quartier de Soho, les murs où se dressent de grandes publicités… tout devient le décor d’une quête identitaire où le glamour et la solitude (voire la mélancolie) se côtoient sans cesse. La capitale anglaise se fait le centre d'un monde (occidental) tourné vers la mode et l'hédonisme, et déjà dans la quête d'une image de soi. Dans ces espaces, déambulent mannequins, intellectuels, spectateurs et publicitaires en quête de sens et d'existentialisme.
Mais au-delà de la fête, Schlesinger fait de Darling un portrait cru et parfois désabusé de cette société en mutation, où les apparences dissimulent souvent une profonde vacuité / vanité. Dans sa mise en scène, le cinéaste est à la fois fasciné et ironique. Derrière les apparences de tous ces corps qui déambulent plutôt qu'ils se promènent ou flânent, c'est une ville où la chaleur humaine disparaît progressivement. Elle laisse place à des sortes de jeux de rôles. Toujours aussi inspiré par le Free Cinema, Schlesinger épure ses décors londoniens bien qu'ils soient nombreux, utilise des plans fixes en intérieurs comme s'il voulait signaler la mort d'une vitalité dans l'intimité et les rassemblements mondains, et les lignes de l'architecture ne cessent de fuir. Prise entre la sensualité et la froideur, entre les costumes et la chair, Diana symbolise tout cela. Elle navigue d'un décor à l'autre sans jamais pouvoir s'ancrer nulle part. Elle, et tous les autres personnages, traversent Londres comme des acteur•rice•s sur un plateau de cinéma. En quelque sorte, le film évoque les promesses d'émancipation de l'époque et s'empare avec plaisir du désir de liberté(s), mais le film montre comment tout cela s'efface au fur et à mesure pour n'être que désillusion.
Londres se révèle être presque inhospitalière, où tous ces espaces sont aussi impersonnels qu'artificiels. Comme si les idées composant les Swinging Sixties s'étaient accompagnées d'une aliénation collective. Chaque costume, chaque décor, chaque détail visuel témoigne d’une époque en pleine effervescence mais déjà sur le point de s’épuiser. Les jeux de lumière, souvent contrastés, soulignent cette tension entre éclat et ombre, entre le scintillement des paillettes et la mélancolie sous-jacente. Le progrès piège les corps : ils semblent suffoquer entre tous ces bâtiments, les transports absorbent les personnages comme des machines qui les effacent. Il ne s'agit pas de trajectoire personnelle, mais de propulsion : par un monde / une société qui va trop vite pour être réellement habité. Car le réel et la frénésie désirée sont constamment en collision. Un paradoxe trouvant sa source dans l'influence du Free Cinema, donc. Esthétique quasi documentaire (caméra portée, décors de rues, impressions d'instantanés, etc) mais en y injectant des références à la publicité contemporaine (surcadrages, inserts moqueurs, voix-off qui prend du recul, ellipses brutes, etc).
Julie Christie est la quintessence de ce film : à la fois icône et énigme, elle incarne ce personnage à la fois puissant et vulnérable, séductrice et perdue. Sa Diana est un miroir complexe de la décennie, oscillant entre liberté sexuelle revendiquée et une quête désespérée d’identité. L’actrice, par sa présence magnétique, porte le récit mais donne aussi une profondeur inattendue à ce portrait de femme moderne, tour à tour cynique et fragile. Elle permet d'explorer les failles d’un monde où la réussite sociale semble parfois aussi creuse que les fêtes dont elle prend part. John Schlesinger lui offre un espace pour déployer toute une palette d’émotions, souvent contenues mais puissantes, qui contribuent à ancrer Darling bien au-delà d’un simple document sur une époque. Car le film est aussi un reflet des nuances morales des Swinging Sixties, une époque où la révolution culturelle s’accompagne d’une certaine hypocrisie sociale. Darling ne fait ni l’apologie ni la dénonciation de cette époque, mais en dévoile les paradoxes : liberté sexuelle, oui, mais à quel prix ? L’ascension sociale rapide, oui, mais avec quelle authenticité ? Les dialogues souvent incisifs évitent le manichéisme et de rendre le film explicatif, sans jamais manquer de pointer les dérives de la superficialité environnante. Jusque dans la bande-son, entre jazz et musiques pop, qui rythme le film avec élégance pour les élans de liberté, mais aussi avec mélancolie pour les moments d’isolement.
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Copyright Tamasa Distribution |
Darling est un film qui, au-delà de sa réputation de fresque sur les Swinging Sixties, réussit à interroger les mécanismes complexes de la séduction, de la réussite et de la solitude dans un monde en pleine transformation. Il y regorge d'enjeux sociaux complexes et tabous à l'époque : les relations extraconjugales, le divorce, le sexe libre, l'avortement, l'homosexualité, et même le féminisme (il faut savoir que le film a été qualifié d'immoral à sa sortie par la critique et les institutions, au point que des scènes ont été supprimées sous la pression de la censure). John Schlesinger fait de Londres le centre de toutes ces contradictions, où chaque espace et chaque détail ont une double signification et un double impact sur les personnages. Le portrait de Diana est aussi symbolique de cette société qui a du mal à s'ancrer physiquement et émotionnellement, alors qu'il s'agit d'une humanité pleine d'idées claires. Le film révèle les failles, les contradictions, et la fragilité cachées au sein de cette époque. Cinéaste du désenchantement, Schlesinger signe ici une chronique urbaine qui démythifie son époque sans en nier le charme (même s'il est superficiel).
Darling reste aujourd’hui d’actualité : celle d’un monde saturé d’images, où la liberté apparente masque souvent une solitude fragile et le règne de l'individualisme. Et où les femmes restent les meilleures observatrices, et les premières sacrifiées.
Teddy Devisme
Teddy Devisme